«Tout le monde dégage, tout le monde dégage, c'est votre vie», hurle un policier à des passants, près de l'épicerie casher où au moins deux personnes ont été tuées lors d'une prise d'otages dans l'est de Paris, cour de Vincennes. «S'il arrive jusqu'ici, c'est un carnage», soupire un policier en gilet pare-balle et casque, chargé de faire reculer les curieux. Une file d'hommes lourdement armés, en tenue d'intervention, progresse en file indienne derrière un bouclier pare-balles, en direction de l'épicerie où au moins cinq personnes avaient été prises en otages. Les rues du quartier sont totalement désertes, certains habitants ont fermé leurs volets. Les accès sont bouclés par les forces de sécurité, sur les dents, qui ne laissent passer que des dizaines de véhicules de police et des camions de pompiers. Dans une rue adjacente, plusieurs personnes, dont un homme portant une kippa, attendent, inquiets. «Y a des gens qu'on connait» dans l'épicerie, lance l'un d'eux, très nerveux. L'auteur présumé de l'attaque, Amédy Coulibaly, un délinquant multirécidiviste de 32 ans, serait également celui d'une autre fusillade mortelle la veille, à Montrouge, dans laquelle une jeune policière municipale a été tuée. Amédy Coulibaly serait lié aux frères Chérif et Saïd Kouachi, auteurs présumés de l'attaque contre Charlie Hebdo qui a fait douze morts mercredi, qui sont eux retranchés avec un otage dans les locaux d'une petite imprimerie d'une zone industrielle de Dammartin-en-Goële à une quarantaine de km au nord-est de Paris. Elèves confinés, parents affolés «C'est un drame. Ca veut dire quoi, nous les juifs de France, on doit partir en Israël ?» Ilan, 20 ans, kippa sur la tête, observe avec deux copains le déploiement des policiers. Il habite juste à côté de l'épicerie. «Mon père y était encore ce midi, il m'a dit : Ilan, tu veux un poulet pour shabbat ?» «On fait tous nos courses là-bas, c'est notre supermarché», confirme un de ses amis. Derrière eux, des hommes et des femmes en état de choc sont exfiltrés par des policiers, alors qu'un hélicoptère se maintient en vol stationnaire au-dessus du secteur. Dans les établissements scolaires du quartier, les élèves sont confinés. Au lycée Maurice Ravel, des adolescents pleurent. A quelques centaines de mètres de là, les surveillants ont fait rentrer au pas de course les lycéens d'Hélène-Boucher : «On ferme les portes», crie une pionne. Tenus à distance par un barrage de policiers, des parents demandent désespérément, mais en vain, à récupérer leurs enfants. Le périmètre de sécurité est régulièrement agrandi. Le périphérique parisien a été coupé dans les deux sens à proximité de la prise d'otages. Trois jeunes, qui se présentent comme musulmans, ne comprennent pas ce qu'il se passe. «Ici, on vit avec les feujs (juifs en verlan, ndlr) depuis toujours, on était à l'école ensemble, on joue au foot avec eux. Y a des tensions parfois, mais on joue dans les même équipes», assure Karim, la vingtaine, blouson et survêtement noirs. «Les juifs portent la kippa sans probème ici», poursuit-il, à deux pas d'une synagogue. Au huitième étage d'un immeuble, une famille d'origine africaine regarde la télévision. De leur balcon, on voit un bout de l'épicerie, mais ils ont trop peur d'y aller. «On est plus en sécurité en France», dit le fils...