Intervenant au cours de la cérémonie d'installation de M. Ghazi dans ses nouvelles fonctions, Abdelmalek Sellal a mis le doigt sur l'un des principaux maux qui rongent la société civile à savoir : la corruption. Le Premier ministre a indiqué que l'émergence de ce fléau est due essentiellement à la bureaucratie dont fait face le citoyen. C'est vraiment très rare qu'un haut responsable ose crever l'abcès en allant directement appeler les choses par leurs véritables noms. Pour ce faire, il faudrait avoir en premier lieu du courage et ensuite éviter d'utiliser la langue de bois. Aujourd'hui M. Sellal a vu juste en soulignant que la persistance des souffrances du citoyen face à l'administration a favorisé l'émergence des «niches de corruption». Le Premier ministre a estimé que la réussite de l'Etat dans ses missions était «tributaire de la facilitation des conditions de vie du citoyen dans son environnement», notamment l'administration qui continue de poser des problèmes au citoyen. «En dépit des mesures adoptées pour alléger les procédures administratives, nous n'avons pas encore atteint l'objectif escompté», a-t-il dit, soulignant que cette situation a favorisé l'émergence de «niches de corruption» dont la lutte exige la «transparence dans l'action» comme l'unique remède. La création de ce nouveau ministère chargé de réformer le service public traduit «l'intérêt majeur» qu'accorde le gouvernement à l'amélioration de la relation entre le citoyen et l'administration. «Cette mission requiert de l'intelligence, de l'expérience et de la volonté», a-t-il affirmé. Pour le Premier ministre, il est inconcevable, en 2013, de continuer de gérer l'administration avec des procédés archaïques dans un pays comme l'Algérie qui dispose pourtant d'importantes ressources humaines et financières». Il a ajouté que l'obstination de l'administration à s'imposer de la sorte est «une erreur». A ce propos, il a cité plusieurs exemples concernant notamment la multitude de documents demandés aux citoyens pour la constitution d'un dossier relatif à un projet donné, à l'instar du permis de conduire ou encore pour passer un concours. «Certes, la mission n'est pas aisée mais il est impératif d'alléger ces procédures au profit du citoyen», a-t-il insisté. Comme le dit un certain proverbe, «On ne peut cacher le soleil par un tamis». Au cours de nos diverses investigations à ce sujet, les personnes interrogées indiquent que pour avoir le minimum de ses droits, le citoyen est contraint de passer soit par une connaissance ou mettre la main dans la poche. «On ne vous demande pas d'aller chercher très loin pour s'assurer que rien ne se fait sans la «connaissance» ou le «bakchich», disent-ils. Certains citoyens trouvent d'énormes difficultés à retirer même un document administratif au niveau des guichets de l'état- civil de la mairie, ont-ils ajouté. Ces derniers racontent leurs déboires et les difficultés rencontrés au niveau des administrations. Ecoutons nos interlocuteurs : «Afin de vous faire ‘chanter', le fonctionnaire vous énonce de multiples raisons à savoir : l'indisponibilité des imprimés, l'absence du chef de service ou la personne qui devrait signer le document etc. Pour montrer qu'il est de bonne foi et qu'il fait de son mieux pour vous remettre la pièce administrative, le fonctionnaire vous invite à repasser le lendemain, la semaine prochaine et ainsi de suite. La prudence est de rigueur car le délai sera indéterminé si vous faites savoir à la personne qui se trouve derrière le guichet que vous êtes pressé par le temps. Parfois on est obligé d'interrompre nos interlocuteurs pour leur demander ce qui suit : Mais pourquoi vous n'exposez pas votre problème au chef hiérarchique ? Les réponses sont spontanées : «Et après ? C'est inutile, personne ne vous écoutera. Si vous faites ça, c'est comme si vous tapez du vent avec un bâton. Leurs chefs sont complices. Certains responsables hésitent pour intervenir, car le ou les fonctionnaires incriminés ont des bras longs». Certains citoyens ont expliqué qu'ils ont même écrit au procureur de la République, en vain. Nos interlocuteurs ont même expliqué que leurs doléances déposées devant certains parquets ont été classées sans suite. C'est le cas d'une famille à Khenchela qui a saisi le parquet et le procureur général, les sollicitant d'ouvrir une enquête au sujet d'une affaire de faux et usage de faux, fausses déclarations et de destructions de biens d'autrui. Selon le représentant de la famille, la plainte a été classée sans suite et aucune enquête n'avait été ouverte jusqu'à ce jour. Notre interlocuteur a ajouté qu'afin de les intimider, la décision faisant état d'«affaire classée sans suite» leur a été signifiée par le parquet par le biais des services de police. Plusieurs cas de bureaucratie, de corruption, de blanchiment d'argent ont été évoqués par nos interlocuteurs. Ces derniers trouvent que la «chkara» fait rage, indiquant qu'un simple consommateur de stupéfiants pourrait être condamné de 6 à 2 ans d'emprisonnement. Sur ce même sujet, des dealers arrêtés par les forces de police ou par les éléments de la gendarmerie avec des dizaines de quintaux passent quelques jours ou quelques mois seulement à l'ombre avant qu'ils ne retrouvent leur liberté. «Vous n'êtes pas obligé d'avoir un diplôme en la matière ou des justifications de vos fonds pour pouvoir ouvrir une pharmacie, une clinique un hôtel de 5 étoiles ou un fonds de commerce grandiose. Par le biais de la «chkara», vous pouvez non seulement faire des miracles mais rendre possible ce qui est irréalisable», a lancé aâmi Slimane, un ancien moudjahid. Une femme qui a assisté à notre conversation a indiqué qu'un chômeur milliardaire, lui a rapporté qu'avec son argent il pourrait corrompre «l'Etat» entièrement. Mme Fadhila a ajouté que ce dernier lui «a balancé» qu'il a même «acheté» les avocats de ses adversaires. Sans commentaire. En somme, si l'Etat devrait frapper d'une main de fer pour éradiquer ce fléau, l'investissement au niveau des mentalités est également primordial pour combattre ce phénomène à partir de ces racines.