Une exposition mettant sous les sunlights la jeune scène artistique algérienne se tient du 20 février au 19 mars 2015. C'est ainsi que la Villa Abdellatif accueille une flopée de jeunes enfants terribles qui n'ont pas «leurs pinceaux dans la poche ». Sous le concept «D'Art Abdellatif». Placée sous l'égide du ministère de la Culture, l'Agence algé- rienne pour le rayonnement cul- turel, avec le soutien de l'École supérieure des Beaux-arts d'Alger et avec l'assistance de la plasticienne Myriam Aït-El Hara, comme commissaire d'expo, cet événement, « D'Art Abdellatif » Expo est donc le nouveau projet initié par l'AARC dans l'intérêt de promouvoir les arts visuels notamment les jeunes artistes issus, en majorité, de l'Ecole su- périeure des Beaux-arts d'Alger. Ainsi, Dar Abdellatif offre ses espaces pour exposer les tra- vaux et les créations de la nou- velle et jeune scène artistique al- gérienne. bon point pour cette première édition qui met à l'honneur de nouveaux créateurs dans l'art contemporain qui commencent à faire leur chemin à travers quelques médiums esthétiques bien sentis comme la photogra- phie et la peinture à travers les créations de Yasser Ameur, Souad Douib, Belkis Sara Ser- goua, Karim-Nazim Tidafi, Fa- tima Chafaa, Adlene Samet, Yas- mine Bourouila. Sept jeunes pousses qui vien- nent bousculer le long fleuve tranquille de la normalité en arts plastiques avec quelques idées bien ancrées dans l'originalité de l'expression. L'ouverture de ce bal animé par la couleur com- mence sur des photos de Fa- tima Chafaa, artiste pointilleuse et pointue qui donne à sa « pou- pée » le pouvoir de fétiche esthé- tique qui accompagne ses réali- sations photographiques. Entre arts plastiques et photo pure, Fatima Chafaa nous présente « Il était une fois ma poupée à Bou- jdour » ; nous sommes en face d'une série de clichés réalisés près de Tindouf en 2012 sur une mise en scène d'un objet récur- rent mis en face d'une popula- tion de réfugiés sahraouis vi- vant une situation particulière. L'esthétique est le liant de cette aventure à dimension humaine dont cette artiste manipule à merveille les concepts en ac- compagnant sa démarche par un discours éclairé. Yasser Ameur, lui, est apte à ta- quiner autant la guitare que les concepts dérangeants. Licencié en Design d'environnement, il s'arme d'un cursus en Master actuellement et sied à l'école des Beaux-arts de Mostaganem en tant que professeur. Mais ce plasticien voyageur est aussi sur quelques aventures artis- tiques qui sortent de l'ordinaire, comme le Festival itinérant Ra- conte-Arts dans lequel on re- trouve ses traces peintes, mais aussi dans des expositions in- dividuelles dont la dernière suit son cours au Centre culturel Ab- delouahab Salim du Chenoua. Ce plasticien averti traine der- rière lui ses personnages au ly- risme incertain, comme « L'aliéné », fait de bric et de broc dessinés au fusain à la mauvaise couleur jaune sur des person- nages difformes et diffus empê- trés par leur destinée obscure. Il réussit la question dans le des- sin même, Yasser Ameur a un style, un style efficace, redou- table, farouchement contempo- rain, il est à suivre à tout prix. Le « Sugarman » de Yasmine Bourouila pose une main sur son visage, l'autre disparait dans le doute et le désenchantement, la suite de ses travaux est aussi révélatrice d'un talent immense, le jolie Yasmine, le doute en ban- doulière, laisse sa timidité errer sur les cimaises, non encore as- surée de ses possibilités, et pourtant le trait ne trompe pas, la couleur vaillante, les gra- phismes bien menés sur des supports divers, hétéroclites comme des planches, des cadres de fenêtres ou simple- ment de la toile ou du papier. Yasmine Bourouila possède un regard, elle restitue la sensation dans une sorte de surréalisme encore limité à la perfection de l'exercice. Mais elle succombe - et tant-mieux- à la promesse d'une maîtrise du dessin et de la composition. Ne reste plus que cette transversalité vers la li- berté d'entreprise, pour réussir cette vertigineuse chorégraphie esthétique, celle de se livrer au délicat exercice de liberté. Ce que réussit à faire Souad Douibi, dans des photos composées sur des œuvres peintes sur le thème de la Sardine dans toute la pro- vocation que permet le sujet. Maîtresse de la provoc, de l'agit- prop avec un retour en messe sur le mode du Haïk dont elle a fait le leitmotiv d'un « Gang » fé- minin en soie grège qui arpente dans un « réalist-happenning » les rues de quelques villes pour nous mettre sous le nez, ou sous les yeux une tradition perdue bêtement. Souad Douibi peut se permettre de délirer, elle a le talent pour et cela reste fortement appré- ciable, la maîtrise de la liberté de domestiquer ses éléments fantasmatiques et inconscients avec cette sincérité de les parta- ger sur des supports aussi va- riés que la photo, les arts-plas- tiques ou tout simplement la pa- role. Plasticienne, éthique, que demander de plus à cette jeune artiste à l'éminence certaine. Dans un style plus convention- nel mais aussi puissant dans son expression, Adlène Samet sur- git de son anonymat tout relatif, lié par sa démarche plus ancrée dans l'art brut. Le pinceau fa- cile et la gestuelle libérée de toute contrainte, son « Emigra- tion » qui tranche avec le sempi- ternel concept de « Harraga » laisse place à de sublimes sensa- tions sur ses peintures élabo- rées avec soin dont on se dé- lecte sur les mystères composés de bien belle manière. Adlène Samet se définit comme un instinctif, sa peinture le confirme, avec le savoir-faire qui accompagne ses « scènes » inso- lites, le « voyage » dans son œuvre gagne toujours en subti- lité, à voir donc impérativement. Et alors que dire de cette étrange plasticienne au sourire un peu mystérieux, diaphane Belkis Sara Sergoua, étudiante aux beaux-arts d'Alger en fin de cycle, et déjà habituée des ver- nissages côté cimaises. Du por- trait semi effacé aux architec- tures les plus dérangeantes, la plasticienne se cherche dans la difficulté, ce qui peut sembler rassurant dans ses scènes inso- lites livrées aux regards d'un pu- blic très critique. Cette artiste en devenir nous livre des pein- tures très travaillées sur des compositions audacieuses, trop audacieuses qui doivent se li- bérer des contraintes imposées par le thème, on la connaît bat- tante, elle finira par se définir dans une personnalité propre. Dans un univers enfantin, bourré de lumières ludiques et d'enchevêtrement d'éléments électroniques aux circuits vi- vants, Karim Nazim Tidafi, at- tribue des fonctions et une vie propre à ses créations, dans les- quelles il intègre des person- nages et des objets rappelant l'enfance. Ce qui nous fait abou- tir à une œuvre consciemment élaborée, dans une ironie quasi naïve, transgressive dans son message et régressive par le style qu'il adopte dans des com- positions fulgurantes par leur expression dont l'aspect ludique tranche paradoxalement avec le message voulu. Karim Tidafi réussit l'alchimie notable de nous mener en balade dans son univers et nous nous y perdons avec plaisir. «D'Art Abdellatif » est un bon concept pour la découverte de jeunes talents, cette exposition mérite le détour juste pour le paradoxe de jeunes pousses ex- posées dans un lieu tout sim- plement fait pour ça. Exposition «D'Art Abdellatif», villa Abdellatif, El-Hamma, exposition visible du 19 février au 19 mars 2015, entrée libre Jaoudet Gassouma