Chérifa, la diva de la chanson kabyle n'est plus. La diva de l'achouiq vient de nous quitter à l'âge de 88 ans. Ouardia Bouchemlal, plus connue sous son prénom de scène «Chérifa» est née le 9 janvier 1926, dans le village de Ait Halla de la commune de Ilmayen (dans l'actuelle wilaya de Bordj Bou Arreridj) pas loin de Beni Ourtilane en Petite Kabylie. Alors qu'elle se retrouvait seule, à garder le troupeau familial, elle aimait à fredonner quelques airs traditionnels. La fillette alors âgée de 6 ou 7 ans, avait déjà un brin vocal particulier. Malheureusement, dans la société kabyle de l'époque, il n'était pas permis d'être artiste, surtout pour une fille. Alors qu'elle perd son père, très jeune, elle est confiée à ses oncles après le remariage de son père. Son amour pour la chanson ne la quittera jamais, profitant de chaque occasion qui lui est donnée pour aller assister –même en cachette - à des fêtes de mariage. Elle recevait à chaque fois punie. A l'âge de 18 ans, elle quitte ses proches pour suivre sa voie. La jeune adolescente qui n'a jamais été scolarisée et qui a grandi pieds nus et qui n'a jamais mangé à sa faim espérait donner un nouveau sens à sa vie. Elle se rend à Akbou, qu'elle quitte d'ailleurs quelque temps plus tard pour se rendre à Alger. Dans le train la conduisant vers la capitale qu'elle compose «Abka ala Khir ay Akbou» («Adieu Akbou»), un titre qui rencontra le succès qu'on lui connaît. A partir des années 1940, elle chante à la radio, son cachet est alors de l'équivalent de 100 euros (une fortune pour l'époque). Les admirateurs se faisant immédiatement très nombreux, Chérifa entame plusieurs tournées qui la mènent dans toutes les villes du pays, toujours accompagnée par un orchestre féminin, une particularité qui s'ajoutait au rythme original de ses chansons reconnaissables dès les premières notes. L'artiste qui compte dans son répertoire plus de 800 chansons n'a malheureusement jamais bien vécu de son art, ce qui la pousse, dans les années 1970 à mettre fin à sa brillante carrière. Ce n'est que plus de 10 ans plus tard qu'elle effectue son come back sur la scène. Chérifa qui sera en tête d'affiche d'une tournée se rendra alors compte de l'intérêt et de l'impact qu'elle a sur le public, notamment les jeunes qui la découvrent alors. Cela l'encourage à se produire dans des galas en Algérie et en France (Olympia en 1993, Opéra Bastille en 1994, Zénith de Paris en 2006 où quelque treize mille personnes ont assisté à son concert). Inspirée par la souffrance et la misère, Chérifa n'a cessé de composer des chants qui traduisaient la douleur de ses semblables. Elle reste dans les mémoires comme la spécialiste des préludes (chouiq) et des chants d'amour (Ahiha). Les poèmes et les mélodies qu'elle composait s'inspiraient de chansons traditionnelles mais aussi de sa propre expérience. Parmi les titres les plus connus, il y a lieu de citer «Aya Zerzour», «Azwaw», «Sniwa d ifendjalen», «Awiklene Dhavahri», «Southachvouh», ...