On finira bien un jour par qualifier cette CAN-2015 «de CAN de faits divers.» Elle le mériterait bien. Depuis le refus du royaume marocain d'abriter cette manifestation, c'est toute la crédibilité de la CAF qui est mise à rude épreuve. Il aurait d'abord fallu que la Tunisie soit dans le collimateur de la commission de discipline pour que le dossier du Maroc soit examiné le même jour. Cette décision tant attendue par le monde sportif africain, a fini par tomber. Pour rappel, la Confédération africaine a déjà suspendu l'équipe nationale marocaine pour la phase finale de la CAN-2015, qu'elle devait accueillir. Le Maroc «avait exprimé, à maintes reprises, qu'il ne refusait pas d'abriter cette compétition, mais demandait seulement son report à une date ultérieure», expliquait le communiqué de la FRMF. Il ajoute : «Priver sa sélection nationale de participer à cette édition est une sanction pour une large frange de joueurs et de supporters, qui aspiraient à suivre ce championnat (sic) sur le sol marocain.» La CAF décide alors de le dessaisir de l'organisation du tournoi le 8 novembre dernier, suite à ses deux demandes de report formulées par peur du virus Ebola, qui sévit en Afrique de l'Ouest. Aujourd'hui, les choses sont claires. La CAF décide de sanctionner le Maroc, il ne pourra participer à aucune des deux prochaines éditions de la CAN, 2017 et 2019 avec en prime, une amende d'un million de dollars (882 000 euros). La Confédération africaine de football justifie la sanction, et ce, dans le souci de préserver ses relations avec le royaume «contrairement à ce que soutient la Fédération royale marocaine de football, la force majeure ne saurait être retenue au bénéfice de cette fédération. On a jamais eu d'hésitation.On a pris tout le temps nécessaire», explique Constant Omari, membre du comité exécutif de la CAF. Le Congolais ajoute : «Il fallait dissuader, pour éviter de connaître à nouveau ce genre de désagrément à l'avenir. Une situation qui nous aurait menés tout droit à la mort de la Confédération». Le président de la Fédération congolaise conclut : «En trouvant un pays organisateur pour cette CAN, nous avons revu un peu à la baisse nos prétentions en matière de sanctions. La Fédération marocaine peut s'estimer un petit peu heureuse, parce qu'on n'est pas allé jusqu'à la suspendre. On a juste parlé de la suspension de l'équipe nationale pour les deux prochaines CAN. C'était la sanction minimale à prendre.» Voilà des justificatifs qui laissent à tout chacun d'apprécier toute la diplomatie de cette instance africaine de football. Pour le cas de la Tunisie, la CAF persiste et signe. La FTF doit présenter ses excuses avant le 5 février pour accorder ensuite un autre délai celui du 31 mars – la Tunisie dit non, pas question. Le retour d'ascenseur est cruel pour cette fédération qui accuse le mauvais coup de la CAN. La CAF suspend son président qui avait démissionné de la commission d'organisation de la CAN au lendemain de l'élimination de son équipe. Le communiqué est clair. «La commission d'organisation de la CAN a décidé de suspendre avec effet immédiat, le président de la Fédération tunisienne de football, M. Wadie Jary, de toutes activités liées à la CAF, et ce, jusqu'à ce qu'une lettre d'excuses soit présentée ou que des preuves irréfutables et tangibles soient présentées afin d'étayer les propos faisant état de partialité de la CAF, et de la volonté de nuire à la sélection tunisienne», et ne manque pas de souligner le risque de priver la Tunisie de la prochaine édition 2017, si elle persiste dans son refus de s'excuser le 31 mars au plus tard. Décidément, la Tunisie qui avait affronté les équipes des pays organisateurs soit au total neuf, n'a jamais eu cette chance de remporter un seul match. Mais celle qui l'avait opposée à la Guinée équatorale est exceptionnelle. Elle laissera pour longtemps une emprunte indélébile. A commencer par cet acteur et réalisateur à la fois du scandale. L'arbitre mauricien Rajindraparsad Seechurn, c'est lui qui a sifflé un penalty très litigieux en faveur de la Guinée équatoriale dans les arrêts de jeu du temps réglementaire que Balboa transforma (90e+3). Depuis, les choses ont pris une autre tournure. Ainsi Bilel Mohsni, un remplaçant, dira : «Dès le début de cette CAN, on étaient obligés de supporter des conditions de vie difficiles à Ebebeyin. Il y a des moments où on n'avait pas d'électricité ou d'eau, et même pas de télévision. On nous a transportés dans des bus sans climatisation pendant des heures et on n'a rien dit. On est arrivés ici pour jouer contre le pays organisateur, et on s'est dit que c'était bien d'évoluer dans un grand stade avec du public». Le joueur des Glasgow Rangers est remonté comme une horloge. «Et voilà, ce soir, on tombe sur un arbitre qui était avec eux, et la fête est gâchée.» «On s'est fait escroqués... On s'est fait avoir par l'arbitre et par la Confédération africaine de football. C'est honteux !» Pour Ahmed Akaichi : «Ce n'est pas normal. Je crois qu'Issa Ayatou ne peut plus rien pour le football africain. Il faut qu'il s'en aille. C'est un foot misérable», répète le joueur. «Le résultat est forcé», explique Georges Leekens, le sélectionneur tunisien. «Ils sont à domicile. C'est dommage. Nous sommes très malheureux, la Tunisie ne mérite pas ça. C'est une injustice. Vivement la fin de cette CAN.»