La nouvelle usine Renault Algérie sous le nom «Renault Symbol», des véhicules destinés au marché intérieur algérien, le deuxième plus grand d'Afrique avec plus de 400 000 véhicules importés chaque année détenue à 51% par l'Etat algérien et 49% par le constructeur français, sera inaugurée le 10 novembre en présence du Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal, des ministres des Affaires étrangères Laurent Fabius, de l'Economie Emmanuel Macron et du PDG Carlos Ghosn. Cela fait suite à l'accord signé lors d'une visite à Alger du président François Hollande en décembre 2012 et qui aura dans un premier temps une capacité de production de 25 000 véhicules par an, 350 emplois directs à la clé, pour arriver dans une seconde phase à 75 000 unités/an. A titre de comparaison, selon Usine Nouvelle, le directeur général de Renault Maroc, Jacques Prost, a annoncé que la production 2014 à Tanger (es Dacia Lodgy, Dokker et Sandero) s'établirait à plus de 180 000 véhicules, en deçà de l'objectif de 340 000 unités par an évoqué lors du lancement de la deuxième phase de l'usine en octobre 2013 du fait que «l'usine souffre de la faible croissance du marché européen, son principal débouché.» Pour le cas Algérie, ce sera dans une première phase une unité de montage et ne devant jamais oublier pour l'avenir que les contraintes internationales sont là. Face aux mutations mondiales, la filière automobile connaît des restructurations, des fusions et des délocalisations des grands groupes, avec des capacités de production élevées. Tour en évitant toute vision négative devant aller vers un véritable co-partenariat (gagnant-gagnant), il s'agira impérativement d'assurer pour la fiabilité de ce projet sa rentabilité face aux nouvelles mutations de cette filière. Le marché mondial de voitures oligopolistique en pleine restructuration Le constat est que le marché de voitures est un marché oligopolistique, (nombre limité de producteurs face à une multitude d'acheteurs) et son expansion est fonction du pouvoir d'achat, des infrastructures et de la possibilité de substitution d'autres modes de transport, notamment le collectif, spécifique à chaque pays selon sa politique de transport. Il a connu, depuis la crise d'octobre 2008, d'importants bouleversements. Les fusions se succèdent avec des prises de participation croisées diverses. Selon Ward's Auto, en 2010, 1 015 millions de voitures ont été recensées aux quatre coins du monde, contre 980 millions en 2009, dépassant, en 2014, 1,1 milliard. Or, seul un Chinois sur 17 possède actuellement une voiture, soit à peine la moitié de la moyenne mondiale, alors qu'aux Etats-Unis, ce ratio culmine à un véhicule pour 1,3 Américain. Si la Chine se rapprochait de ce taux, il faudrait compter un milliard de voitures supplémentaires avec une quantité astronomique d'émissions de gaz à effet de serre en perspective. Les experts du Fonds monétaire international (FMI) prévoient un parc mondial de 2,9 milliards de voitures particulières à l'horizon 2050. Cette prospective part de l'hypothèse d'une élévation du revenu des ménages, surtout des pays émergents comme la Russie, l'Inde ou la Chine représentant des marchés à fort potentiel pour l'industrie automobile. Les sept premiers constructeurs mondiaux, qui ont une capacité de production supérieure à quatre millions de véhicules, représentent 61% du marché mondial de l'automobile, suivi des sociétés sud-coréennes Hyundai, Daewoo, Kia, Ssang Young et Samsung qui ont rejoint les rangs des constructeurs indépendants, capables de financer, de concevoir et de produire leurs propres véhicules. Les sociétés européennes multinationales sont les plus importants fabricants de pièces détachées et les plus grands constructeurs de camions, parmi lesquels Mercedes-Benz et Volvo. Dans des pays comme la Malaisie, la Chine et l'Inde, les productions sont gérées par des sociétés locales, mais avec l'appui de grands groupes étrangers. De toute évidence, les usines qui se maintiendront sur chaque pays seront les plus compétitives, les priorités des dirigeants des constructeurs automobiles étant technologie et innovation (robotisation). Nous assisterons entre 2015 et 2020 à des perspectives technologiques futures, tenant compte du nouveau défi écologique (voitures hybrides, électriques) et du nouveau modèle de consommation énergétique qui se met lentement en place, la crise d'octobre 2008 préfigurant d'importants bouleversements géostratégiques et économiques, la Chine étant en passe de devenir le leader mondial des voitures propres, toutes catégories, profitant ainsi au premier chef des plans de relance «verts» des Etats-Unis, de l'Europe et du Japon. Les experts avancent trois scénarios : le premier est l'optimalisation du fonctionnement des moteurs à essence et diesel, avec une réduction de la consommation de 20 à 30% à l'horizon 2015 ; le second scénario, qu'a choisi Renault, est la généralisation, horizon 2020, de la voiture électrique ; le troisième scénario, à moyen et long terme, se fonde sur les nanotechnologies (la recherche dans l'infiniment petit) pouvant révolutionner le stockage de l'énergie, l'avenir appartenant au moteur alimenté par de l'hydrogène gazeux combiné au solaire. Renault Algérie et le pouvoir d'achat des Algériens L'année 2012 a été exceptionnelle avec un volume de 568 610 véhicules importés pour une valeur de 514,43 mds de DA (6 milliards de dollars environ ) contre 390 140 véhicules en 2011 (354,16 mds de DA) la raison essentielle ayant été la forte augmentation des salaires. Selon le Centre national de l'informatique et des statistiques (Cnis) des Douanes, elle a connu une décroissance en 2013 n'ayant pas dépassé 400 000 et entre le premier semestre 2013 et le premier semestre 2014, le nombre de voitures importées est passé de 322 058 à 240 931 unités, soit une baisse de 25%. Pourtant les achats restent importants, et en valeur, les importations sont passées de 3,21 mds milliards de dollars contre 3,97 mds de dollars à la même période en 2013. Cependant ce pouvoir d'achat artificiel des Algériens doit tenir compte du fait que la majorité de la société algérienne est irriguée par la rente des hydrocarbures, dont l'évolution des cours détermine fondamentalement le pouvoir d'achat des Algériens. Plus de 70% de la population active algérienne touche un revenu moyen inférieur à 30 000 DA. Dans ce cas, par rapport au pouvoir d'achat réel en baisse, que reste-t-il pour, en termes de pouvoir d'achat réel, acheter une voiture ? Le rétablissement du crédit à la consommation prévu pour 2015 permettra-t-il de dynamiser les achats ? Le deuxième constat est que, faute d'unités industrielles spécialisées, la plus grande part des pièces de rechange est importée. Aussi, toute étude de marché sérieuse suppose que l'on réponde au moins à des questions stratégiques : construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l'objectif du management stratégique de toute entreprise n'est-il pas régional, voire mondial, afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale, et cette filière n'est-elle pas internationalisée des sous-segments s'imbriquant au niveau mondial ? La comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables. A quels coûts hors taxes, l'Algérie produira-t-elle cette voiture et en tendance avec un dégrèvement tarifaire allant vers zéro. Les accords qui la lient à l'Union européenne seront-ils appliqués ? Dans ce cas, quelle est la valeur ajoutée interne créée par rapport au vecteur prix international (balance devises tenant compte des inputs importés et de l'amortissement tous deux en devises) ? La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total, c'est comme un ordinateur, le coût ce n'est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%, et ne pouvant interdire l'importation, la production locale sera-t-elle concurrentielle en termes du couple coût/qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales ? C'est comme un parfum ou un habit griffé, le consommateur achète également la marque : comment s'appellera la voiture algérienne ? Et cette industrie, étant devenue capitalistique, quel est le nombre d'emplois directs et indirects créés, puisqu'un certain nombre d'emplois indirects restent les mêmes (garages, magasins), et avons-nous la qualification nécessaire tenant compte des nouvelles technologies appliquées à l'automobile ? (A suivre)