Le nombre de réfugiés syriens ayant fui au Liban a atteint, jeudi, le seuil symbolique du million, ce qui illustre à la fois l'ampleur de la catastrophe humanitaire due à la guerre civile en Syrie et le fardeau que doivent supporter les pays voisins. Soucieux de dénoncer une situation qu'il qualifie de dévastatrice, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a organisé une cérémonie à Tripoli pour enregistrer formellement comme millionième réfugié un étudiant de 18 ans originaire de Homs. Proportionnellement à sa population, de seulement 4 millions d'habitants, le Liban est aujourd'hui le pays connaissant la plus grande concentration de réfugiés au monde. Les jeunes Syriens en âge d'aller à l'école sont plus nombreux dans les établissements scolaires du pays que les enfants libanais et 2.500 réfugiés sont enregistrés chaque jour, souligne l'ONu. «L'étendue de cette tragédie humaine n'est pas qu'un alignement de chiffres», a déclaré Ninette Kelley, représentante du HCR, aux journalistes venus assister à la cérémonie. «Chacun de ces nombres représente un être humain qui (...) a perdu sa maison, les membres de sa famille et le sens de son avenir.» Des Syriens ont également fui en Turquie, en Irak, en Jordanie et en Egypte. Le nombre total officiel – 2,6 millions de réfugiés, qui sous-estime l'ampleur de l'exode, signifie que les Syriens dépasseront bientôt les Afghans en tant que première population réfugiée au monde. Des millions d'autres ont été déplacés à l'intérieur de la Syrie, et le rythme n'a fait que s'accélérer ces douze derniers mois. En avril 2013, deux ans après le début du soulèvement contre Bachar al Assad, on recensait 356.000 réfugiés syriens au Liban, un nombre qui a presque triplé en un an. «L'afflux d'un million de réfugiés serait massif dans n'importe quel pays. Pour le Liban, un petit pays déjà assailli par des difficultés internes, l'impact est sidérant», a souligné le Haut Commissaire pour les réfugiés Antonio Guterres dans un communiqué. Parallèlement à la vague de réfugiés en provenance de Syrie, des accès de violence liés au conflit voisin secouent régulièrement le Liban, dont les divisions religieuses sont calquées sur celles de la Syrie. Les attentats à la bombe, de Beyrouth à la vallée de la Bekaa, les combats de rue entre sunnites et alaouites à Tripoli pèsent sur un équilibre déjà fragile et contribuent à une forte baisse de l'activité économique alors que l'afflux des réfugiés tire sur les besoins en services collectifs tels que l'eau, l'électricité, l'éducation ou la santé. Selon la Banque mondiale, l'économie libanaise perd 900 millions de dollars par an en conséquence directe de la crise. Un appel lancé au niveau régional pour trouver 1,7 milliard de dollars en 2014 afin d'aider les réfugiés n'est aujourd'hui financé qu'à hauteur de 14%, ce qui contraint le HCR et les autres agences humanitaires à se concentrer sur les priorités les plus pressantes. Ce manque de ressources peut avoir les pires conséquences. En mars, Mariam al Khawli, une réfugiée syrienne arrivée au Liban il y a deux ans avec son mari et ses quatre enfants, s'est immolée par le feu, faute de pouvoir compter depuis six mois sur les vivres et l'argent que l'Onu lui fournissait auparavant.