En prévision d'un nouveau découpage administratif, un groupe de travail, présidé par le secrétaire général du ministère de l'Intérieur, a été installé afin de se pencher sur le dossier. Le ministre des Relations avec le Parlement a déclaré dans une interview récente à la Radio nationale que le projet du nouveau découpage administratif qui sera promulgué durant le mois de septembre 2014, érigera 17 nouvelles wilayas. Il entrera en vigueur le début de l'année 2015 et affectera en premier lieu les régions du Sud et les Hauts-Plateaux et dans une autre phase les régions du Nord. Toutefois des questions stratégiques se posent et qui engagent l'avenir du pays. En effet au moment où dans les grandes démocraties et pays émergents, une nouvelle politique de réformes du territoire autour de grands pôles régionaux se met en place, pourquoi l'Algérie multiplie les unités administratives sans réelle coordination entre elles, pouvant occasionner des surcoûts et accroître la bureaucratisation de la société ? 1. Rappelons l'organisation d'une wilaya. La wilaya algérienne est une institution constitutionnelle. Selon l'article 15 de la constitution, «les collectivités territoriales de l'Etat sont la commune et la wilaya». D'après l'article I de la loi 90-08 du 7 avril 1990 relative à la wilaya, «la wilaya algérienne est une collectivité territoriale créée par la loi et une circonscription administrative déconcentrée de l'Etat». La wilaya est organisée en plusieurs structures : un chef de cabinet - un secrétariat général avec un service de la coordination - un service des archives et un service de la documentation. L'inspection générale avec des services - La direction de la réglementation, des affaires générales et du contentieux est composée du service de la réglementation générale, du service de la circulation des personnes, du service des affaires juridiques et du contentieux. La direction de l'animation locale est constituée du service du personnel, du service de l'animation et du service du budget et du patrimoine et plusieurs autres structures dont la direction des transmissions nationales (DTN) et des directions sectorielles. Chaque wilaya est structurée en plusieurs daïras, qui elles-mêmes sont structurées en plusieurs communes nécessitant des fonctionnaires. Et au niveau de chaque wilayas sont prévues des Assemblées populaires de wilayas – APW- et au niveau de chaque commune des Assemblées populaires communales, représentées par les partis élus. Comment seront représentés les élus dans les nouvelles wilayas ? Les nouvelles wilayas impliqueront également des directions de chaque ministère budgétivores y compris des services de gendarmerie, de la DGSN, des tribunaux etc.Toutes ces structures sont un coût. Actuellement le nombre de wilayas est de 48, les daïras au nombre de 548 et le nombre de communes de 1 541. Qu'en sera-t-il des coûts supplémentaires en vue de la création des 17 nouvelles wilayas ? - En outre, on doit distinguer les frais de départ, des frais fixes notamment ceux du fonctionnement des frais variables, dépenses annuelles. Les frais de départ sont la construction des sièges de wilayas-daïras-APC, directions sectorielles, l'ameublement de ces structures, parc de voitures et l'installation des commodités, pouvant être estimés à un milliard de dinars par wilaya soit 17 milliards de dinars, et au cours de 75 dinars pour un dollar soit l'équivalence de 130 millions de dollars au minimum. Pour les frais fixes nous en tenons seulement aux salaires, si l'on prend pour toutes ces directions et nouvelles structures un effectif moyen de 3 000, du wali, chefs de daïras et communes, des cadres aux secrétaires et aux gardiens, avec un salaire brut moyen seulement de 50 000 dinars (environ un net 35 000 dinars par mois), nous aurons un montant salarial annuel par wilaya de 2 milliards de dinars et pour les 17 wilayas prévus environ 34 milliards de dinars soit 454 millions de dollars. Les frais variables peuvent représenter environ 25/30% du budget de fonctionnement en cas d'une gestion rigoureuse et 40/50% en cas d'une gestion défectueuse. En prenant le ratio de 30%, cela nous donnerait un total qui approcherait 600 millions de dollars annuellement pour les 17 wilayas. Si l'on prend une autre hypothèse, un salaire net moyen de 70 000 dinars par mois, le montant serait annuellement de plus de 1,2 milliard de dollars. L'on peut supposer que le coût global, en tenant compte, d'une stabilisation de la valeur du dinar, tout dérapage gonflant les coûts et des amortissements étalés sur une période de 20 ans, pourrait fluctuer entre 600 et 1,2 milliard de dollars annuellement. Ramené au budget du ministère de l'Intérieur de 2014, cela représenterait un accroissement qui approcherait 8% pour le premier cas et 16% pour le second cas, ce qui serait insupportable. Par rapport aux recettes moyennes d'hydrocarbures, cela représenterait environ 0,92% et 1,9% pour l'hypothèse deux en référence à 65 milliards de dollars en 2013. Cela gonflera encore plus le budget du ministère de l'Intérieur. En effet, selon les données publiées au journal officiel, comparées au budget du ministère de la Défense nationale qui a évolué de 0,2 milliard de dollars en 2000, à 2,8 en 2005, - à 6,9 en 2011, -11,0 en 2013 et 12,7 milliards de dollars en 2014, le budget du ministère de l'Intérieur incluant les budgets de wilayas, les effectifs et les équipements de la DGSN dont les effectifs sont passés d'une moyenne de 100 000 début 2000 à plus de 200 000 en 2014, a évolué ainsi : année 2000 à 0,9 milliard de dollars – 2001 à 1,1 – 2002 à 1,4 – 2003 à 1,9- 2005 à 2,5 – 2006 à 3,3 – 2007 à 4,4- 2008 à 4,5- -2009 à 5,1- 2010 à 5,2- 2011 à 5,6- 2013 à 7,6 et enfin les prévisions 2014 à 7,3 milliards de dollars. Ainsi en référence à l'année 2000 en 2014, l'accroissement du budget du ministère de l'Intérieur a été de 720% et celui du ministère de la Défense de 846%. Concernant les wilayas, ce n'est là que le budget normal de fonctionnement annuel. Assistera-t-on à de nouvelles enveloppes financières pour ces wilayas? Les rallonges budgétaires lors de la dernière tournée du Premier ministre dans les 48 wilayas ayant été estimées selon certaines sources à 1 440 milliards de dinars soit 19 milliards de dollars (part dinars et part devises), soit environ 29% des recettes des hydrocarbures de 2013. 2.-Cependant il faut éviter de poser de mauvaises questions à de faux problèmes faute de vision stratégique. Plusieurs questions en termes d'opportunités se posent puisque l'objectif est de rapprocher les structures de l'Etat à des citoyens. Avec les nouvelles technologies n'aurait-on pas pu décentraliser au niveau des APC, en créant uniquement quelques services, ce que les cotoyens demandent quotidiennement? Quels sont les critères : population, distance, devant abandonner la vision administrative, l'espace économique ne se confondant pas avec l'espace géographique et ce, pour des entités fiables ? Ne risque-t-on d'accroître une bureaucratie locale avec sa cour plus néfaste qu'une bureaucratie centrale ? N'est-il pas illusoire de croire que l'on attirera des investisseurs potentiels au sein de micros wilayas ? Qu'en sera-t-il en cas de chute du cours des hydrocarbures prévue entre 2015/2017 et pourra-t-on continuer dans ces dépenses improductives, emplois rentes sans contreparties productives et subventions quitte à épuiser le fonds de régulation des recettes et les réserves de change au bout de quatre années en retournant au FMI horizon 2018/2020 ? Et là se pose toute la question de la réorganisation du territoire afin d'accroître à la fois l'efficience économique et l'efficience sociale, existant une loi économique : les effectifs dans l'administration devant être au service des citoyens et de l'économie vivant par des transferts d'impôts, devant être réduite au minimum car ne créant pas de richesses. Rappelons que la population active du moment, au sens du BIT, a atteint en 2013, 11 964 000 personnes, soit un accroissement relatif de 4,7% par rapport à septembre 2012.