La chef de service d'ophtalmologie du CHU de Bab El-Oued et présidente de la Société algérienne du glaucome, le Pr Malika Tiar, a déclaré que l'Algérie compte entre 450 000 et 500 000 glaucomateux, soulignant que le glaucome qui est une maladie du nerf optique, caractérisée par la perte progressive des fibres du nerf optique et des altérations du champ visuel, constituait la deuxième cause de cécité. Ajoutant que dans cette pathologie, les zones correspondant aux fibres visuelles altérées vont apparaître comme des zones de plus en plus sombres dans le champ visuel. Ces zones vont s'étendre progressivement, gagnant tout le champ visuel, aboutissant ainsi à la perte totale de la vision. Le Pr Tiar a précisé que «dans une enquête épidémiologique, menée en 2008 par le ministère de la Santé, avec la participation de 210 ophtalmologistes, répartis à travers tout le territoire national, la prévalence de cette affection a été estimée à 4,6% dans la population de plus de 40 ans», tout en soulignant que cette pathologie était un problème majeur de santé publique. «L'augmentation de la pression intraoculaire est un signe important du glaucome et l'incidence du glaucome a tendance à augmenter avec l'âge» a-t-elle dit, ajoutant que 30% des glaucomes ont un caractère familial. Il est à noter que dans le monde, il existe environ 70 millions de glaucomateux, 6,7 millions d'entre eux sont aveugles. Le même professeur a indiqué qu'il arrive que les thérapeutiques soient interrompues par les patients pour des raisons de coût (médicaments onéreux, nombreux déplacements en raison de l'éloignement des structures de santé, coût des explorations fonctionnelles) ou parce qu'ils ne perçoivent pas d'amélioration sous traitement, n'ayant pas compris que ce qui est perdu est irrécupérable. Toutefois, elle insisté qu'afin de faciliter la prise en charge des patients glaucomateux, il serait judicieux de faire inscrire le glaucome sur la liste des maladies chroniques. Par ailleurs, elle a relevé que l'équipe du CHU de Bab El-Oued avait mené en 2006 un dépistage du glaucome à El-Oued, au cours duquel il a été retrouvé 9,6% de glaucomateux dans un échantillon de 938 personnes âgées de plus de 40 ans. Plus de la moitié des cas ont été dépistés à cette occasion et ne savaient pas qu'ils étaient porteurs de cette affection. Dans ce sillage, elle a indiqué qu'il existe plusieurs formes cliniques du glaucome, la plus fréquente est le glaucome chronique à angle ouvert (85 à 90%). Il évolue lentement de manière insidieuse, sans aucun symptôme. Les fibres du nerf optique disparaissent progressivement. Ajoutant que pendant longtemps, les patients ne présentent aucun signe fonctionnel, leurs yeux sont calmes, sans rougeur ni douleur. «L'acuité visuelle reste pendant longtemps normale, alors que la maladie est là bien installée et évolue à bas bruit, de manière sournoise en l'absence de traitement», a-t-elle précisé. Pour elle, seul un examen ophtalmologique avec prise de la pression intraoculaire oculaire, examen du fond d'œil pour voir l'état du nerf optique, et si nécessaire le relevé du champ visuel, permettra de poser le diagnostic. Elle a, dans ce contexte, précisé que l'affection est souvent diagnostiquée lors de l'examen systématique effectué à l'occasion de la première prescription pour presbytie. Après plusieurs années d'évolution peuvent apparaître une gêne fonctionnelle en rapport avec les scotomes (taches noires dans le champ visuel) et parfois un brouillard visuel, a dit le Pr Tiar, indiquant que le traitement doit être institué dès le dépistage. Il vise à diminuer la pression intraoculaire (PIO), ce qui permet de freiner l'évolution vers la cécité, voire de l'arrêter dans les cas les plus favorables. Les lésions installées sont irréversibles, d'où l'intérêt d'un diagnostic précoce, a relevé le Pr Tiar, ajoutant que ce traitement doit être prescrit à vie et doit faire l'objet d'une surveillance régulière par l'ophtalmologiste. Ce traitement est avant tout médical et il repose sur la prescription d'un collyre hypotonisant. Parfois, il est nécessaire de recourir à une bithérapie (2 collyres), facilitée par l'apparition sur le marché d'associations médicamenteuses permettant de diminuer la posologie. Dans les cas rebelles au traitement médical, on peut avoir recours au laser ou au traitement chirurgical, a-t-elle préconisé. Pour le Pr Tiar ainsi, le glaucome chronique est une affection grave, d'autant plus que les déficits initiaux ne sont pas perçus par le patient. «On ne saurait trop insister sur la nécessité du dépistage systématique après 40 ans : par mesure de la PIO, par l'examen du fond d'œil, et au moindre doute par un relevé du champ visuel. Sans traitement, l'évolution se fera inexorablement vers la cécité.»