La mort et l'espoir sont deux thèmes dominants dans l'œuvre poétique du chanteur d'expression amazighe Matoub Lounès, a indiqué samedi à Tizi-Ouzou, Lynda Ouattah, enseignante au département de langue et culture amazighes de l'université de Béjaïa. Intervenant dans le cadre des activités organisées par la Fondation Matoub-Lounes pour la célébration du 58e anniversaire de la naissance du chanteur, assassiné par un groupe terroriste le 25 juin 1998, la conférencière, auteure d'une thèse de magistère sur l'œuvre poétique de Matoub Lounes, a relevé que sur les 223 poèmes composant ses chansons, les thèmes de la mort et de l'espoir sont présents dans pas moins de 160 poèmes. Utilisant une méthode d'analyse sociolinguistique du texte, l'enseignante a dénombré un total de 34 poèmes consacrés à la thématique de l'espoir et 32 autres à celle de la mort. Dans le reste des poèmes, soit un total de 104, Matoub Lounes a été le premier, en parlant de littérature d'expression amazighe, à marier ces deux thématiques complètement contradictoires, à savoir la mort et l'espoir, dans un même poème. Mme Ouattah a expliqué que la mort chez Matoub apparaît sous deux aspects principaux que sont la mort physique, faisant référence à la mort d'une personne et la fin de la vie, et la mort symbolique lorsqu'il évo-que, entre autres, la mort de la liberté des principes ou de la fraternité. «Dans ses poèmes, Matoub a évoqué la mort dans toute sa tragédie, en chantant, entre autres, la mort violente dans les guerres, l'assassinat par abus de confiance, la mort par sacrifice pour sa patrie ou un idéal, et la mort naturelle», a-t-elle dit. L'espoir, a-t-elle relevé, vient contrebalancer cette présence forte de la mort, de sa propre mort, qu'il a chantée dans plusieurs poèmes. L'espoir est alors un rêve inaccessible lorsqu'il est impossible à concrétiser tel que le souhait de voir le père d'un marié ressusciter pour assister aux noces de son fils. «L'espoir est aussi un objectif qui peut être atteint, telles l'union et la fraternité», a-t-elle précisé. Dans les 104 chansons où la mort et l'espoir se côtoient, deux idées dominent, a expliqué la conférencière. La première est celle de la mort qui met fin à l'espoir, comme dans la chanson «Aaskri» («Le soldat») qui obtient une permission pour rentrer chez lui revoir sa mère, mais qui est tué en cours de route. La seconde idée fait référence à l'espoir qui naît de la mort, lorsque cette dernière permet à l'aimée de rejoindre son amant dans l'au-delà. L'intervenante lors de cette rencontre a également observé que les morts ont une place non négligeable dans la poésie matoubienne, où ils «expriment leurs souhaits ou consolent leurs proches vivants». Pour Mme Ouattah, la thématique de la mort et de l'espoir est une caractéristique et une empreinte de la poésie de Matoub Lounes. Pour rappel, Matoub Lounes est né le 24 janvier 1956 à Taourirt Moussa, dans la daïra d'Ath Douala (Tizi-Ouzou). Chanteur, compositeur et parolier talentueux, il a consacré sa vie à la cause berbère et à la revendication de la cause amazighe dont il reste, même après sa mort, l'un des porte-flambeaux. Matoub Lounes a été assassiné le 25 juin 1998 à Thala Bounane, dans la commune de Beni Aïssi. Il laisse derrière lui un très riche répertoire musical.