Sonatrach, comme bon nombre d'entreprises publiques sont confrontées à de nombreux arbitrages internationaux qu'elles ont souvent perdu, précisant qu 'au niveau du droit international toute loi est souvent non rétroactive sauf si elle était prévu dans le contrat ou si elle améliore la précédente. Il y a bien entendu le contexte international lié aux mutations énergétiques qui influe sur le contrat d'où l'urgence de bureaux d'études complexes pour éviter des revers, gouverner étant de prévoir. Des clients européens de Sonatrach ont demandé à la compagnie de revoir à la baisse ses prix du gaz et le Mémorandum avec l'Europe insiste sur la révision des clauses des contrats à moyen et long terme, du fait qu'il existe depuis des années une déconnexion du prix du gaz de celui du pétrole. L'effet domino est là, il n'y a pas qu'Edison qui avait demandé à revoir les prix (en baisse), mais aussi ENI (Italie) et GNF (Gas Natural Fenosa, Espagne). Rappelons que l'arbitrage international ayant opposé pour un seul cas, Sonatrach à l'italien Edison, contrôlé par le français EDF, dans une affaire de revue à la baisse des prix de gaz. Sonatrach a perdu à cause de la clause de « bouleversement » contenue dans le contrat d'approvisionnement, stipulant que les prix peuvent faire l'objet de réduction en cas de changement des conditions économiques avec un impact estimé à 390 millions de dollars sur l'excédent brut d'exploitation ( EBITDA). Pour éviter cela depuis quelques années , des accords à l'amiable sont conclus . Tel a été le cas de l'accord signé fin avril 2014 entre Sonatrach et Villar Mir, le groupe espagnol partenaire dans la production d'engrais à Arzew et Annaba, réajustant l'accord datant de 2005, pour le prix du gaz. Mais faute d'une politique énergétique claire , cela n'est que du replâtrage , devant poser la problématique des subventions tant aux compagnies étrangères, qu'aux entreprises locales algériennes et aux ménages, l'âge du gaz abondant et bon marché étant dépassé. Qu'en sera t-il des autres compagnies? Examinons le cas à titre d'exemple de Ferial. 1.Fertial et le prix de cession du gaz Privatisée en 2005 dans le cadre d'un partenariat avec le groupe espagnol Villar Mir, entré à 66 % dans son capital, la société, devenue Fertial, du groupe Villar Mir, a investi selon ses responsables 220 millions de dollars (170 millions d'euros) depuis 2005, dont une grosse moitié a servi à moderniser ses unités de production. Elle a enregistré en 2012 ses meilleurs résultats, avec plus de 245 000 tonnes d'engrais produits ainsi que 858 000 tonnes d'ammoniac – l'un des constituants des engrais, essentiellement vendues à l'export. La production s'est accrue de 10 % en dix ans et le chiffre d'affaires a atteint 444 millions d'euros en 2012, contre 284 millions en 2010. Fertial a multiplié ses ventes par trois et son résultat net par 11. Ainsi, ses exportations de l'ordre de 74% de sa production place Fertial comme leader dans le bassin méditerranéen et deuxième dans le monde arabe, derrière l'Arabie Saoudite. Les déchets rejetés par le complexe pétrochimique Fertial sont envoyés selon la direction en France et en Allemagne pour être retraités et recyclés. L'Agence Nationale de Contrôle et de Régulation des Activités dans le Domaine des Hydrocarbures, appelée « Autorité de Régulation des Hydrocarbures » ARH, a ordonné une baisse de 30% des livraisons de gaz naturel aux deux complexes d'Arzew et Annaba dans une correspondance adressée le 1er juillet 2013 au DG du groupement Fertial propriétaire des deux complexes d'engrais d'Arzew et d'Annaba L'ARH y somme la société Fertial SPA » de réduire l'exploitation, au minimum technique garantie (...) soit 70% de la consommation actuelle au plus ». Selon cette correspondance, la décision de l'ARH est motivé par des audits et inspections réalisés en 2013 sur les deux sites de production d'ammoniac d'Arzew et de Annaba, évoquant « la non mise en conformité des installations, le constat de surconsommation en énergie, la non-réalisation des engagements par le Groupe Villa Mir notamment en matière de mise à niveau, d'optimisation de la consommation spécifique du gaz naturel et la mise en ?uvre du plan de choc pour la maintenance des installations ». 2. Quelles sont les raisons de ce conflit ? L'actionnaire majoritaire de Fertial avait évoqué un préjudice pour 1300 travailleurs et un réseau de sous-traitants de près de 5000 personnes. Selon les dirigeants de Ferial, existerait une volonté de la part des autorités algériennes de changer la donne patrimoniale au sein de Fertial, en imposant la règle des 49/51%, bien que la loi n'est jamais rétroactive, bien que le premier ministre Abdelmalek Sellal en juin 2013 avait affirmé que les investissements préalables à 2009 n'étaient pas concernés et menaçant d'aller vers un arbitrage international ? Les responsables de Ferial y voyaient également une manière de favoriser d'autres concurrents arguant que la construction d'une nouvelle usine d'ammoniac sur le site d'Arzew a été bloquée par les autorités algériennes au moment où des projets venus plus tard dans la même filière ont été autorisés. Répondant aux critiques de l'organe de régulation, selon les responsables de Ferial, le plan environnemental aurait connu d'importantes améliorations. Tous les équipements de réduction d'émissions existants. En conséquence, Fertial aurait obtenu les certifications ISO 9001 de qualité et ISO 14001 de l'environnement et actuellement, 98% de la production est en spécification et est pleinement commercialisable. Sur le plan social, selon ses responsables, l'amélioration des résultats financiers de l'entreprise s'était soldée par un important rattrapage salarial, dont la rémunération moyenne par employé est passée de 81 758 dinars/mois en 2005 à 151 948 DA/mois début 2012. Concernant les critiques d'exportation à l'étranger, il y aurait nécessité de passer par des traders pour la vente de l'ammoniac algérien sur le marché international, l'ammoniac n'étant pas un produit boursier. A cet effet, les prix de vente de Fertial sont calculés sur la base des cours du port de Yuzhny, la seule référence mondiale, une sorte de bourse, étant négociable avec les traders uniquement l'impact de la proximité. Certes, Ferial bénéficie d'un avantage sur le prix du gaz qui intervient à hauteur de 85% dans le processus de fabrication de l'ammoniac, mais Fertial ne fait pas l'exception, étant une formule de prix arrêtée par décret et appliquée depuis 2005. Cette formule est en vigueur pour tous les investisseurs étrangers où le gaz intervient dans leurs activités. Défendant leurs positions, pour les responsables de Ferial, même si le prix du gaz était avantageux, il est impossible de vendre notre ammoniac à des prix supérieurs à ceux du marché devant s'aligner sur les prix internationaux c'est-à-dire ceux de Yuzhny. S'il n'avait pas d'exportation, (90% de la production) que ferait Ferial des 600.000 du moment que l'agriculture algérienne n'en est pas demandeuse ? Pour les prix pratiqués à l'export, pour les responsables de Ferial, la vente d'ammoniac à Fertibria est une polémique qui n'a pas de sens car , l'ammoniac est vendu sur la base d'un prix international qui est très volatil, pouvant fluctuer 190 et 800 dollars selon la loi de l'offre et la demande . Par ailleurs, l'actionnaire minoritaire qui est Asmidal perçoit des dividendes chaque année avec une contre-prestation, même s'il ne dispose que de 34% des actions dans le capital. Cet avantage trouve sa genèse dans le fait que Ferial achète le gaz à un prix avantageux. C'est un pacte entre les deux partenaires selon Ferial. Ce n'est pas l'avis de l'IRH pour qui Fertial a l'avantage de bénéficier du gaz à des prix très bas et une main-d'?uvre peu coûteuse. Et que par rapport à ses concurrents (Ukraine et Russie) mais aussi à ceux de l'est du canal de Suez, l'Algérie jouit d'un avantage comparatif déterminant, le marché du bassin méditerranéen étant déficitaire en ammoniac, se trouvant en pôle position pour l'approvisionnement de ce marché qui demande 3 et 5 millions de t/ an. Selon le gouvernement algérien, «pour être vendues, les 600.000 tonnes de Fertial sont annexées aux 2 millions de tonnes de la filiale espagnole Fertiberia, les Espagnols engrangeant de substantielles marges sans en faire bénéficier la partie algérienne. sur le dos des Algériens grâce à un ammoniac obtenu à partir d'un gaz très bon marché ». Les 600 000 tonnes vendues exclusivement à Fertiberia sont en réalité utilisées telles quelle, transformés sur place (en Espagne) en produits rémunérateurs tels que le nitrate d'ammonium et le Di Ammonium Phosphate. Pour l'Algérie, il faut résoudre définitivement le problème des prix (devant s'inscrire dans le cadre de la directive européenne interdisant le dumping) pour tous les partenaires afin d ‘éviter encore un arbitrage international. (Suivra)