Parler fait partie des besoins biologiques que l'homme doit satisfaire sous peine de se retrouver comme un diminué mental, un ermite malgré lui, sinon un frustré maladif. Depuis les origines, les sociétés à longues traditions culturelles se sont organisées de manière que personne ne souffre de l'isolement dont les dommages sont considérables s'il est prolongé. C'est pourquoi chacun considère l'acte de parler comme une thérapie. Toute personne qui ne communique pas, ou qui parle seule, est considérée comme insolite, et les traditions populaires avaient coutume de ranger dans la catégorie des fous tous ceux dont le soliloque est du à un problème pathologique, sinon à l'absence de partenaire. Aussi, chacun faisait l'effort d'être normal par peur du qu'en dira-t-on. Individus de genre insolite Il s'agit de ceux qui pour une raison ou une autre parlent seuls et de tout, au point de faire croire qu'il y a face à eux des interlocuteurs fictifs tant la discussion, faisant parfois le bavardage, est menée tambour battant. Mais la société est faite de toutes sortes d'individus. Il y a des marginaux constitués de tous ceux qui se singularisent, comme ceux qui parlent seuls ou qui transgressent les convenances sociales, parce qu'ils n'ont pas reçu une éducation qui leur permette d'avoir le sens du respect d'autrui. A côté, il existe une catégorie de gens parfois majoritaires qui font l'effort d'apparaître comme normaux vis-à-vis du public en adoptant un comportement humain. Ceux là sont bons, polis, généreux, serviables, altruistes, compatissants, complaisants. Ils soignent leur image pour être parmi les meilleurs dans la société, uniquement par leurs qualités morales. Ils respectent les normes sociales qui règlent la vie et les principes qui guident chacun dans ses relations professionnelles ou de bon voisinage. Mais même dans ces pays où les traditions fondées sur de nombreux interdits, sont fortement implantées on n'influe pas beaucoup sur les transgresseurs. Ces derniers n'en ont cure. Tel est le cas d'un vieil homme bien portant père et grand-père d'une famille d'une cinquantaine de personnes. Il mérite une longue biographie tant sa vie a été longue et marquée de faits et évènements. Connu pour sa capacité à parler, longuement et à haute voix, il lui est arrivé de monologuer pendant des heures avec l'illusion d'avoir autour de lui beaucoup de contradicteurs. Une fois, il revenait du marché, monté sur son âne qui portait aussi son double couffin chargé de denrées de toutes sortes, dont de la viande. Dans l'ancien temps, quiconque allait au marché devait avoir de quoi acheter ne serait ce que les abats d'une bête pour faire plaisir à tout le monde, surtout aux enfants. Le vieil homme parlait en marchant sur toute la distance de 8 km qu'il avait à effectuer pour entrer à la maison. Les gens qui l'avaient suivi discrètement pour se défouler, affirment qu'il avait changé de sujet plusieurs fois. Cela veut dire que dans son esprit, il avait fait face à plusieurs interlocuteurs à haute voix, en changeant de ton comme dans la réalité. Et comme la vie est faite de différences, chaque individu qu'on a montré du doigt parce qu'il a coutume de parler seul est un cas particulier et un personnage insolite. Un propriétaire terrien souvent en visite dans ses champs a eu une fois l'attention attirée par une voix d'homme semblant sermonner quelqu'un . il avait fini par le découvrir et il s'agissait d'un berger qui faisait des reproches à sa vache. Aujourd'hui, parler seul est redevenu normal Il s'agit de ces milliers de jeunes, vieux, vielles femmes croulantes, hommes bien habillés ou en tenue de pauvre, qui déambulent chaque jour partout avec le portable collé à l'oreille. On se demande pourquoi et à qui ils parlent, le jour ou la nuit. Les appareils sont de différentes couleurs, dimensions et formes. Ils appellent ou ils répondent quand ça sonne dans leur poche de gandoura ou de chemisette. A chaque moment que l'on se trouve dans le lieux publics, les transports en commun, on assiste médusés à d'interminables appels, comme des séquences théâtrales. C'est devenu une activité principale, une obsession et on n'arrive pas à s'en passer. Cela rappelle l'internet qui, normalement est créé pour donner des ouvertures sur le monde, les différents domaines de la science et de la connaissance dans tous les domaines. A notre grande surprise, l'internet à l'origine, source d'apprentissage et de développement culturel est devenu une source de perversion. La plupart se connectent vers des individus peu recommandables, des voyous qui entrainent à la débauche, c'est une véritable drogue. Revenons au portable devenu lui aussi une drogue qui sert non pas pour des appels utiles, mais pour dire des banalités, se disputer, s'insulter. Point de discussion enrichissantes qui dénotent un niveau de culture profitable pour tous !