Malgré des stars médiatiques et sportives à la pelle, le football espagnol n'échappe pas à la crise économique qui frappe son pays depuis plusieurs années. Pourtant, à l'image de la répartition des droits télévisés, les choses commencent à changer. Focus sur un football professionnel en pleine (r)évolution. Avec une sélection nationale qui rafle tout sur son passage depuis 2008, deux des meilleurs joueurs du monde dans son championnat d'élite, ou encore deux des clubs les plus médiatisés de la planète, tout semble rouler pour le football espagnol. Pourtant, avec une dette de plus de 3 600 millions d'euros, ce dernier ne roule pas sur l'or. Nommé en avril 2013 au poste de président de la LFP, la Ligue du football professionnel espagnol, Javier Tebas, avocat de formation de 51 ans spécialisé dans le droit du sport, tente de faire bouger les choses, avec l'appui du gouvernement et d'un certain Miguel Cardenal, président du Conseil supérieur du sport espagnol. Une répartition enfin plus équilibrée ? Si les deux hommes ne partagent pas tout à fait la même vision du football, ils sont à l'origine de la fameuse nouvelle «loi du sport» qui devrait être votée courant 2014 et qui prévoit entre autres, de revisiter le système de répartition des droits télévisés en Espagne. Car à ce jour, la Liga est le grand championnat européen où la répartition des droits télévisés est la plus inégale d'Europe. Sur les 604 millions d'euros redistribués aux clubs de Liga BBVA au terme de la saison 2011-2012 (les dotations pour la saison 2012-2013 n'ont pas été communiquées, mais seraient du même acabit), le Real Madrid et le FC Barcelone ont en effet empoché 140 millions d'euros chacun, là où l'Atlético Madrid, actuel 2e de Liga, n'a perçu que 47 millions d'euros. L'un des clubs les moins gâtés de Liga, Grenade, n'a lui empoché qu'un modeste billet de 12 millions d'euros pour la saison passée. Un écart énorme qui s'explique par le fait que contrairement à leurs homologues anglais, français, allemands ou italiens (dont les Ligues négocient collectivement avec les détenteurs des droits), les clubs espagnols négocient, eux, individuellement, et sans passer par la LFP, leurs droits télévisés avec les diffuseurs, MediaPro et le groupe Prisa en l'occurrence. Un système qui a depuis toujours favorisé les deux cadors du football espagnol, au détriment des écuries plus modestes, qui faute de grands stades, de grands noms ou plus sommairement de potentiel médiatique, ne pouvaient espérer jusque-là que des droits télévisés infiniment moins importants que ceux négociés par le Real Madrid et le Barça. A titre de comparaison, la Bundesliga est le championnat européen où la réparation des droits télévisés est la plus équitable en Europe. Le Bayern Munich, champion d'Allemagne en titre, ayant reçu 25,8 millions d'euros de droits TV en fin de saison dernière là où le Greuther Fürth, dernier de Bundesliga, a récolté 12,9 millions d'euros. C'est donc pour tendre vers ce type de répartition, moins inégale, que la «loi du sport» a été pensé : «Il y a quelques années, le rapport était de 3 contre 1 entre le club le plus doté et le moins doté. Aujourd'hui, ce rapport est d'environ 6,5 contre 1 (au vu des chiffres exposés ci-dessus, il serait plutôt de 11 contre 1, ndlr), nous voulons qu'il soit de 4,5 contre 1 avec cette nouvelle loi», a ainsi confirmé Javier Tebas, la semaine dernière au quotidien «AS». A noter toutefois que cette nouvelle loi ne sera pas effective avant la saison 2016-2017, les contrats passés entre les clubs espagnols et les diffuseurs du foot espagnol courant jusqu'à cette date-là. Atteindre le milliard d'euros Si la LFP souhaite donc réduire les inégalités entre les deux mastodontes du football espagnol et les 40 autres clubs professionnels espagnols, en négociant directement et collectivement le montant de ces droits télévisés avec les diffuseurs, pas question pour autant d'appauvrir le Real Madrid et le FC Barcelone : «Nous voulons une Liga plus équilibrée, mais nous ne pouvons pas non plus couper les vivres au Real Madrid et au Barça car nous avons besoin d'eux pour nous développer», a confié Javier Tebas, qui a besoin de ces deux locomotives pour espérer mieux vendre le produit «foot espagnol», comprenez «attirer des investisseurs étrangers». En comptant les droits TV de la Liga Adelante, la deuxième division espagnole, 780 millions d'euros ont été redistribués aux 42 clubs professionnels espagnols à l'issue de l'exercice précédent. L'ambition de Javier Tebas est que ce montant atteigne le milliard d'euros avec l'instauration de cette nouvelle loi. En juillet dernier, El Economista rapportait d'ailleurs que le groupe Al Jazeera, qui débourse 150 millions d'euros par an (de 2012 à 2016) pour diffuser 8 rencontres de Ligue 1 par journée sur ses chaînes BeIn Sport 1 et 2, réfléchissait sérieusement à racheter MediaPro, groupe audiovisuel catalan qui diffuse 8 matchs de Liga BBVA par journée sur sa chaîne Gol Television. Augmenter les richesses et mieux les répartir, telle est donc l'ambition du nouveau patron du foot professionnel espagnol.