Le film documentaire «Les balles du 14 juillet 1953» du réalisateur français Daniel Kupferstein, sur la répression policière occultée d'une manifestation populaire à Paris en 1953, a été présenté jeudi à la filmathèque Mohamed-Zinet à Alger. D'une durée de 85 min, ce documentaire reconstitue par les témoignages d'historiens et de participants à cette manifestation, qui s'est déroulée au cœur de Paris, à laquelle avaient pris part des militants algériens du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). La manifestation qui avait été durement réprimée par la police parisienne avait fait sept morts, six Algériens, un syndicaliste français et une quarantaine de blessés. Présenté sous forme d'enquête, ce film qu, exhumant une histoire vieille de plus de 60 ans et occultée à ce jour par les autorités françaises, confronte les mémoires de syndicalistes français, de militants algériens du MTLD et celle de deux policiers qui ont, parmi d'autres, ouvert le feu sur les manifestants. Prenant part à cette manifestation pour la paix au côté de syndicalistes de la Confédération général du travail (CGT), de militants du Parti communiste français (PCF). Djanina Messali-Benkelfat témoigne du pacifisme et de l'organisation exemplaire des militants arborant un grand portrait de son père Messali El-Hadj alors assigné à résidence et l'emblème national algérien. Le témoignage de militants du MTLD à l'exemple de Abdelhamid Mokrani, Mohamed Toumouh et Mohand Khettar atteste que des policiers voulaient leur «arracher le drapeau algérien» avant d'ouvrir le feu sur les manifestants «tuant ainsi 7 personnes et blessant une quarantaine dont plusieurs Français». Cette version des faits a été confirmée par le photographe correspondant du journal français l'«Humanité» Joseph Zlotnik et le militant Charles Palant, tout deux blessés par balles. Dans son enquête, le réalisateur a également retrouvé deux agents de la police parisienne de l'époque, qui ont également avoué avoir ouvert le feu de façon «anarchique sans en connaître la raison, suivant leurs collègues». Comme par devoir de mémoire, l'équipe du film, avec le concours du militant du Parti communiste algérien (PCA) Sadek Hadjeres, qui a accueilli les dépouilles au port d'Alger, est allée à la recherche des tombes et à la rencontre des familles des six victimes algériennes. Les proches de Abdellah Bacha, Tahar Madjene, Mouhoub Illoul, Amar Tabdjadit, Abdelkader Draris et Laarbi Daoui ont évoqué à l'écran leurs souvenirs des funérailles des victimes, encadrées par les autorités coloniales qui ont tout fait pour garder secrète la cause de leur mort. La famille du syndicaliste Maurice Lurot raconte, elle aussi, la même volonté d'occultation de ces événements et des plaintes déposées par la famille contre la police parisienne. Par la suite l'historien Emmanuel Blanchard, qui a beaucoup apporté à l'enquête, livre les conséquences de ce drame qui a conduit en premier lieu à la création de brigades spéciales de répression au sein de la police parisienne qui s'illustreront par la suite lors des manifestations du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962. Autre conséquence de ce 14 juillet 1953, les autorités françaises avaient pris la décision d'interdire «les cortèges populaires du 14 juillet (fête nationale en France) et du 1er mai (Journée mondiale du travail)» jusqu'en 1968, tout en «trafiquant» les rapports de police et ceux de la justice sur ce drame. Projeté en juillet dernier en France, ce documentaire ravive la mémoire sur un événement historique occulté par les autorités et oublié par l'opinion publique, tout comme l'avait déjà fait le réalisateur avec «Mourir à Charonne, pourquoi?» (2011) et «17 Octobre 1961 dissimulation d'une massacre» (2001).