S'alimenter pour recréer, être en équilibre, demande beaucoup de savoir et de savoir-faire. Chaque peuple a ses traditions culinaires et pour les mêmes plats, des recettes spécifiques. On s'alimente pour se maintenir en bonne forme physique, mais pour qui fait preuve de perspicacité, les peuples dont les traditions culinaires sont évidentes, nous apprennent beaucoup sur la notion de génie populaire. Chacun d'eux est spécialisé dans l'art d'apprêter un plat porteur de marques traditionnelles. Cela rentre dans les représentations sociales de l'alimentation. Quand on parle de herira, soupe appétissante, on ne peut pas ne pas faire penser à l'esprit inventif et aux mains habiles d'une région d'Algérie. Il en est de même de la tchek-tchouka qui rappelle le Sud où on la fait accompagner de viande ou la Kabylie qui en a une préparation particulière à base de lait de vache ou de chèvre et de beurre frais. Que d'études et de textes ont été consacrés à l'art de cuisiner ! Des fascicules illustrés, des livres de recettes de cuisine ou de pâtisserie tapissent les murs dans certains quartiers pour inciter tout le monde à s'initier à un apprentissage qui, croit-on encore, relève du domaine des activités féminines. Toutes ces productions qui ont suscité une véritable compétition, c'est à qui mieux intéresser, ont créé un lectorat assez nombreux pour ne pas en tenir compte. Çà et là, des ouvrages assez copieux montrent bien que des préparations culinaires ont même franchi les frontières. C'est le cas du couscous adopté partout sous diverses recettes. Et que de plaisir pouvons-nous éprouver à l'idée d'avoir découvert des recettes sensationnelles réalisées avec des ingrédients connus de tous ! Le plat de riz fait penser aux Japonais, aux Chinois, à tous les pays asiatiques dont il est originaire, mais cette céréale est bien connue en Algérie depuis bien longtemps. On y connaît parfaitement ses vertus curatives par la voie orale ou écrite. On le cuisine selon des recettes inimaginables. Dans chaque région, on a découvert de nouvelles préparations moyennant un mélange d'ingrédients qui le rendent de plus en plus agréable à manger. Ce qui a créé des appellations originales indicatrices de diversité d'apprêts : riz au beurre frais, à la sauce tomate, à l'huile d'olive, à la viande de lapin, au poulet, aux fruits de mer, etc., et la liste des inventions culinaires est loin d'être close. Pourtant, à l'origine, le riz a été consommé simplement avec cette découverte capitale dans l'histoire de l'alimentation selon laquelle il faut manger le riz avec son enveloppe riche en vitamine B sans laquelle les premiers marins japonais attrapaient cette maladie par carence appelée béribéri. Il en est de même des pâtes, améliorées considérablement par les Italiens, bien qu'elles soient d'origine chinoise et apprêtées différemment selon les pays ou les civilisations. Des cuisiniers à l'esprit créatif n'ont jamais cessé de penser à la diversification des recettes de préparation qui puissent les rendre de plus en plus appétissantes par ajout des épices aux odeurs et saveurs extraordinairement excitantes ou par accompagnement de viande. Concernant le couscous, les pâtes, le riz répandus dans tous les continents, il existe de nombreuses recettes qui font l'objet de publications originales. L'universalité étant synonyme d'extrême diversité culturelle, a conduit à des inventions sans cesse renouvelées et enrichies. Ainsi, on a introduit dans le domaine culinaire les plantes aromatiques associées aux légumes que l'ont croyait incompatibles pour apporter des nouveautés dans les mélanges nutritionnels et les goûts. Ce qui s'est traduit par un enrichissement lexical du champ culinaire. Un vocabulaire aux équivalents sémantiques insoupçonnés Il faut un dictionnaire universel et plurilingue pour réunir les mots nouveaux : noms, verbes, adjectifs, adverbes en rapport avec l'art culinaire. Cela pourrait même se compliquer si on lui adjoignait la pâtisserie qui a connu une évolution considérable avec la révolution culturelle et le progrès technique. Avec les robots, mixeurs et autres appareils électro ménagers, les préparations sont devenues banales et à la portée de tout le monde. Il suffit de respecter à la lettre la recette. Nos vieilles qui avaient une parfaite connaissance des plantes sauvages par voie de transmission de mère à fille, peinaient beaucoup pour réaliser leurs soupes extrêmement nourrissantes. Aujourd'hui, les tâches ménagères sont devenues faciles, ce qui a entraîné une évolution rapide d es termes manger et désir qui font l'objet d'inventions lexicales de type métaphorique. On dit communément : manger de tout, manger à temps, être végétarien, un goinfre ou devenir boulimique, sinon anorexique, pour signifier que les comportements humains sont parfois bizarrement imprévisibles. Il y a beaucoup de singularité dans les réactions des gens face à l'alimentation. Beaucoup se contentent aujourd'hui de consommer des pizzas à l'heure des repas de midi. On assiste à une prolifération des pizzerias dans toutes les cités urbaines d'Algérie, parce que cela répond à une demande de plus en plus grande. Tout le monde en consomme et ce type d'alimentation nouvellement installé connaît un développement industriel. C'est à chaque producteur de faire bien, vite et à meilleur marché pour s'attacher une clientèle fidèle. Manger et boire, sans causer de grands dommages financiers, sont désormais fondés sur le désir d'assouvir sa faim ou d'étancher sa soif, répondre à un appétit quelquefois vorace. On peut se restaurer partout et à l'heure qui convient parce que tout le monde est pressé ; et le téléphone est dans la poche pour être joint ou pour appeler qui on veut, même se trouvant à l'autre bout du m onde. Revenons sur le lexique pour dire qu'il existe des CD et des logiciels qui vous apportent des programmes alimentaires. Nous sommes à l'heure de la banalisation des ordinateurs. Si on résumait, on aurait par exemple des énoncés du type entrée, plat principal, fromage dessert, manger à sa faim, manger ce que l'on aime, éviter l'excès de graisse et de sucre, manger équilibré des petits plats dans une ambiance conviviale. Et chacun selon son schéma culturel, ses affinités, manger non pas seulement pour remplir un vide mais pour le plaisir. Les souvenirs qui nous reviennent nous en tant qu'adultes expérimentés sont ceux en rapport avec le ramadhan au cours duquel on mange différemment. Lorsque l'heure du ftour arrive, on éprouve du plaisir et on recouvre ses esprits. Certains mangent lentement en pensant à la faim et à la soif éprouvantes durant une journée de canicule. Et que de situations on peut faire revivre !