Si on dit, tout le temps et partout que la colère est mauvaise conseillère, ça l'est beaucoup plus pendant les journées caniculaires de Ramadhan. C'est pourquoi ceux qui ne se maîtrisent pas sous l'effet de l'abstinence se laissent aller à des actes regrettables. Çà et là, des jeûneurs de tempérament nerveux en n'admettant aucune contrariété s'emportent facilement en criant sur un ton souvent menaçant. On les voit par les journées caniculaires et longues. C'est généralement au delà de midi qu'ils se mettent à vociférer pour des bagatelles et le passage à l'acte se fait sans transition. Face à ce spectacle, les uns rient, d'autres restent de glace, mais ne restent jamais indifférents. Le vrai musulman ne doit pas céder à ses passions sous le prétexte d'abstinence Les pratiquants aux fortes convictions arrivent normalement à garder leur maîtrise lorsqu'ils font l'objet de contrariétés jugées naturelles et humaines. Par exemple, on peut supporter une remarque impertinente, ou répondre par le silence à une provocation même si cela demande des efforts de compréhension. Certains en arrivent même à se dire qu'après tout, nul n'est infaillible ou l'erreur est humaine, sinon c'est le Ramamdhan et il faut se supporter. Mais telle n'a pas été la volonté de quelqu'un qui venait d'acheter cinquante baguettes de pain chez le boulanger vers les 3 h de l'après-midi. A sa vue, un autre homme qui aurait dû se taire, osa lui faire cette remarque impertinente : quels affamés ! (akhi djiâanine). L'autre qui n'avait pas admis d'être traité ainsi, brandit son couteau et le planta dans la poitrine de l'homme à la parole blessante, le tuant sur le coup. En l'espace de quelques minutes, il y a eu un mort et un candidat à la prison, derrière eux, deux familles peut-être nombreuses ont été subitement plongées dans le malheur et pour une parole déplacée. Pourtant, il est dit dans le Coran, la sunna et les coutumes musulmanes : le mois de Ramadhan doit être celui de la bonté, de la générosité, du partage et de la tolérance. Et peut-on considérer comme un musulman l'agresseur qui a sectionné la main à un passant à l'aide d'un sabre bien aiguisé au cours d'une bagarre qui aurait pu être évitée si les auteurs avaient pris l'habitude de se calmer au lieu d'être violents au point de tuer. Généralement, ceux qui menacent d'étrangler ou de frapper fort avec tout ce qui leur tombe sous la main, regrettent leurs actes le soir, après avoir pris leur première dose de chique et goûté à la chorba. Parmi de nombreux cas de prétextes à bagarre, nous avons choisi celui d'un receveur de la RSTA (appelée ainsi à l'époque) et c'était pendant un mois de Ramadhan. Le receveur était un homme inoubliable parce que connu pour sa bonne moralité, sa qualité de hadj, son caractère imperturbable. Il avait tout le temps le sourire aux lèvres. Un jour, par une journée la plus chaude du Ramadhan, un voyageur l'avait insulté sous le prétexte qu'il avait délivré un ticket à un vieux qu'il avait devancé. «Inâal waldik», avait-il dit au receveur qui lui répondit tout de go : irhaam waldik. Et que de fois les deux formules se sont alternées, l'une venant du voyageur, pour insulter violemment, l'autre du côté receveur souhaitant la rahma. Ce dernier, voyant son adversaire entêté, s'adresse à lui en ces termes : toi tu maudis mes parents, moi par contre je demande à Dieu qu'il accorde la rahma aux tiens. Et chacun de camper sur ses positions. Mais dans cette altercation, la raison avait fini par avoir le dessus, car l'insulter avait fini par comprendre qu'il faut être digne du Ramadhan, que le receveur était un homme sage et paix et qu'en fin de compte, il devait reconnaître ses torts. Devant le public de passagers médusés, il s'était mis à genoux pour demander pardon à sa victime. Une religion qui donne sa plaine signification à l'idjtihad C'est dans la religion que le pratiquant peut s'autoévoluer si on considère le Ramadhan comme une épreuve obligatoire par laquelle nous sommes jugés par le Tout Puissant. L'idjtihad en tant que concept d'Ibn Rochd, signifiant effort de réflexion appliqué dans sa lettre à la pratique religieuse doit être un exercice pouvant conduire à une meilleure compréhension du Ramadhan, de la prière et de tous les autres piliers de l'Islam et des attributs de Dieu. Si on s'abstient de tout pour insulter, donner des coups de poing, menacer de frapper, bousculer, cracher au sein d'une population censée être constituée croyants, où est la pratique religieuse ? A la deuxième semaine de ce Ramadhan 2013, un croulant maigrioche marchant péniblement à l'aide d'une canne, s'est fait piétiner par un jeune très costaud qui n'a même pas jugé utile de demander pardon. Cette imprudence a provoqué chez le vieillard une réaction violente mais naturelle. Il avait peut-être dit quelque chose que l'autre ne voulait pas entendre. Le jeune se retourna pour dire toutes sortes grossièretés à ce vieil homme qui peut être son grand-père. Et sans gêne, il le menace même de coups. Je vais te frapper si tu n'arrêtes pas de parler lui a-t-il répété, sans état d'âme. Pourtant, le Ramadhan dans lequel nous sommes, c'est le mois de la tolérance, du respect des vieillards qui ont trimé toute leur vie au point d'attendre un minimum d'égard des plus jeunes. Nos vous avons rapporté parmi d'autres, des cas particuliers de coléreux capables du pire lorsqu'ils sont en période d'abstinence. On doute fort qu'ils aient compris mis à part le receveur de bus, ce que musulman veut dire et ce, à quoi la colère peut conduire lorsqu'on n'arrive pas à se maîtriser.