En raison de la persistance d'une forte demande, la distribution de logements sociaux donne souvent lieu à des troubles à l'ordre public. Face à ce sérieux défi, le gouvernement s'est assigné deux priorités: veiller à une meilleure maîtrise de la demande et assurer une plus grande équité dans la répartition. En dépit d'une réelle volonté politique et de la mobilisation d'importantes ressources financières, le rythme de construction des logements est demeuré jusque-là en deçà des besoins exprimés. La persistance d'une forte demande est particulièrement vérifiée pour le segment du logement public locatif (LPL). Aux termes de la loi, le logement public locatif ou logement social est un segment réservé aux catégories sociales défavorisées. L'attribution des logements sociaux est rigoureusement encadrée par les dispositions du décret n° 08-142 du 11 mai 2008. Ce texte définit le logement public locatif, comme "le logement financé par l'Etat ou les collectivités locales et destiné aux seules personnes dont le niveau de revenus les classe parmi les catégories sociales défavorisées et dépourvues de logement ou logeant dans des conditions précaires et/ou insalubres". Le décret suscité pose, par ailleurs, un certain nombre de conditions préalables pour l'attribution d'un logement LPL. Le postulant à un logement public locatif, doit ainsi résider depuis au moins cinq (5) années dans la commune de sa résidence habituelle et le revenu mensuel du ménage concerné ne doit pas excéder vingt-quatre mille dinars (24 000 DA). Il doit, en outre, avoir 21 ans révolus au moins à la date de dépôt de sa demande. Le même décret exclut, par ailleurs, tout postulant qui possède en toute propriété un bien immobilier à usage d'habitation, ou est propriétaire d'un lot de terrain à bâtir. De même que sont exclus, les personnes ayant bénéficié d'un logement public locatif, d'un logement social participatif, d'un logement rural ou d'un logement acquis dans le cadre de la location-vente, ainsi que toute personne ayant bénéficié d'une aide de l'Etat dans le cadre de l'achat ou de la construction d'un logement ou de l'aménagement d'un logement rural. Des garanties en termes d'équité et de transparence De la réception de la demande à l'affichage de la liste définitive des bénéficiaires, le législateur a mis en place une série de dispositions visant à offrir le maximum de garanties en termes d'équité et de transparence. Le décret exécutif n° 08-142 précise ainsi que la demande de logement accompagnée des pièces justificatives est déposée auprès de la commission de daïra concernée contre remise d'un récépissé portant le numéro et la date d'enregistrement. Elle est enregistrée suivant l'ordre chronologique de sa réception sur un registre spécial, coté et paraphé par le président du tribunal territorialement compétent. Présidée par le chef de Daïra, la commission de daïra a pour mission notamment de vérifier la conformité de chaque demande avec les dispositions de la loi et se prononcer sur le caractère social avéré des demandes sur la base des résultats des investigations effectuées par les brigades d'enquête. Dans le cadre de son fonctionnement, la commission de daïra est tenue, par ailleurs, de consulter le fichier national du logement. Géré par le ministère de l'Habitat, de l'urbanisme et de la ville, ce fichier national permet de filtrer les dossiers et d'éliminer "les indus demandeurs" ayant déjà bénéficié d'un logement social ou d'une aide de l'Etat. Dans la période récente, selon les chiffres communiqués par le secteur, près de 400 000 demandes concernant les différentes formules de logement aidés (LPL, AADL,LPP, rural) ont été ainsi rejetées. La commission de daïra procède à la notation des demandes selon un barème qui se fonde sur quatre critères essentiels : le revenu du postulant et de son conjoint, les conditions d'habitat, la situation familiale et personnelle et enfin l'ancienneté de la demande. Chaque critère donne lieu à l'attribution d'un certain nombre de points. Point important, dans tous les programmes de logements publics locatifs à attribuer, il est réservé 40% du programme aux postulants âgés de moins de trente-cinq (35) ans. Aux termes des opérations de notation, la commission de daïra se réunit en présence de tous ses membres pour délibérer sur le classement des postulants selon un ordre décroissant en fonction du nombre de points obtenus. La commission de daïra fixe la liste provisoire des attributaires retenus avec un classement par ordre de priorité de chacun des bénéficiaires. La liste est affichée dans les quarante-huit (48) heures qui suivent les délibérations au siège de l'assemblée populaire communale (APC) pendant une période de huit (8) jours. Vers une réforme du dispositif en vigueur Le législateur offre aux citoyens qui s'estiment lésés par les décisions rendues par la commission de daïra, la faculté d'exercer un droit de recours. Ces derniers peuvent ainsi adresser leurs doléances auprès de la commission de recours créée au niveau de chaque wilaya et présidée par le wali. Sur la base des décisions de la commission de recours, la commission de daïra fixe la liste définitive des bénéficiaires. En dépit des nombreuses garanties offertes aux postulants par le décret n° 08-142 du 11 mai 2008, une réflexion est actuellement engagée entre le ministère de l'Habitat, de l'urbanisme et de la ville et le ministère de l'Intérieur et des collectivités locales en vue de réviser le dispositif en place dans l'objectif d'une plus grande équité. Evoquée récemment par le ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la ville, Abdelmadjid Tebboune, cette révision viserait une meilleure répartition des programmes de logements en prenant en considération la demande exprimée au niveau local. Cette nouvelle démarche permettrait ainsi, selon le ministre, "de mieux gérer les impatiences des citoyens". Les demandes seraient ainsi réceptionnées et classées au niveau des communes de résidence et les attributions s'effectueront en toute transparence au fur et à mesure de la réception des programmes de logement destinés à la commune. Vers une accélération du rythme des réalisations La résorption de la crise du logement qui constitue un axe prioritaire des programmes et de l'action du gouvernement, passe par une accélération du rythme des réalisations et l'adoption de nouveaux procédés modernes de construction. Pour une majorité de citoyens algériens, l'accès à un logement a longtemps relevé du rêve impossible à concrétiser. Cependant, l'année 1999 a marqué le point de départ d'une nette relance du secteur de l'habitat. L'amélioration de l'offre de logements est allée crescendo à la faveur du lancement des différents plans de développement. Inscrivant la question du logement au chapitre du renforcement des liens de solidarité sociale, le chef de l'Etat a réaffirmé dans son programme que "le soutien de l'Etat au secteur sera poursuivi pour résorber totalement le déficit en logements avant la fin du quinquennat 2015-2019". Traduisant les directives du chef de l'Etat, le plan d'action présenté récemment par le gouvernement Sellal prévoit la réalisation de 1,6 million de logements tous types confondus durant le quinquennat 2015-2019 afin d'absorber le déficit structurel dans ce domaine. Il est précisé que ces programmes seront multipliés pour répondre aux demandes de l'ensemble des candidats éligibles notamment les jeunes et concerneront également les algériens non résidents, sur le territoire national. Le recours à l'apport de partenaires étrangers Partant du constat de la faible capacité de l'outil de réalisation nationale et de son sous équipement, le gouvernement a décidé de recourir momentanément à l'apport des entreprises étrangères. L'Algérie a ainsi conclu, au cours des deux dernières années, une série d'accords cadre avec le Portugal, l'Espagne, l'Italie et les Etats-Unis d'Amérique pour la création de joint-ventures entre entreprises algériennes et étrangères. A travers ces partenariats, il est attendu notamment, une réduction des délais de réalisation par l'adoption de nouvelles techniques de construction, un transfert de technologie dans le domaine de l'industrie du bâtiment et l'organisation de cycles de formation au profit de jeunes techniciens algériens. Des usines de préfabrication lourdes et légères de logements sont également prévues dans la feuille de route de ce partenariat. Plusieurs accords de partenariat ont été ainsi signés entre des entreprises de réalisation européennes, principalement d'Espagne, d'Italie, de Portugal, et les filiales de la SGP Indjab. Cependant, ces partenariats tardent à porter leurs fruits. Si certaines sociétés mixtes sont en cours de lancement, d'autres ont déjà échoué. Le président du directoire de la SGP Indjab Mohamed Yassine Hafiane a souligné à cet égard que "tout partenariat dans ce domaine doit se reposer sur la confiance et sur le principe de gagnant-gagnant". Pour améliorer l'efficience des entreprises publiques de réalisation, les pouvoirs publics misent sur la restructuration de la société de gestion des participations de l'Etat (SGP) Indjab qui regroupe 56 entreprises spécialisées dans le bâtiment. Le plan de restructuration, transmis récemment au Conseil des participations de l'Etat (CPE), prévoit de scinder la SGP Indjab en cinq grandes entreprises, implantées à l'Est, à l'Ouest, au Centre, au Sud-est et au Sud-ouest, pour couvrir l'ensemble du territoire national. Pour leur part, les organisations patronales du secteur du bâtiment expliquent la faiblesse des capacités de réalisation des entreprises nationales par l'effet d'un environnement économique contraignant caractérisé par une forte pression fiscale, le développement du marché informel, le manque de main d'oeuvre qualifiée, un insuffisant accompagnement des banques et un retard dans la mise en oeuvre des programmes de mise à niveau. Au titre des doléances exprimées par les chefs d'entreprises, le président de la Confédération générale du patronat du bâtiment et des travaux publics (CGP-BPTH), Abdelmadjid Dennouni, a appelé à la révision des modalités d'attribution des marchés publics qui favorisent le "moins-disant" estimant que les conditions "draconiennes" incluses dans les cahiers de charge excluent les petites entreprises et empêchent notamment les PME de se développer. De son coté, le président de l'Union nationale des entrepreneurs du bâtiment (Uneb), Salim Gasmi estime que les entreprises algériennes sont en mesure de réaliser les projets du programme public de logement, mais relever ce défi requiert l'amélioration du climat des affaires et la levée de certaines contraintes notamment celles liées aux contentieux avec l'administration et au payement des factures de travaux. Une «révolution» dans les procédés de construction Pour le ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la ville, Abdelmadjid Tebboune, la résorption de la crise du logement passe par une "révolution " dans les procédés de construction. Il a souligné, ainsi, à maintes occasions que " le défi pour le secteur est d'industrialiser le bâtiment en remplaçant la petite bétonnière par la centrale à béton, la poulie artisanale par la pompe à béton". Il a aussi rappelé que les capacités nationales de réalisation sont pour l'heure limitées à 80.000 logements/an alors que les besoins exprimés sont de l'ordre de 250.000 logements/an, une situation qui nécessite le recours momentané aux entreprises étrangères pour prendre en charge les différents programmes inscrits à l'actif su secteur, a-t-il dit. Pour autant, les pouvoirs publics encouragent les entreprises privées à accroître leurs capacités de réalisation, avait indiqué ministre, selon lequel l'objectif du secteur était de porter rapidement les capacités nationales de réalisation à près de 120.000 logements/an. Selon les données avancées par le ministre, le bilan des logements réceptionnés à la fin de l'année 2014 devrait ainsi atteindre 85% des objectifs du secteur au titre du programme quinquennal 2010-2014. Marque d'un fort engagement de l'Etat, les enveloppes financières mobilisées pour la relance du secteur de l'Habitat ont atteint au cours des dernières années un niveau record jamais égalé dans l'histoire du pays. Le montant des crédits alloués au secteur de l'habitat dans le cadre du plan quinquennal 2010-2014, atteignent ainsi près de 63 milliards de dollars. Des programmes empreints d'une forte volonté de justice sociale Le gouvernement œuvre à la résorption de la crise du logement, en mettant en place une stratégie cohérente visant, d'une part, à accroître et diversifier l'offre de logement et d'autre part, à veiller au respect des règles de justice sociale dans la répartition des aides de l'Etat. La diversification de l'offre de logements en fonction des revenus des bénéficiaires est un objectif qui a connu des avancées remarquables grâce à des financements publics massifs, au développement du crédit immobilier, à la bonification des taux d'intérêt, ainsi qu'au relèvement des montants de l'aide de l'Etat. En plus du soutien accordé aux segments du logement social et rural, l'aide de l'Etat a été élargie à d'autres populations disposant de revenus intermédiaires qui peuvent, désormais, accéder au logement selon diverses formules telles que le logement social participatif (LSP), la location-vente (AADL) et, plus récemment, le nouveau dispositif concernant le logement promotionnel public (LPP). L'engagement de l'Etat en faveur du secteur de l'habitat est ainsi empreint d'une forte volonté de justice sociale puisque ce sont les segments du logement public locatif et de l'habitat rural qui bénéficient de la plus grande part des crédits destinés à faciliter l'accès au logement, c'est-à-dire des populations fragiles disposant de faibles revenus. Le souci de justice sociale se manifeste également à travers la forte volonté des pouvoirs publics d'éradiquer l'habitat précaire . Le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika a, en effet, instruit le gouvernement "de prendre les dispositions et les mesures nécessaires à l'effet de poursuivre les opérations de résorption de l'habitat précaire à un rythme soutenu pour son éradication totale sur le territoire national ". Dans ce sens, il convient de rappeler que le programme quinquennal de logements 2010-2014 prévoit la réalisation de près de 400.000 logements destinés à l'éradication du parc d'habitat précaire recensé en 2007. Selon les projections du gouvernement, ce type d'habitat devrait être définitivement éliminé au plus tard au début de l'année 2016. Dans le même sens, la transparence et l'équité dans la distribution des logements sociaux ont été renforcées. La démarche du gouvernement est axée autour de deux priorités : cerner la demande et assurer l'équité dans la répartition. En vue de déceler les demandes frauduleuses, et veiller au respect du principe selon lequel, le citoyen a droit à l'aide de l'Etat une seule fois, il a été ainsi décidé de procéder à la révision et à la mise à jour du fichier national du logement. Ce fichier, géré au niveau du ministère de l'Habitat, de l'urbanisme et de la ville, recense l'ensemble des décisions d'attribution des logements publics locatifs, les logements sociaux participatifs, des logements cédés dans le cadre de la location vente, des terrains à caractère social et des aides de l'Etat attribuées pour l'achat ou la construction d'un logement. La mise à jour du fichier national du logement permet, par ailleurs, de mieux cerner les perspectives d'évolution de la demande. Sur la base d'un diagnostic effectué au niveau des 1.541 communes d'Algérie, le ministère de l'habitat situe «le déficit à près de 700.000 logements» et projette de le résorber définitivement d'ici l'horizon 2018 à la faveur des programmes inscrits dans le plan quinquennal 2015-2019.