Les transports sont essentiels à la compétitivité économique, mais aussi aux échanges commerciaux, économiques et culturels, contribuant également à rapprocher les citoyens les uns des autres. Or, aujourd'hui, les signes de congestion, les nuisances environnementales et les accidents qui l'accompagnent s'aggravent chaque jour davantage et pénalisent autant les usagers que l'économie. Aussi, selon les experts internationaux, au niveau mondial, il est temps de fixer à la politique des transports de nouvelles ambitions : coordination face au processus de mondialisation en favorisant la mobilité, rééquilibrer durablement le partage entre modes de transports et développer l'inter-modalité, et placer la sécurité et la qualité des services au cœur de toute action. Sa réussite passe nécessairement par des actions complémentaires dans d'autres domaines, politique budgétaire, politique industrielle, d'aménagement du territoire ou encore politique sociale (aménagement du temps de travail). Aussi, je propose d'analyser ce segment stratégique, lié intiment aux infrastructures, à l'environnement tant local que mondial notamment, les expériences internationales étant une source d'enseignement précieux, le livre blanc de la commission européenne en matière de transport, l'Algérie étant liée à un accord de libre échange applicable depuis le 1er septembre 2005 avec un dégrèvement tarifaire zéro horizon 2020. 1.- L'évolution de la politique du transport au niveau international : le rapport du livre blanc de la communauté économique européenne La commission européenne part au préalable de cinq constats. Premier constat : le retour à la croissance est un facteur structurel et durable de dynamisme de la demande de transports. Les études internationales montrent que l'élasticité de la demande de transport par rapport à la croissance économique générale est donc nettement supérieure à un. Deuxième constat : l'accroissement des trafics concerne tous les modes de transport. Les transports se font essentiellement par les routes et la mer pour les marchandises, et par l'air pour les voyageurs. Celles de la voie d'eau et du chemin de fer étant souvent moins chers. Troisième constat : l'espace des transports apparaît très fragmenté, tandis qu'une part croissante des infrastructures arrive à saturation. Cette fragmentation et cette saturation concernent tous les modes : encombrement du ciel, concentration du trafic maritime lenteur du fret ferroviaire. Quatrième constat : les politiques nationales des Etat en matière de transports restent peu coordonnées. Et enfin cinquième constat : l'intervention de l'Etat dans ce secteur est importante du fait que la rentabilité est à moyen et long terme surtout pour les investissements ferroviaires et supposant des infrastructures appropriées, le financement des réseaux reposant quasi exclusivement sur les ressources budgétaires. Or, la réglementation des transports est depuis longtemps d'origine internationale. Ces règles mondiales ont pour objectif essentiel de faciliter les échanges et le commerce, et tiennent insuffisamment compte des impératifs de protection de l'environnement et de sécurité des approvisionnements. Depuis plusieurs années, cela a conduit certains pays comme les Etats-Unis à mettre en œuvre des réglementations régionalisées des transports, en particulier dans le domaine maritime ou aérien, en vue de promouvoir la défense d'intérêts spécifiques. L'Union européenne leur a emboîté le pas pour se protéger des catastrophes maritimes ou s'affranchir de règles inadaptées comme en matière de lutte contre le bruit des avions ou l'indemnisation des passagers en cas d'accident. Aujourd'hui, avec l'élargissement, c'est-à-dire l'extension de la politique des transports et du réseau transeuropéen à l'échelle d'un continent, la commission européenne propose de repenser son rôle sur la scène internationale si elle veut maîtriser leur développement de façon durable et parer aux problèmes de congestion et de pollution. Dans le cadre des négociations menées à l'Organisation mondiale du commerce, l'Union européenne continuera à jouer un rôle de catalyseur pour l'ouverture des marchés des principaux modes de transport tout en préservant la qualité des services de transport et la sécurité des usagers. La Commission entend proposer de renforcer la place de la Communauté au sein des organisations internationales comme l'Organisation maritime internationale, l'Organisation de l'aviation civile internationale ou la Commission du Danube pour garantir au niveau mondial, les intérêts de l'Europe. Une union élargie doit pouvoir maîtriser les effets de la mondialisation et concourir à des solutions internationales pour lutter par exemple contre l'abus des pavillons de complaisance ou le dumping social pour le transport routier. Pour étayer l'ensemble des propositions, à mettre en œuvre et qui sont la condition nécessaire mais non suffisante à la réorientation de la politique commune des transports face à l'exigence du développement durable, l'analyse du livre définit trois axes d'orientations : Première orientation : la libéralisation, la sécurité et la clarification des priorités. Jusqu'à présent, pour la commission, la politique des transports de la Communauté européenne a été essentiellement réglementaire, avec une priorité donnée à la libéralisation, la libéralisation restant difficile dans le transport ferroviaire. En ce qui concerne par exemple l'expérience européenne, la directive de 1991 prévoit un accès aux réseaux nationaux limité aux regroupements internationaux d'opérateurs, ou à des «corridors de fret» bien définis. En pratique, le chemin de fer reste l'apanage de compagnies nationales en situation de monopole. Parallèlement à son action de libéralisation et d'harmonisation, doit être définie une politique de sécurité dans les transports, la coordination de transport restant plus que jamais une nécessité. Cette orientation s'est exprimée dans deux directions d'une part, un encouragement à l'inter-modalité en général, c'est-à-dire principalement entre le chemin de fer et la route ; d'autre part une incitation au transport maritime, afin de décongestionner les axes terrestres. En ce qui concerne le financement, la Commission devrait mieux exercer le contrôle, dans le cadre de la politique de la concurrence, sur les interventions financières dans le cadre de l'apurement de la dette des entreprises ferroviaires, les subventions aux ports maritimes, les affectation des redevances aéroportuaires et le financement des concessions autoroutières. Pour rendre efficiente cette coordination, la commission reconnaît que la réflexion sur la politique des transports souffre d'une lacune statistique, ne disposant ni d'unités de mesure cohérentes pour le calcul de la tarification ou de la rentabilité des infrastructures de transport. D'où l'urgence d'une réorganisation de son outil statistique et économétrique. Deuxième orientation : l'assainissement du transport routier et l'introduction des nouvelles technologies. Malgré sa domination commerciale écrasante par rapport aux autres modes de transport terrestres, la situation du secteur du transport routier reste fragile, comme sont venus le rappeler récemment les mouvements de protestation des routiers français, belges, néerlandais, britanniques et allemands. Ce secteur est composé d'un grand nombre de petites entreprises, qui ne peuvent pas faire face aux pressions exercées pour abaisser les prix en dessous du niveau, qui serait nécessaire pour assurer leur stabilité financière. Ainsi, l'augmentation inattendue du prix des carburants n'a pas pu être répercutée par les entreprises de transport routier, du fait de la pression exercée par les chargeurs, entraînant une réduction significative des marges des transporteurs. Par ailleurs, le développement des systèmes de transport intelligents devrait être rapide et durable au cours de la décennie à venir : surveillance de l'infrastructure, gestion et contrôle du trafic, information avant et pendant le voyage, navigation et guidage, conduite automatique, gestion de fret et de flottes, billetterie et péage électronique, etc. L'enjeu essentiel est de faire converger les processus de programmation financière de telle sorte que les systèmes de transport intelligents puissent être mis en place de manière synchronisée. Un exemple de l'introduction de ces nouvelles technologies est le projet de navigation par satellite Galileo, existant actuellement dans le monde deux réseaux satellitaires de navigation, l'un américain (GPS), l'autre russe (Glonass). Tous deux ont été conçus pour permettre de repérer avec une grande précision, la position d'objectifs militaires. Ces réseaux peuvent être utilisés pour des besoins civils. Le projet Galileo consiste à lancer, avec le soutien de l'Agence spatiale européenne, une série d'au moins vingt satellites, qui seront placés en orbite à 20 000 km et suivis par un réseau de stations de contrôle au sol, pour assurer une couverture mondiale. A la différence des systèmes existants, Galileo offrira les garanties et les engagements de responsabilité actuellement manquants, dans un cadre comportant trois niveaux de service : - un service de base gratuit pour des applications destinées au grand public, notamment dans le domaine des loisirs ; - un service payant à accès restreint pour des applications commerciales et professionnelles nécessitant des performances supérieures et une garantie de service ; et enfin un service très restreint de haut niveau, également payant, pour des applications qui ne doivent subir aucune interruption ni aucune perturbation pour des raisons de sécurité. Le coût de développement et de mise en service de Galileo est d'environ 3 milliards d'euros. On estime que ses retombées créeront pour les entreprises européennes, un marché nouveau d'équipement et de services de l'ordre de 80 milliards d'euros au cours des prochaines années. La troisième orientation concerne une tarification appropriée. Il s'agit, comme souligné précédemment, d'abord d'harmoniser et de compléter l'outil statistique afin notamment d'analyser les trafics et de calculer les coûts. Sur le premier point, la mise en œuvre du réseau de navigation par satellite Galileo et de systèmes de transport intelligents devrait permettre un suivi fin et en temps réels des trafics. Sur le second point, l'établissement de méthodes de calcul communes à tous les Etats membres, constitue le préalable à une tarification au coût marginal social. Il s'agit enfin de renforcer la transparence financière. Actuellement, les bilans sectoriels des différents modes de transport restent volontairement confus, les Etats membres cherchant à dissimuler le montant exact de leurs contributions publiques. Ensuite, il s'agit d'abord de réduire les distorsions de concurrence dans les domaines techniques, fiscaux et sociaux. Celles-ci ont été avivées par la réalisation du marché unique des transports, et risquent de s'accroître encore après l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale. Il s'agit aussi, après avoir défini des principes communs de tarification pour les infrastructures de transport, de les mettre en pratique de manière harmonisée dans les différents Etats membres. Par ailleurs, au niveau international, l'on s'oriente de plus en plus concernant la tarification, en sollicitant l'utilisateur plutôt que le contribuable, par une tarification au «coût marginal social». Cette tarification intégrerait notamment dans les prix des transports les préoccupations environnementales. Mais aucune méthodologie commune n'a encore été arrêtée pour intégrer les aspects environnementaux dans les coûts des transports. On ne pourra rien faire si l'on n'a pas résolu le premier problème, celui de la connaissance statistique. Il est généralement reconnu que les modes de transport ne paient pas toujours ni partout les coûts qu'ils engendrent. La situation diffère énormément d'un Etat et d'un mode de transport à l'autre. Cela entraîne un dysfonctionnement du marché intérieur et fausse la concurrence au sein du système de transport. Il n'existe pas, de ce fait, de véritable incitation à utiliser les modes les moins polluants ou les réseaux les moins congestionnés. (A suivre)