Le forum des journalistes de la wilaya de Tipasa a, lors de sa 9e édition, invité Hocine Bellout, président du Comité national des marins pêcheurs. Connu pour son franc-parler, il s'exprime sans aucune retenue sur les tenants et aboutissants de ce secteur stratégique, car il y va de la sécurité alimentaire dans notre pays. A première vue, cet homme est doté d'une véritable énergie et d'une volonté inébranlable pour énoncer des vérités qui ne plaisent pas à tout le monde. Dans un véritable réquisitoire à l'encontre des responsables, M. Bellout a mis à nu les véritables obstacles et contraintes qui, selon ses propos, vont aboutir dans peu de temps à l'anéantissement des ressources halieutiques par la faute de personnes qui n'ont rien à voir avec le secteur de la pêche, et le peu d'audace quand il s'agit de protéger notre environnement et notamment les côtes algériennes qui subissent de graves dommages, menaçant de ce fait la disparition de la faune et de la flore marine par une pollution extrêmement dramatique. L'invité du forum a mis en exergue la production nationale, là aussi, le constat est sévère du fait que la production annuelle a chuté d'une manière très sensible. En effet, 385 000 tonnes de poissons ont été pêchées en 2010 alors qu'en 2012 seulement 72 000 tonnes ont été enregistrées. Par ailleurs, pour combler le déficit en poissons, l'Algérie importe 400 000 tonnes/an de poisson congelé. Le Maroc arrive à 1 500 000 tonnes/an alors que la Tunisie assure 650 000 tonnes /an. Un autre facteur et non des moindres est celui de l'utilisation de la dynamite par des pêcheurs sans foi ni loi ; elle décime non seulement la faune mais la flore marine. Il ressort qu'un seul bâton de dynamite se détruit la biodiversité marine dans un rayon de 5 km sur plus de 50 ans. Malgré les efforts de la marine nationale, certains continuent à jouer avec les explosifs. Par ailleurs, l'utilisation des filets dérivants se fait au nez et à la barbe des responsables. Cela en principe doit faire l'objet de poursuites judiciaires avec tout un arsenal de textes, mais rien à ce jour. Pourtant, l'Algérie est signataire de la convention de Barcelone en matière d'interdiction des filets dérivants, mais devant la frivolité des responsables en Algérie, il n'y a rien à espérer, selon M. Bellout. Autre fait marquant, le non-respect du repos biologique. Cette situation ne permet pas aux poissons de se reproduire normalement, car elle est étouffée dans «l'œuf», créant ainsi la rareté du poisson en Algérie. Néanmoins, l'ancien ministre de la Pêche avait promis que durant la période de reproduction de la faune marine, soit 3 mois par an, les pêcheurs seraient payés au SNMG, compte tenu que ces derniers n'ont aucune autre ressource. Là aussi, c'est le silence qui a prévalu, ce qui a poussé les pêcheurs de ne pas respecter le repos biologique. Ainsi, on peu le constater sur les étals, la sardine, pour ne citer que cet exemple, ne mesure que 5 centimètres au lieu de 11. C'est dire que la taille marchande n'est nullement respectée chez nous. Toutes ces anomalies qui ne font qu'empirer sont le résultat d'une véritable mafia qui gangrène le secteur de la pêche. Des personnes qui n'ont rien à voir avec le secteur se sont introduites dans le milieu avec des milliards de dinars pour investir dans un domaine qui n'est pas le leur. Ces arrivistes, explique M. Bellout, ne respectent aucune règle préétablie, car pour ces gens peu scrupuleux qui ne font pas dans la dentelle seul le profit compte. Sur un autre registre, l'intervenant s'est dit étonné qu'à ce jour qu'il n'existe pas de police de la pêche, pourtant, cela fait des années que les responsables du secteur babillent. Autre aspect, le manque flagrant de statut des pêcheurs, et par ricochet, ce manque de vision en direction de plus de 52 000 marins pêcheurs est à l'évidence une forme de déni à la corporation et c'est pour cette raison justement que les marins pêcheurs deviennent par la force des choses des parias qui n'obéiront à aucune contrainte d'où qu'elle vienne. Avec une flottille de 4 250 embarcations et 33 ports d'attache, l'Algérie aurait pu se hisser au premier rang des pays du Maghreb. Le conférencier a aussi mis en évidence l'endettement des pêcheurs de poissons bleus et demande que l'Etat efface leurs dettes comme il l'a fait pour les agriculteurs. Du point de vue de la considération de l'environnement, la loi qui interdit la vente du poisson dans les casiers en bois n'est pas respectée par tous. Afin que le consommateur algérien puisse comprendre, le casier en bois sec pèse 6 kg, mouillé, il est jaugé à 10 kg soit un surplus de 4 kilogrammes. C'est aussi une question d'hygiène et de poids. Mais loin s'en faut, personne n'applique cette directive et aucun pêcheur n'a été sanctionné. Ce laisser-aller de la tutelle démontre que le secteur est en proie à des rivalités qui sont en train de causer du mal. M. Bellout avouera que de nouveaux patrons pêcheurs sont arrivés sans détenir de fascicule. La dévalorisation de ce métier va très certainement compromettre tout un secteur qui fait vivre des milliers de familles et induira des effets négatifs sur la consommation des fruits de mer, car l'Algérie doit importer de grandes quantité de poisson congelé en devises. S'agissant de l'aquaculture, l'Algérie est au stade du balbutiement, la preuve, la pêche continentale est en veilleuse du fait que l'Algérien n'aime pas le poisson d'eau douce car il est mal informé. Selon M. Bellout, le nouveau ministre est prêt à écouter les doléances des principaux concernés, à savoir les gens de mer, et non les nouveaux arrivants.