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«Il nous est impossible de vendre notre ammoniac à des prix supérieurs à ceux du marché» Mohamed Tahar Bedja. Conseiller exécutif auprès du DG de Fertial
Du côté de la direction générale de la société algéro-espagnole Fertial, un tout autre son de cloche. C'est du moins, ce qui ressort de cet entretien où Mohamed Tahar Bedja estime que son entreprise ne fait qu'obéir à la logique des prix du marché et s'aligner sur les règles de la commercialité. -On dit que l'ammoniac algérien est exporté exclusivement vers Fertiberia pour être transformé en produits plus rémunérateurs tels que le nitrate d'ammonium et le di ammonium phosphate. Des produits très prisés et dont les prix sont excessivement chers en Europe. Qu'en est-il exactement ? Je dois d'abord préciser que Fertial produit de l'ammoniac. L'idéal serait que l'ensemble de la production soit transformée en engrais, mais comme l'engrais est très peu utilisé par l'agriculture algérienne, 90% de la production sont à ce titre exportés et ce depuis la création du complexe. Le problème auquel on se heurte toujours consiste en l'absence de force logistique comme l'affrètement des navires, comment trouver les clients finaux, comment respecter le timing, planning…c'est une activité très complexe et très lourde à supporter. D'où la nécessité de passer par des traders pour la vente de l'ammoniac algérien sur le marché international. Depuis au moins 2000 et même bien avant, les deux clients (traders) de Fertial étaient le suisse Transammonia et le norvégien Yara. Notre ammoniac est exporté en FOB, donc la logistique est à la charge du trader. L'ammoniac n'est pas un produit boursier. A cet effet, ses prix de vente de Fertial sont calculés sur la base des cours du port de Yuzhny, la seule référence mondiale, une sorte de bourse. Ce qui est négociable avec les traders c'est uniquement l'impact de la proximité. Ce dispositif était en vigueur du temps d'Asmidal, il a été maintenu avec l'espagnol Villar Mir le repreneur de la filiale Fertial. Depuis 2006 à ce jour, Fertiberia l'autre filiale du groupe Villar Mir est notre seul client. Elle a remplacé les deux traders Transammonia et Yara. Les prix sont déterminés sur la base du même dispositif qui était appliqué aux deux traders. Nous vendons à Fertiberia avec les prix du marché, pas plus et pas moins, car nous sommes toujours dans l'incapacité de gérer la logistique. Quand on vend un produit, on ne cherche pas ce qu'il va en advenir. Je pense que cette logique est valable pour tout le monde et n'est pas spécifique à Fertial. -Votre entreprise bénéficie-t-elle d'un quelconque avantage sur le prix du gaz sachant que celui-ci intervient à hauteur de 85% dans le processus de fabrication de l'ammoniac ? Peut-on savoir à quel prix l'achetez-vous ? Pour ce qui est du prix du gaz, Fertial ne fait pas l'exception, c'est une formule de prix arrêtée par décret et elle est appliquée depuis 2005. Cette formule est en vigueur pour tous les investisseurs étrangers où le gaz intervient dans leurs activités. Elle ne fait pas partie des avantages liés au partenariat. Ce n'est pas un prix Fertial. Je ne peux pas vous dire à quel prix on l'achète. Mais je dois reconnaître que c'est un prix fort intéressant, autrement, les investisseurs étrangers ne seraient pas venus investir en Algérie. Et puis, même si le prix du gaz était avantageux, il nous est impossible de vendre notre ammoniac à des prix supérieurs à ceux du marché. -Mais le coût de revient de l'ammoniac n'est-il pas moins cher qu'ailleurs ? Même si c'est le cas, nous devons nous aligner sur les prix internationaux c'est-à-dire ceux de Yuzhny. Autrement, on ne pourrait jamais vendre notre ammoniac. A défaut de pressions externes sur le marché, le prix de l'ammoniac est donc celui affiché à Yuzhny plus les frais de transport, s'il est vendu dans un autre pays. Si nous ne l'exportons pas (90% de la production) que ferions-nous des 600.000 t du moment que l'agriculture nationale n'en est pas demandeuse. Je dis et je répète, l'essentiel c'est que nous vendons notre ammoniac au prix du marché. Nos ventes à l'étranger sont canalisées par Fertiberia. Seuls, il nous est difficile de trouver de vendre sur un marché à plus de 150 millions de tonnes. Villar Mir a opté pour cette stratégie en 2006 pour permettre à Fertial de développer ses parts du marché, c'est le seul et unique but recherché. -Pouvez-vous nous donner de manière lapidaire un aperçu sur la situation actuelle du marché ? En plus du mouvement de récession économique mondiale, la crise politique avec l'Iran qui est un grand producteur d'ammoniac va peser sur le marché. L'Iran pèse le double de Fertial avec une production s'élevant à 1,2 million de tonnes. De sérieuses incidences sont attendues. On ne sait plus comment va se comporter le marché. Sa volatilité est très pénible. Il est délicat de faire une projection. Fertial est sérieusement inquiète du fait de la baisse sensible des prix en 2012 : entre décembre 2011 et janvier 2012, une baisse de 15% soit de 525 dollars à 448 dollars la tonne. Une décrue de 31% d'octobre 2011 à janvier 2012 soit de 640 à 448 dollars/t. Globalement, 2011 était une très bonne année pour Fertial. L'avantage de la hausse sensible des prix sur le marché : le prix moyen en 2011 était de l'ordre de 530 dollars la tonne. Toutefois, 2012 s'annonce très mauvaise et Fertial en est très sérieusement inquiète. Raison pour laquelle, la direction générale va axer ses efforts sur la maîtrise des coûts. Nos perspectives pour 2012 s'élèvent à 817.000 t. Avec 715.000 t, 2011 était une année record. C'est un seuil de production jamais atteint depuis la création de l'entreprise. Le mérite revient à l'unité de Annaba ; 317 000 t à elle seule, le reste réalisé par les deux usines d'Arzew où seulement 77 % des objectifs ont pu être atteints. Ces deux usines ne sont plus performantes du fait de leur âge, les installations ont vieilli. Pour ce qui est des investissements, ils seront axés sur la branche NPK. En termes d'investissements, Villar Mir a jusque-là injecté 200 millions de dollars. Les 165 millions de dollars représentant ses engagements contractuels ont été dépassés. En somme, le partenariat avec Villar Mir est positif.