Le patrimoine foncier de la wilaya de Annaba, du moins ce qu'il en reste, est soumis, ces dernières années, à un dépeçage en règle. Un individu parachuté dans une des chambres parlementaires en est un des rares bénéficiaires. Il est arrivé à ce stade de la représentativité populaire en investissant des millions de dinars pour jouir de passe-droits. Depuis, son «investissement» lui permet d'avoir des entrées dans différents ministères pour décider du sort professionnel d'un responsable local gênant ou décrocher un marché public. Ce qui expliquerait le fait que les décideurs n'aient toujours pas trouver le remplaçant du précédent wali Mohamed Mounib Sandid, décédé après un AVC dont il a été victime en octobre dernier. Pas de wali, mais aussi pas de chef de daïra depuis le départ du précédent voilà deux années. Les quatre fonctionnaires auxquels ce poste a été proposé successivement ont tous décliné l'offre. Il leur serait arrivé à l'oreille que Annaba est le fief de la mafia politico-financière. Que tout commis de l'Etat, quelle que soit sa compétence, doit se soumettre à sa loi sous peine de se voir radié de la Fonction publique sans préjudice des poursuites judiciaires. Celles-ci seront enclenchées sur la base d'une cabale montée de toutes pièces. D'où le virus chronique de «l'intérim» qui caractérise des directions d'institutions de la République. Même les entreprises publiques, les établissements de santé, les organisations civiles et les associations en sont atteints. C'est que la mission de l'intérimaire se limite au traitement des affaires courantes loin des ambitions de développement économique et social affichée par la quatrième ville d'Algérie. Cette situation fait l'affaire de l'élu de la chambre basse du Parlement. Au gré de son humeur, ce dernier ne se prive pas d'imposer son droit de jouissance sur tel ou tel autre terrain. Les résistances sont systématiquement brisées à partir des ministères concernés. Cet énergumène est accueilli à la chefferie du gouvernement par des «chebik-lebik». Compromission et corruption sont les deux mamelles qui lui permettent de consolider son influence. Pour avoir résisté et dit non aux piétinements de leurs prérogatives, des compétences se sont retrouvées clouées au pilori. D'autres ont été marginalisées. Grâce à ces deux mamelles, l'élu a réussi à décrocher des marchés publics, à s'approprier de lots de terrain constructible et à faire de Annaba son royaume. Tout autant que de nombreuses hautes personnalités au pouvoir, il est cité dans différentes affaires de trafic du foncier qui fleurent bon le scandale d'Etat. En toile de fond : la volonté de s'enrichir en s'accaparant des lots de terrain et poches situées en milieu urbain qu'ils transforment en promotion immobilière, centre d'affaires, show-rooms... Tout se fait au détriment des intérêts des populations et de l'Etat. Lors de la dernière session de l'APW Annaba, des élus ont effleuré le jeu d'influence qu'opère ce parachuté «élu du peuple». Bien que très succinctes, leurs affirmations ont fait l'effet d'une bombe. Elles ne font que conforter l'impression générale quant à la mise à sac du patrimoine public par la mafia locale. Ce sont des opérations de bradage de terrains nus constructibles, des occupations et projets d'occupation à caractère spéculatif, des cessions foncières effectuées de manière discrétionnaire et une violation flagrante des règles en matière d'autorisation de construire et de lotir avec une récurrence des procédures d'exception (déclassements, cessions domaniales sans recours à la procédure légale. Même le littoral n'est pas épargné par ce dépeçage du patrimoine foncier de la wilaya. Ce qui implique qu'à Annaba, la gouvernance du foncier est encore entachée par une déficience réglementaire. Ce que ne se sont pas privés de dénoncer les professionnels du secteur de l'urbanisme. Ils ont estimé que l'élu parachuté exploite au profit de ses intérêts le déficit en mécanismes de régulation, l'iniquité foncière, l'incohérence de l'action publique et l'urbanisme dérogatoire. D'autres argumentent l'incapacité de la puissance publique à assainir le domaine de la conservation foncière et à remédier à toutes les lenteurs et les anomalies de gestion de ce secteur. Les économistes, quant à eux, estiment que le non-assainissement du domaine foncier a un impact négatif direct sur les investissements. Même si elle n'a pas été directement soulevée par les élus, la question de la gouvernance foncière a été abordée dans les coulisses de l'instance législative locale. L'unanimité s'est faite autour de la nécessité de son application avec comme fondements le respect des règles de technicité et de droit, la sécurité et la transparence.