Le procès de la caisse principale de Khalifa Bank marquera samedi sa dernière ligne droite avec le début des plaidoyers de la défense, après plusieurs jours consacrés à l'audition des accusés et des témoins. Entamé le 4 mai dernier par la lecture de l'arrêt de renvoi, le procès de l'affaire Khalifa Bank a été marqué dès son troisième jour par l'audition du principal accusé, Abdelmoumène Rafik Khelifa, absent lors du premier procès de 2007 où il avait alors été condamné par contumace à la perpétuité. Poursuivi pour plusieurs chefs d'inculpation, dont notamment «association de malfaiteurs, vol qualifié, banqueroute organisée, faux et usage de faux en écriture publique et en officiel», Rafik Abdelmoumène a déclaré devant le juge Antar Menouar avoir laissé, en quittant en 2003 le territoire algérien, le groupe qu'il dirigeait «en situation d'aisance financière». Alors que la justice lui reprochait un trou financier de 3,2 milliards de DA à la caisse principale de sa défunte Bank, l'ex-richissime homme d'affaires assurait y avoir laissé 97 milliards de DA, de même qu'un excédent de 7 millions d'euros dégagé par l'ex-compagnie aérienne du groupe, Khalifa Airways. Répondant pour le chef d'accusation de falsification en rapport avec la création et la gestion de Khalifa Bank, son ex-propriétaire avait notamment nié avoir falsifié deux contrats de garantie de sa villa à Hydra et de son local à Cheraga, ainsi que leur utilisation pour acquérir ladite banque, étant donné que les documents ne contenaient pas sa griffe. Il a indiqué également avoir obtenu le registre de commerce de sa banque avant la constitution de celle-ci et n'avoir jamais enfreint la réglementation s'agissant du «contrôle de change». Acculé par le juge Menouar, l'accusé a néanmoins avoué n'avoir pas informé la Banque d'Algérie du changement des statuts de celle-ci en septembre 1998, soit trois mois seulement après le début de ses activités, ce qui constituait en soi une infraction à la réglementation en vigueur. L'audition des autres accusés a permis de lever le voile sur certaines facettes liées à la «banqueroute du siècle», dont le dépôt par de nombreuses entreprises publiques de fonds considérables auprès de Khalifa Bank sans qu'ils ne soient récupérés pour la plupart. Les placements ont été consentis en raison du taux, particulièrement attractif, proposé par la banque dissoute. C'est le cas notamment de la Caisse nationale des retraités (CNR) qui n'a pu récupérer que 8 milliards de dinars des 12 milliards de DA qu'elle a placés à Khalifa Bank, avait révélé l'un des témoins. De son côté, l'ex-directeur de la Caisse nationale d'assurance chômage (Cnac) et du Fonds de garantie des micro-crédits, Mahrez Ait-Belkacem, a fait état d'un placement de l'ordre de 1,8 milliard de DA auprès de Khalifa Bank pour le compte de la Caisse et d'un autre estimé entre 500 et 600 millions de DA pour celui du Fonds, en majorité non restitués. Des responsables et cadres des Offices de promotion et gestion immobilières (OPGI) se sont également expliqués sur des dépôts qu'ils n'ont pu récupérer. Des dizaines de témoins entendus dans le cadre de ce procès, certains d'entre eux étaient particulièrement attendus en raison de la responsabilité qu'ils occupaient (ou continuent d'occuper pour certains). C'est le cas, entre autres, du gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, qui a affirmé que l'ex-Khalifa Bank avait atteint le niveau d'«indisponibilité de fonds», synonyme d'une «cessation de payement» en 2003 et ayant entraîné une suspension de son agrément par la Banque d'Algérie. «Les crédits non déclarés, l'inexistence d'une commission d'octroi de crédits et l'absence de dossiers justifiant ces crédits» ont causé le déséquilibre financier qu'a connu Khalifa Bank, à l'origine de sa faillite, a révélé l'ex-administrateur de cette banque et ancien ministre des Finances, Mohamed Djellab. L'ex-président-directeur général (PDG) du groupe Saidal, Ali Aoun, a soutenu, quant à lui, qu'il était l'un des trois gestionnaires sur 25 du groupe pharmaceutique ayant «refusé» de faire des dépôts d'argent au niveau de ladite banque et qu'un montant de 59,6 millions de DA a été récupéré, grâce à une technique de gestion qu'il avait lui-même initiée, appelée «transfert de créances». De son côté, l'ancien ministre du Travail, Aboudjerra Soltani, a assuré qu'il «n'avait pas été informé» du dépôt de 1 000 milliards de centimes, en 2001, des fonds de la Caisse nationale desassurances sociales (Cnas) auprès de la défunte Khalifa Bank. Les témoignages des anciens ministres des Finances, Mourad Medelci et Mohamed Terbache, ainsi que de l'ex-directeur général du Trésor, Karim Djoudi, ont été lus par le juge Antar Menouar. Dans son témoignage, M. Medelci a déclaré qu'il n'avait «aucune relation» avec les banques et leur contrôle après la promulgation de la nouvelle loi sur la monnaie et le crédit. «Les rapports élaborés par la Banque d'Algérie contenaient des généralités, manquaient de précisions et étaient entachés de failles, car élaborés par des agents en manque de qualifications nécessaires», avait relevé, pour sa part, M. Terbache. Au 26e et 27e jour du procès, plus d'une centaine de représentants de la partie civile se sont succédé à la barre, faisant part de l'étendue du préjudice occasionné par la banqueroute de l'ex-banque Khalifa. Alors que certains ont affirmé n'avoir pas pu recouvrir l'ensemble de leurs dépôts par défaut de liquidités dans les agences, quelques cas de remboursement par le liquidateur ont eu lieu, mais ne représentant qu'une infime partie de la totalité du placement (autour de 5% de la valeur). Se voulant rassurant, le magistrat Antar Menouar leur a expliqué que l'Etat «n'abandonnera pas les victimes de la Banque Khalifa», précisant que «le remboursement doit se faire sur des bases juridiques».