Ces temps-ci, on parle beaucoup de terrorisme. Celui-ci s'est plutôt imposé à tous. Il est au-delà de nos frontières et il est également à l'intérieur de nos frontières. En dehors et à l'intérieur. L'armée est en posture d'extrême vigilance sur les frontières. A l'intérieur également. On dit parfois que les populations ont un rôle à jouer. Les populations (une partie) ont joué son rôle quand elles ont été sollicitées. Ou plutôt, elles n'avaient pas attendu qu'elles soient sollicitées pour le faire. Cela avait donné des concepts nouveaux tels que patriotes, GLD, garde communale et en face, il y avait aussi des concepts nouveaux tels que GIA, MIA, AIS, FIDA, GSPC, Aqmi. Les populations sont parfois invitées à observer une vigilance. Il est très facile de soutenir qu'il est impératif pour les populations d'observer en permanence une posture de vigilance contre le terrorisme, mais il est plus difficile d'en déterminer les composantes et de trouver les éléments de mobilisation. C'est quoi la vigilance ? Une définition purement gestuelle comme figurée dans les spots TV à l'époque des slogans maintenant oubliés de «ridjaloun wakifoune» ? En dehors des institutions de sécurité, ce sont les partis au pouvoir, dont le FLN, le RND et le MPA, qui devront se donner la mission de définir les composantes du concept de vigilance, de donner l'exemple de la posture de vigilance, et d'en encadrer les populations. Il appartient également, et surtout, à l'administration locale, en particulier les walis qui président à la commission de sécurité de wilaya et qui sont en charge de missions de souveraineté, pas seulement de développement, de contribuer à créer et réunir les conditions devant favoriser un climat de mobilisation en faveur de cette posture attendue des populations. Les autorités devraient d'abord ne pas se précipiter à tirer publiquement satisfaction du constat d'une accalmie sécuritaire qui peut parfois se révéler être une pause stratégique destinée à briser la posture de vigilance des... pouvoirs publics. Une accalmie peut également être le résultat d'une grande pression sécuritaire qui a momentanément désorganisé les groupes terroristes. Par contre, quand il ne se manifeste pas de façon bruyante, sauf par la continuité de quelques assassinats commis de façon non spectaculaire, le terrorisme, quant à lui, se met en posture de veille. Il ne s'agit pas que la vigilance demeure la seule démarche permanente des institutions de sécurité et que les autres dossiers liés à toutes les thérapies soient mis sous le coude. D'abord, il importe nécessairement que les grandes politiques en matière de traitement du phénomène du terrorisme soient marquées du sceau de la continuité. Il faudrait une fois pour toutes lever certaines ambiguïtés. Dans quelle mesure la démocratie pleine et entière pourrait-elle constituer l'indispensable composante de la lutte globale contre le terrorisme ? Dans quelle mesure la lutte transparente contre la corruption contribuera-t-elle irréversiblement et avec efficacité à placer les populations dans la posture recherchée et à élargir celle-ci à la dénonciation des recrutements et des tentatives de recrutement opérés au niveau des quartiers par les forces de la subversion ? Dans quelle mesure l'absence de tradition de débat parlementaire de façon transparente laissera chacun avec ses propres convictions et continuera à faire de la suspicion à l'égard de l'autre le milieu générateur de sa stratégie et celle-ci, dans ces conditions, ne pourra procéder que d'une vision éradicatrice de l'autre ? Le débat libre et sans contrainte induira-t-il fatalement, même si c'est à terme, des décantations par suite d'auto-interpellation de sa propre conscience et fatalement des remises en cause ?