Les policiers, des fonctionnaires comme les autres ? Des policiers ont fait irruption, depuis lundi, en plein mois d'octobre, dans l'actualité nationale sans adresser aucun préavis à leur hiérarchie et encore moins vers l'opinion publique. Ils ont sauté subitement la barrière symbolique qui les sépare des «civils» pour passer de l'autre côté et faire comme tout le monde, c'est-à-dire manifester dans la rue en criant des slogans et en hissant des pancartes qui portent leurs revendications pratiquement identiques à celles des Algériens - salaires, primes, logement, départ du DG... - qu'ils ont l'habitude de réprimer : enseignants, hospitaliers, citoyens mal logés... D'ailleurs, une fois la surprise passée, il semble que les gens se sont accommodés de ce phénomène, leur seule crainte étant qu'une grève de la police serait très fâcheuse pour la sécurité des personnes, sachant que même la présence des policiers ne réussit pas toujours, malheureusement, à empêcher les délinquants de commettre leurs agressions. Le statut des policiers, depuis qu'ils font un travail de proximité, a visiblement changé aux yeux de la population. Sur beaucoup d'aspects, ils se comportent, évidemment quand ils sont en tenue, comme les civils; ils discutent librement avec les riverains des lieux où ils sont en poste et vont jusqu'à faire une sorte de travail de relations publiques et de communication qui porte ses fruits à travers le rétablissement de la confiance entre eux et les autres citoyens. Les versions officielles des faits tendent à banaliser l'événement tout en le minimisant : l'APS a parlé de «centaines de policiers d'intervention rassemblés mardi après-midi devant le Palais du gouvernement à Alger, à l'issue d'une marche pacifique et silencieuse qui s'est ébranlée de l'avenue de l'ALN», et a rapporté la déclaration du commissaire divisionnaire Djilali Boudalia, directeur de la communication à la DGSN, selon lequel les policiers ayant organisé la marche d'Alger relèvent de deux unités d'intervention programmées pour se déployer dans la wilaya de Ghardaïa en remplacement des unités affectées actuellement sur place. Par cette marche, les policiers, a-t-il précisé, «entendent apporter leur solidarité et leur soutien à leurs collègues de Ghardaïa, afin que cessent les agressions contre les forces de l'ordre dans cette wilaya qui connaît des émeutes récurrentes». Mardi, au journal télévisé de 20h, le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivité locales, Tayeb Belaïz, qui a tenu une rencontre à huis clos en présence d'un grand nombre de policiers protestataires au siège de la wilaya de Ghardaïa, a assuré que les revendications de cette catégorie de fonctionnaires seront prises en charge par les pouvoirs publics graduellement mais immédiatement. Selon le ministre, les protestataires se sont engagés à mettre fin à leur mouvement de protestation et de rejoindre leur poste de travail. Pour le ministre de l'Intérieur et des Collectivité locales, les revendications exposées par les agents sont légitimes, ajoutant que par le biais d'un dialogue civilisé et respectueux on arrive à résoudre l'ensemble des problèmes existants. On sait que les policiers frondeurs ont refusé de discuter avec le wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, en lui tournant le dos, dans un geste sans précédent à l'égard d'une autorité de ce niveau et qui a tout de l'humiliation. Il faut croire que les assurances données à la fois par le ministre de l'Intérieur et par le directeur général de la Sûreté nationale, le général-major Abdelghani Hamel, qui s'était rendu, lui aussi, lundi après-midi, à Ghardaïa, quant à la prise en charge de toutes les préoccupations des policiers frondeurs, n'ont pas suffi. Les protestataires d'Alger n'ont pas arrêté leur mouvement et ont organisé, mardi, tard dans la nuit, un sit-in près du Palais du gouvernement, à Alger-Centre, avant de se rendre, sur les hauteurs, à El-Mouradia où se trouve le siège de la présidence de la République, pour poursuivre leur sit in. Par contre, ceux de Ghardaïa ont repris leur travail et ont même adressé par le canal d'une chaîne algérienne de télévision privée un appel à leurs collègues d'Alger pour les informer que les revendications ont été prises en compte et qu'il n'y avait plus lieu de continuer la fronde, insistant en même temps sur le caractère apolitique du mouvement. Il y a eu les manifestations des gardes communaux, des rappelés de l'armée et des anciens militaires qui étaient sur le front, en octobre 1973, lors de la guerre égypto-israélienne. Et finalement, pourquoi pas les policiers qui viennent de prouver, par leurs manifestations de rues, qu'ils sont des fonctionnaires « comme les autres », à qui il manque juste un syndicat. Avec cette différence de taille : c'est avec Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, que leurs représentants discutent.