Si nous voulions faire preuve d'un soupçon d'érudition à propos du blanc, nous dirions avec A.G. Leduc (Les mots de la peinture) que «c'est ce qui est lumineux et ne présente pas de couleur apparente». Nous évoquerions avec lui tout un nuancier de blanc dont «le blanc cassé, permanent ou azuré, d'albâtre, de craie, d'œuf, de baryte, d'Espagne ou de Meudon, de zinc, de titane, de céruse», sans oublier le blanc des yeux. Nous rappellerions les travaux de certaines célébrités artistiques qui ont tâté du blanc, en faisant le sujet principal de leur discours esthétique. Il nous viendrait à l'esprit de citer la fameuse œuvre de Jean-Baptiste Oudry «Le canard blanc», ou l'emblématique « Carré blanc sur fond blanc» du Russe Casimir Malévitch, sans oublier de rappeler les caractéristiques du langage de certains artistes de notoriété plus récente comme les Américains Kennet Noland, Robert Ryman et George Segal, ainsi que le Français Roman Opalka qui avoue : «Le blanc est mon sujet. Le blanc mental créé par la volonté». Le blanc ciblant Et puis, il y a, sur un autre registre, le blanc d'Alger (la Blanche), celui emblématique de la Casbah et de nos traditions vestimentaires dont l'incontournable haïk, sujet qu'empoigne valentina Ghanem Pavloskaya pour nous concocter une trentaine de toiles de format moyen (90x70) qu'elle accroche joyeusement aux juvéniles cimaises d'une galerie qui vient d'être ouverte et à l'inauguration de laquelle elle a réservé la monstration de sa dernière cuvée. Cette galerie, d'une précieuse coquetterie, a pris son envol le 21 novembre 2014, elle a été baptisée du nom galactique de «Sirius» (l'étoile la plus brillante du cosmos). Ce nouveau jalon dans le cadastre artistique assez clairsemé d'Alger est à saluer et à encourager. Puisse-t-il éclairer durablement le ciel culturel d'Alger. Cette exposition intitulée «Reflets d'Alger» nous a surpris par le caractère impactant d'un ensemble de tableaux pétillants de blancheur et de luminosité. Une blancheur exaltée à travers l'intensité et la vigeur d'une facture expressionnisante de bon aloi. Du blanc partout, dans toutes ses nuances, un blanc si blanc et ciblant.Un blanc partout et pour tout, celui des tableaux, celui des plafonds, celui des murs agréablement adultérés par le noir d'une poutre métallique soulignant la volumétrie d'une merveilleuse mezzanine judicieusement appariée avec un accueillant rez-de-chaussée. Mais encore et surtout celui des œuvres dont il devient un sujet prépondérant, envahissant, voire quasi exclusif pour ne pas dire explosif. Mais pas un blanc objet. Une iconographie «enhaïkée» Un blanc, instrument de mise en valeur des sujets sous-jacents qu'il s'efforce d'estomper mais qui opposent une vaillante résistance en resurgissant partiellement de ci, de là, au gré des transparences concédées par endroits, sous forme de bribes de paysages patrimoniaux de la Casbah ou de lambeaux iconiques. Une manière subtile s'illustrer — peut-être de façon prémonitoire — la résurgence héroïque de quelques restes identitaires de notre culture «kasbadjia» sous l'œil vigilant de figures malicieusement «enhaïkées». Un blanc décliné opportunément à travers les traces judicieusement maîtrisées d'un couteau imprimant avec bonheur la juxtaposition des angles d'application en vue de catalyser la réflexion de la couleur. Blanche, bien sûr. Une couleur devenue objet d'une manipulation bien orchestrée. Avec cette déclinaison originale et pertinente du blanc, Valentina Ghanem Pavlovskaya nous délivre un échantillon ô combien éloquent de la grande richesse de son nuancier. Un nuancier entièrement et fidèlement dédié à la recherche des «Reflets d'Alger» et des chatoiements immaculés du haïk. Le haïk d'où surgit le limpide youyou qu'une femme d'Alger nous adresse d'un des tableaux de cette merveilleuse exposition. Le mythique Femme d'Alger qui a si bien su subjuguer tant d'artistes des deux siècles derniers. Ça se passe à la galerie «Sirius», sise au n°139, boulevard Krim-Belkacem, Telemly, Alger-Centre jusqu'au 30 décembre 2014. Une galerie où l'on est toujours chaleureusement accueilli par Valentina et le jeune et frigant directeur Samir Ghanem qui n'est autre que son fils.