Washington accuse l'armée irakienne de ne pas vouloir se battre, pendant que l'Iran reproche aux Etats-Unis leur inefficacité. En Irak comme en Syrie, le bilan de la lutte contre l'Etat islamique (EI) est absolument accablant. La grande ville de Ramadi, capitale de la province d'Al-Anbar et bastion stratégique, est tombée ces derniers jours entre les mains des djihadistes tout comme Palmyre, l'oasis des merveilles antiques. D'où la colère, d'un côté des Etats-Unis qui reprochent à l'armée irakienne de ne pas vouloir se battre, de l'autre de l'Iran, qui accuse Washington d'avoir échoué et se présente désormais comme le seul rempart contre la déferlante des radicaux sunnites. Quant aux monarchies arabes du Golfe persique, elles viennent de reconnaître que les opérations aériennes ne suffisaient pas pour vaincre l'EI mais n'a pas livré pour autant la recette magique. En attendant, le groupe djihadiste a pris dimanche le contrôle total d'un poste frontière entre la Syrie et l'Irak, ce qui lui permet d'avoir désormais une grande profondeur géographique et stratégique. Parallèlement, commencent à filtrer des informations faisant état d'exécutions sommaires, en Irak comme en Syrie.C'est Washington, via le secrétaire à la Défense en personne, Ashton Carter, qui a créé la surprise en s'en prenant violemment à l'armée irakienne accusée de n'avoir montré «aucune volonté de se battre» pour défendre Ramadi. Les soldats irakiens, a-t-il regretté, «dépassaient largement en nombre les forces adverses», mais «ils ne sont pas parvenus à se battre» et «se sont retirés de la zone». «Mais si nous leur fournissons un entraînement, des équipements et de l'aide, j'espère qu'ils se mettront à vouloir se battre, parce que c'est seulement s'ils combattent que l'EI peut être vaincu», a ajouté le chef du Pentagone, qui a simplement oublié de rappeler que cette armée irakienne aujourd'hui si décriée a été entièrement créée et formée pendant de longues années par les forces américaines à coups de milliards de dollars. Evidemment, le Premier ministre Haider al-Abadi, s'est inscrit en faux contre les accusations du secrétaire américain à la Défense. Dans une interview à la BBC, il a assuré que Ramadi serait reprise «dans quelques jours» par les forces irakiennes. On imagine dès lors que ce sont surtout les milices chiites qui seront engagées, comme sur le front voisin de Tikrit, où les troupes loyalistes, si elles ont repris l'ancienne ville de Saddam Hussein, ne semblent pas progresser beaucoup face aux djihadistes sur la route de Mossoul. «Personne n'est présent à part l'Iran» A Téhéran, le général de division Qassem Soleimani, le chef de la Force Al-Qods des gardiens de la révolution, en charge des opérations et du renseignements extérieurs, lui aussi a esquissé dimanche un bilan des échecs passés qu'il a mis sur le compte des Etats-Unis et de leurs alliés. «Aujourd'hui, dans le combat contre ce dangereux phénomène, personne n'est présent à part l'Iran. Obama n'a pas fait la moindre chose pour affronter Daech (l'acronyme arabe par lequel ses adversaires désignent l'Etat islamique, ndlr). Est-ce que cela ne montre pas qu'il n'y a aucune volonté en Amérique de se confronter à lui ?»,a ajouté Qassem Soleimani, que l'on a souvent vu ces derniers mois sur les fronts syriens, irakiens et au Liban diriger les opérations militaires et commander même à des officiers locaux subalternes. «Comment l'Amérique peut elle prétendre protéger le gouvernement irakien quand, à quelques kilomètres, à Ramadi, des tueries et des crimes de guerre sont commis et qu'elle ne fait rien [...]. Nous devons immuniser nos frontières contre ce grand diable (l'Etat islamique) et aider les pays qui souffrent sous Daech», a-t-il poursuivi, lors d'un discours à Kerman, devant des membres des pasdaran (gardiens de la révolution). Comme le général iranien l'a indiqué, les massacres commis par les djihadistes se sont poursuivis. En Irak, ce sont 16 commerçants qui transportaient des produits alimentaires de la ville de Baïji, dont la raffinerie a, semble-t-il, été reprise par l'EI, vers la localité de Haditha, sous contrôle gouvernemental, sans doute parce qu'ils avaient augmenté les prix des denrées alimentaires de façon excessive. En Syrie, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme a indiqué depuis Londres qu'il y avait eu des égorgements publics dans la ville de Palmyre sans pouvoir en préciser le nombre.