L'usage alimentaire du riz remonte à si loin que les historiens le datent avec des écarts frôlant le millénaire, d'une hypothèse à l'autre. Deux espèces de riz, l'une africaine, l'autre asiatique, ont engendré plusieurs milliers de variétés. C'est le riz d'Asie qui s'est répandu à travers le monde et a même fini par supplanter le riz africain. En Orient, le riz est source de vie et fait l'objet de nombreux cérémonials. Ainsi, il se voit attribuer une naissance divine, comme à Java, “île du riz”, dans la langue locale. Alexandre le Grand aurait introduit le riz en Grèce quelque trois siècles avant notre ère, les Héllènes se bornèrent à l'utiliser comme tisane. “La conquête musulmane du monde méditerranéen a été autrement plus efficace. Ce sont certainement les Arabes qui ont introduit le riz en Egypte et sur le pourtour africain de l'océan indien. Ce sont eux qui l'ont probablement porté à Madagascar puis au Maroc et en Espagne.” L'arrivée du riz en Algérie n'a pas encore fait l'objet de recherches approfondies, mais les éléments en notre possession concordent sur une probable introduction de sa culture dès le XVIe siècle par les Morisques d'Andalousie. Le voyageur anglais Th. Shaw signale des rizières autour de Blida au XVIIe siècle. Il existe encore dans la Mitidja un “haouch Erroz”. Le toponyme daterait de cette époque. Au début du XIXe siècle, l'agriculture coloniale implantera la riziculture dans d'autres régions, notamment entre Relizane et Mostaganem, où furent créées les Grandes Rizières de l'Oranie. Et plus tard dans la région d'Annaba où probablement la riziculture était plus anciennement connue. Préjugés Pourtant, la consommation du riz ne s'est jamais bien implantée dans nos mœurs alimentaires des nutritionistes qui ne tarissent pas d'éloges sur les bienfaits de la céréale. Il semble que la graine, qui nourrit plus de la moitié de l'humanité, soit encore mal connue des consommateurs algériens, qui ont des préjugés sur sa digestibilité. Ce qui la fait bouder. “Le riz constipe, c'est un aliment lourd à digérer”. Combien de fois n'avons-nous pas entendu cette affirmation ? En fait, le riz est victime des mauvais cuisiniers qui ne savent pas le préparer, car cuit dans les règles de l'art, c'est un aliment des plus digestes. Si le riz est recommandé en cas de diarrhée, ce n'est pas pour un quelconque “pouvoir constipant”, c'est tout simplement parce qu'il fermente peu et demande “à l'intestin un travail minimum, le lèse au minimum” et, de ce fait, joue un rôle régulateur du transit intestinal. Avec les progrès de l'agronomie, il a été développé des variétés appropriées à chaque usage. Pour le bonheur des gastronomes, la remise au goût du jour du riz “est venue stimuler le génie culinaire de quelques chefs qui ne manqueront pas de conseiller : le caroline pour une salade exotique, de faire accompagner les curry de Surinam, du Basmati millésimé pour un pilaf, le Viet-Nam ou la Thaïlande parfumés avec un canard laqué… ”. Ne rêvons pas, le marché ne nous en offre que deux types : le blanc poli, très pauvre en nutriments, et le jaune, dit étuvé, à préférer au premier. Faisons avec en attendant le retour du Mitidji, du Annabi et du Relizanais. RECETTE Le riz pilaf d'Alexandre le Grand Nombreux sont ceux qui rattachent ce plat, qui pourrait sembler, au premier abord, simple par sa composition — il se prépare avec du riz, de la viande, des carottes et des épices — à l'Orient musulman. Alors que ce mot ne vient ni de l'arabe ni du turc, mais plutôt du grec. Le riz pilaf fut préparé pour la première fois pour Alexandre qui a employé le mot “polouf” pour désigner la nouvelle invention de ses cuisiniers asiatiques. En grec, cela signifie “composition diversifiée”. Avec le temps, le “polouf” s'est changé en “pilaf” ou “plof” (en russe). Il est devenu le roi des plats orientaux. Il est entré dans la coutume de le servir le jeudi (c'est-à-dire la veille du vendredi qui est sain pour les musulmans), à la fin du repas, au moment où dans les autres pays, on sert le dessert. Chaque hôte s'ingéniait dans la préparation du pilaf afin qu'il soit particulièrement réussi et qu'il garde le secret de son originalité. Toutes ces compétitions ont fini par faire oublier la véritable recette du mets d'origine dont mes ancêtres se régalèrent, il y a de cela vingt-trois siècles. Il m'a fallu beaucoup de temps pour retrouver cette recette que j'ai reconstituée en fouillant dans les vieux livres. Voici le résultat de ces recherches. Il faut prendre un kilogramme de riz, 500 grammes de viande de bœuf, 300 grammes d'huile, 1 500 grammes de carottes, 200 à 300 grammes d'oignon, 2 cuillerées à café de sel. Il vous faudra également 1 cuillerée à café de cumin, une cuillerée à café de coriandre, du paprika ou du poivre en poudre. Selon votre goût. Faire tremper le riz dans de l'eau chaude et salée. Pendant ce temps, chauffer l'huile dans un chaudron jusqu'à ce qu'elle se mette à crépiter, y ajouter la viande coupée en gros morceaux, l'oignon coupé en rondelles et les carottes hachées en fines lamelles. Vingt minutes après, vous verserez le sel et les épices sans mélanger et laisserez cuire à feu doux pendant 40 à 60 minutes. Verser doucement la valeur d'un litre d'eau. Rincer le riz trempé dans plusieurs eaux et versez-le dans le chaudron par-dessus la viande en une couche bien lisse. L'eau doit arriver au niveau de riz, le feu doit être au maximum. Pendant la cuisson, mélanger deux ou trois fois la couche inférieure. Lorsque toute l'eau du chaudron sera évaporée, disposer le riz en monticule, puis percer un puits allant jusqu'au fond du chaudron. Ensuite, fermer avec un couvercle, mais en laissant une fente de un ou de deux centimètres. Si vous préparez votre pilaf dans une cocotte, ce n'est pas la peine de faire un monticule : il vous suffira de faire quelques trous dans la couche de riz afin que la vapeur s'échappe et de recouvrir avec le couvercle. Baisser ensuite le feu au minimum et laisser encore cuire vingt minutes. Disposer le pilaf prêt dans un grand plat, sans mélanger : d'abord la couche de riz, puis les carottes et enfin la viande, que vous couperez en plus petits morceaux. Vous pourrez servir avec des cerises, des grenades ou des tomates assaisonnées d'oignon. Si vous changez légèrement la recette en faisant revenir la viande et les oignons à l'huile, ou en y ajoutant des coings, des raisins secs, du potiron, ou deux ou trois gousses d'ail, vous obtiendrez une des variantes du pilaf : celle de Samarkand, de Khorezm ou de Boukhara. D'après N. Zaki (revue Spoutnik) Momo [email protected]