L'Algérie a perdu, dans un contexte de «révolution» au nom de «l'islam radical», ses repères et ses référents authentiques qu'il faudra retrouver, a affirmé le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa. «Dans un contexte de révolution au nom de l'islam radical, nous avons perdu nos repères et nos référents authentiques. Nous avons oublié que nous appartenons à une civilisation qui a jailli de Cordoue et nous nous sommes retrouvés dans une pratique bédouine de la religion», a expliqué M. Aïssa dans un entretien paru mercredi dans le quotidien francophone El Watan. Il a toutefois tenu à préciser que sa déclaration n'amoindrit en rien la vie bédouine, mais que l'Algérie appartient, a-t-il dit, à la Méditerranée, très proche de l'Europe, et a été «fortement influencée» par l'Andalousie. «L'Algérie avait accueilli, a-t-il rappelé, ceux qui ont été harcelés par l'inquisition (menée par les Catholiques) en Espagne et qui sont venus avec leurs arts, leur savoir-faire, leur réflexion et leur philosophie». Pour lui, «c'est ça l'Algérie qui a été contrainte à oublier ses jalons et ses repères», précisant que le ministère des Affaires religieuses doit «dépoussiérer» et «de balayer» ces référents, dans le cadre d'une démarche gouvernementale qui «poursuit l'objectif de développer et de promouvoir le référent religieux national». Dans le même cadre, le ministre a jugé important que la nation dans laquelle est inscrit «l'islam religion de l'Etat», comprenne que cet islam est «modéré», «catalyseur», qui «a uni (en Algérie) les Arabes et les non-Arabes, les gens de différentes couleurs et le Sud et le Nord». «C'est cet islam que nous devons recouvrer. Nous devons retrouver ce que nous appelons dans notre jargon au ministère «l'islam référent national», a-t-il soutenu, précisant qu'il ne s'agit pas du malékisme. «La malékité de la société est une réalité, mais c'est celle qui permettait d'accepter l'ibadité, le hanafisme durant la période ottomane et permet aujourd'hui de puiser dans l'effort de jurisprudence hanbalite, ce qui est bénéfique pour la société algérienne», a-t-il expliqué. Au sujet d'une probable révision du contenu des programmes de l'éducation islamique, le ministre a rappelé que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a instruit son ministère et celui de l'Education nationale de revoir ensemble le contenu des programmes. Il a précisé que jusque-là, enseigner l'éducation islamique formait un «pseudo mufti et non un musulman civil, bon modéré, patriote». «Les éducateurs renflouaient les élèves de connaissances avec des références discutables, car ne venant pas du référent national en raison de la période durant laquelle ces programmes ont été établis», a-t-il ajouté. A propos de la fatwa et son organisation, le ministre est revenu sur sa proposition de créer une académie afin de mettre à nu les muftis autoproclamés. «Je la conçois comme une académie et à ce moment-là ces muftis autoproclamés découvriront qu'ils sont dépourvus de connaissance et de savoir et qu'il sont uniquement des charlatans qui utilisent la religion à des fins mercantiles et politiciennes», a-t-il dit. Il a ajouté que ces «muftis» sont facteurs de «blocage» contre toute solution que développe l'Algérie en matière de prise en charge de la société. «Ils décrètent telle ou telle loi illicite. Paradoxalement, ils justifient les fausses déclarations aux impôts, ils trouvent licites des pots-de-vin pour faire passer des valises», a-t-il indiqué, estimant qu'ils sont les «plus proches des barons de l'informel en Algérie». Pour lui, la raison pour laquelle des Algériens se tournent vers les «prédicateurs», notamment étrangers, est due à «une gestion bureaucratique du culte chez nous. Ce qui a poussé les Algériens à croire qu'il existe deux islams en Algérie». «Nous n'avons qu'un seul islam, celui pratiqué par nos ancêtres. L'imam n'a pas à autoriser ou à interdire, sa mission est de donner des conseils, d'être un exemple de rectitude», a insisté le ministre. Sur les évènements de Ghardaïa, M. Aïssa a indiqué que le différend n'est pas religieux mais d'ordre sociétal. Pour lui, les problèmes du foncier, du travail, des arouchs et d'appartenance se superposent avec une «instrumentalisation malveillante dans une ambiance de haine». «Sans citer de nom, il y a ceux qui se ressourcent au Yémen qui font une projection dans ce qui se passe à Ghardaïa, cela devient dangereux», a-t-il averti, précisant que le Malékite ou bien le Mozabite qui habitent à Ghardaïa sont des Algériens.