Cette présente contribution est une synthèse de mes différentes contributions et interventions internationales entre 2012 et 2014 posant la problématique de la sécurité de l'Algérie et la place de l'Armée nationale populaire (ANP) face aux enjeux géostratégiques en Afrique du Nord, une étude qui devrait paraître dans la revue «Défense française» que dirige mon ami, l'amiral Jean Dufourcq. La politique de défense et de sécurité de l'Europe La fin de la guerre froide, les velléités d'émancipation de l'Europe de la tutelle américaine – particulièrement en matière de défense et de sécurité – et la volonté de construire avec les pays de la région des relations économiques privilégiées accroît de manière significative cet intérêt. Qu'il s'agisse en effet de crises régionales, scissions d'Etats, prolifération d'armes de destruction massives ou de conflits internes (ethniques, religieux, culturels ou autres), l'Otan est perçue par les Européens comme une organisation incapable de réagir à ces nouveaux types de menaces. C'est pourquoi va surgir à la surface, le vieux rêve d'Europe de la défense que caressaient un certain nombre de pays du vieux-Continent. Aussi, les Européens se mettent à la recherche d'une alternative à l'Otan et à l'Union de l'Europe Occidentale (UEO), laquelle, pour d'autres raisons, ne pouvait prétendre combler le «vide de sécurité» en question. Il convient aussi d'ajouter que la traduction en termes concrets de la subordination juridique de l'UEO à l'Union européenne rencontre des difficultés qui laissent présager un avenir incertain de l'UEO en tant que «bras armé de l'Union» : la non appartenance à l'Union européenne de pays classés comme «membres associés» et l'attachement à l'Otan ou la neutralité de pays observateurs. Par ailleurs, l'UEO est non seulement absente du théâtre européen mais aussi, elle connaît un phénomène d'«otanisation» qui rend difficile son autonomie et son usage donc en tant qu'instrument au service d'une politique européenne de sécurité et de défense autonome. Ces atermoiements se retrouvent dans le traité de Maastricht qui jette de manière timide, les bases de ce que certains Européens souhaitent être une politique commune de sécurité et de défense. Les divergences ne vont pas manquer entre les trois principales puissances européennes, en l'occurrence, la France et l'Allemagne d'un côté et le Royaume-Uni de l'autre. Pour la France et l'Allemagne, l'UEO peut être réactivée en fonction des nouvelles données et des missions qu'elle serait appelée à mener. Elle deviendrait le «bras armé de l'UE». Le Royaume-Uni, quant à lui, défend l'idée de mettre en place «un pilier européen de l'Alliance Atlantique». Ces divergences vont se retrouver dans le texte du traité qui stipule d'un côté, que «la politique étrangère et de sécurité inclut l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union européenne, y compris la définition à terme d'une politique de défense commune, qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune» et de l'autre que «la politique de l'Union au sens du présent article n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres du traité de l'Atlantique Nord». Par ailleurs, le traité mentionne clairement que l'UEO est une «composante de défense de l'Union européenne et un moyen de renforcer le pilier européen de l'Alliance atlantique». Autant dire donc que ces deux dispositions d'un même article et l'annexe qui accompagne le traité contentent à la fois, la position franco-allemande et celle de la Grande-Bretagne. Dans ce contexte, quel cadre tracer pour un partenariat euro-méditerranéen en matière de défense et de sécurité d'autant plus que les résultats de ce partenariat issus du processus de Barcelone sont mitigés ? Le dialogue 5+5 Des tentatives sont faites pour redynamiser le dialogue euro-méditerranéen avec deux initiatives. D'une part, la politique européenne de voisinage et d'autre part, le partenariat stratégique entre l'Union européenne d'un côté et la Méditerranée et le Moyen-Orient de l'autre. D'ailleurs, la stratégie de l'Union pour la Méditerranée, a le même objectif stratégique bien que se différenciant sur les tactiques de relance du partenariat méditerranéen, sous tendant une zone tampon de prospérité entre l'Europe et l'Afrique via la méditerranée pour freiner l'émigration massive notamment de l'Afrique sub-saharienne avec comme tampon pilier, le Maghreb. D'une manière générale, sur le plan militaire et géo-stratégique c'est à travers les activités du groupe dit des «5+5», que peut être appréciée aujourd'hui, la réalité d'une telle évolution. C'est que la lecture que font les Européens des menaces et défis auxquels le monde et notre région sont confrontés, repose essentiellement sur la nécessité de développer ensemble une stratégie de riposte collective et efficace concernant notamment le terrorisme international, le trafic des êtres humains et la criminalité organisée à travers la drogue et le blanchissement d'argent. Par ailleurs, selon la commission de Bruxelles et le Parlement européen entre l'Europe et le Maghreb, et plus globalement l'Europe et la zone méditerranéenne, il s'agit de faire bloc, de rapprocher les Européens et leurs voisins immédiats. Pour le cas du Maroc, de la Tunisie et de l'Algérie qui ont signé l'Accord de libre échange avec l'Europe, en matière de défense et de sécurité, des consultations relatives à la mise en place d'un dialogue entre le Maghreb et l'Union européenne ont eu lieu sous forme de consultations informelles et de réunions formelles. Mais il serait souhaitable des clarifications portant sur deux questions jugées fondamentales. D'une part, la valeur ajoutée de cette offre de dialogue par rapport au dialogue méditerranéen de l'Otan et d'autre part, la coopération en matière de lutte contre le terrorisme entre le Maghreb et l'UE dans le cadre de la PESD. L'Algérie confrontée à la sécurité dans la zone sahélo-saharienne Depuis des siècles, le Maghreb est lié avec l'Europe beaucoup plus étroitement qu'avec ses voisins du Sud. Les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l'Europe qui doit être attentive aux stratégies des pays du Maghreb en direction de leur Sud et sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l'Afrique sub-saharienne. Et notamment la pénétration de l'islamisme radical à ne pas confondre avec l'islam, religion de tolérance à l'instar du judaïsme ou du christianisme avec des menaces réelles tant au Maghreb qu'en Europe. Et sans oublier qu'ils existent des influences religieuses autour de la conception de l'islam qui influence largement les dirigeants politiques au niveau du Sahel. Entre les frères musulmans qui encouragent le maraboutisme (zaouias) dominantes d'ailleurs au Maghreb et les djihadistes qui y voient une dérive de la religion, comme en témoigne la destruction des mausolées au Mali lors de l'occupation dans certains régions par les djihadistes. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l'effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région et avant l'intervention française à la sécession du Nord-Mali. Déjà, les rapports entre le Sahel et la Libye de Kadhafi étaient complexes, ce dernier s'appuyant sur les Touaregs et s'estimant maltraités aussi bien par les Arabes au nord que par les subsahariens au sud, leur donnant des armes et de l'argent avec la possibilité de les utiliser contre les gouvernements du Sahel. Encore qu'il faille ne pas confondre la stratégie des Touaregs, locale, avec AQMI qui est une organisation supranationale avec une composante de pays variés ayant ses propres filières de contrebande. De plus en plus nombreux, des migrants subsahariens s'installent désormais dans les pays du Maghreb avec l'intensification de la contrebande. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l'un de ces espaces qui échappe à toute autorité centrale où se sont installés les groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, ce pays n'ayant jamais eu d'Etat au sens proprement dit, à l'instar de bon nombre de régimes dictatoriaux qui s'appuient sur des proches soit familiaux ou régionaux pour conserver le pouvoir, des centaines de milliers dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l'armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparé par de différents groupes qui opèrent au Sahel. Dès lors la sécurité de l'Algérie est posée à ses frontières. La frontière entre l'Algérie et le Mali est de 1 376 km, la frontière entre l'Algérie et la Libye de 982 km, la frontière entre l'Algérie et le Niger 956 km, la frontière entre l'Algérie et la Tunisie est de 965 km, soit au total 4 279 km à surveiller. Le problème est plus grave pour les frontières conjointes avec le Mali et la Libye. Il ne faut pas oublier que les djihadistes étaient venus depuis cette région lors de l'attaque terroriste de Tiguentourine. L'armée algérienne face à la sécurité «L'Armée nationale populaire a pour mission permanente, la sauvegarde de l'indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale. Elle est chargée d'assurer la défense de l'unité et de l'intégrité territoriale du pays, ainsi que la protection de son espace terrestre, de son espace aérien et des différentes zones de son domaine maritime». (Article 25 de la Constitution algérienne). Depuis cette attaque terroriste, l'Algérie a déployé une véritable task-force pour sécuriser ses frontières. Un effort de guerre déployé en permanence pour faire face à l'instabilité chronique de l'autre côté des frontières et dont les événements récents confirment la continuelle aggravation. Selon des informations données par la presse algérienne «El Watan», pas moins de 20 000 militaires algériens sont actuellement déployés le long des frontières est et sud-est, et effectuent régulièrement, jour et nuit, des opérations de ratissage avec une couverture aérienne qu'assurent des pilotes de la gendarmerie et de l'ANP, et ce, dans le cadre d'une coopération étroite avec l'Europe dont la France et les Etats-Unis d'Amérique car la menace terroriste est planétaire. Pour le directeur du FBI, James Comey qui a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès qu'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l'Afrique du Nord et du Sahel. Il a cité l'opération terroriste perpétrée contre l'installation pétrolière de Tiguentourine en Algérie (Illizi) ainsi que celles commises contre le consulat américain à Benghazi et la mine d'uranium exploitée par une société français à Arlit (Niger). Pour le directeur du Centre américain du contre-terrorisme, Matthew Olsen, dont les services dépendent du Directeur du renseignement national des Etats-Unis (DNI), devant la commission sénatoriale, si l'intervention militaire conduite par la France au Mali a permis de chasser Aqmi et ses alliés des villes qu'ils contrôlaient auparavant, ces groupes arrivent, cependant, à trouver refuge dans les zones les moins peuplées du nord du Mali et continuent à commettre des attaques de représailles. C'est dans cet objectif que se sont établis des dialogues stratégiques notamment entre l'Europe, les Etats-Unis et l'Algérie et les initiatives des 6 et 7 décembre 2013 au niveau des chefs d'Etat en France à l'initiative de l'Elysée. Pour l'Algérie, Mme Amanda Dory, la secrétaire-adjointe chargée des Affaires africaines auprès du département américain de la Défense, intervenant devant la sous-commission des affaires de l'Afrique du nord et Moyen-Orient relevant de la commission des Affaires étrangères du Sénat, a consacré une audition sur la situation politique, économique et sécuritaire en Afrique, je la cite : «De par sa situation géographique stratégique au Maghreb et sa longue histoire de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent sur son territoire, l'Algérie constitue un pilier pour, non seulement, lutter contre l'AQMI et ses groupes affiliés mais aussi pour ramener la stabilité dans la région... L'Algérie est ''un partenaire de sécurité crucial'' pour les Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre les groupes terroristes dans la région». (A suivre)