Le célèbre chanteur d'expression kabyle, Boudjemaâ Agraw, a estimé que l'intégration de Tamazight comme langue officielle dans la prochaine Constitution permettra à l'Algérie de se réconcilier avec elle-même et d'asseoir la démocratie. «Etant militant amazigh, je voudrais lancer un message à nos responsables. Qu'ils officialisent Tamazight s'ils veulent réconcilier l'histoire avec elle-même et l'Algérie avec tous les Algériens», a-t-il dit. «S'ils veulent vraiment que la réconciliation qu'ils sont en train de faire avec les intégristes soit totale, a-t-il ajouté, qu'ils réconcilient le peuple Amazigh avec son identité. J'espère qu'ils ne rateront pas cette fois le rendez-vous de l'histoire en décrétant tamazight langue officielle et de lui consacrer tous ses droits dans la prochaine constitution», fait observer le chanteur engagé depuis le début des années 1980. «Qu'ils règlent définitivement ce problème qui nous tient à cœur, sans quoi, comme disait le chantre de l'Amazighité, Lounès Matoub, dans un de ses nombreux tubes, «ma ulac tamazight, ulac, ulac, ulac (sans tamazight, rien, rien, rien)». Sinon ça restera toujours un problème posé même pour les générations futures. Il s'exprimait en marge d'un concert animé à la salle de spectacles de la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, dans le cadre des soirées ramadhanesques qu'organise la direction de la culture. Sur scène, Boudjemaa Agraw, fortement applaudi par le public venu nombreux, a puisé dans son riche répertoire en reprenant quelques chansons, un mélange d'écoute, d'ambiance et de rythme pour faire la fête, éducatives, et, d'autres qui abordent les problèmes vécus notamment par cette jeunesse qui ne se retrouve pas et qui perd ses repères. «Dans mon dernier album, commercialisé fin mai dernier, j'ai privilégié la poésie et la mélodie, notamment la poésie politico-sociale et la poésie progressiste, par rapport au rythme», fait-il observer encore. «J'ai décidé de faire de la chanson qui éveille les consciences et non celle qui abrutit», a-t-il dit révélant que même autrefois, la chanson rythmée était destinée d'abord, à transmettre des messages. «J'ai opté pour un travail qui éduque dans les domaines de la musique et de la poésie», a-t-il ajouté encore. Comme lors de ses précédentes apparitions sur scène, Boudjemaa Agraw, a rendu hommage à deux icônes de la chanson d'expression kabyle, Slimane Azem et Matoub Lounès, en reprenant et en interprétant, à sa manière, les chansons «A yafrukh ifirles, L'hirondelle» «A Thahechat» et, «Slaâvits a yavehri», largement chantées en chœur par le nombreux public présent dans la salle, composé essentiellement de jeunes mais aussi de familles. Dans la chanson de Slimane Azem qu'il a reprise avec ses textes, Boudjemaa Agraw a rendu hommage aux intellectuels et hommes de culture assassinés par la horde intégriste durant la décennie noire, avant d'improviser avec une autre chanson, «Hydra», un quartier huppé sur les hauteurs d'Alger, où, dit-il, tout y est, rien ne manque. «A Hydra, près de l'Algérie et où les réseaux d'alimentation en eau, gaz et électricité n'ont jamais connus de rupture ou de panne, ceux qui y résident sont soit ‘reb el mekla' soit des hauts gradés», dit-il dans son refrain, repris en chœur par l'assistance. Un jeune chanteur Arezki Methia qui l'a accompagné, a repris une chanson de Ahcene Mezani avant que Boudjemaa Agraw entonne la chanson «Les canaris, JSK», la dernière pour céder la place au chanteur Lani Rabah, également fortement ovationné par le public à son apparition. Lani Rabah qui n'a plus produit depuis des années, a puisé dans son répertoire, des chansons d'amour, reprises en chœur par l'assistance.