Cette brève contribution est une extension d'une interview que j'ai donnée courant 2012 à l'hebdomadaire international français « le Point » où je dressais une typologie du secteur privé algérien. En ce mois de juillet 2015, reprenant la majorité de nos recommandations largement diffusées entre 2008-2014 ( www.google.com) , le Forum des chefs d'Entreprises a fait une série de recommandations au gouvernement. L'objet de cette contribution est de poser clairement le poids du secteur privé algérien à la création de la valeur et les contraintes tant politiques qu'économiques qui se posent aux véritables entrepreneurs producteurs de richesses ? Les plus grosses fortunes ne sont-elles pas au niveau de la sphère informelle en n'oubliant pas les importantes fortunes à l'étranger (achat de biens ou dépôts dans des paradis fiscaux) Cela explique d'ailleurs ces alliances entre la sphère bureaucratique et certaines sphères privées spéculatives mues par des gains de court terme via la rente. Or, le véritable dynamisme de l'entreprise, qu'elle soit publique ou privée suppose une autonomie de décisions face aux contraintes tant internes qu'internationales évoluant au sein de la mondialisation caractérisée l'incertitude, la turbulence et l'urgence de prendre des décisions au temps réel. Par ailleurs, selon les données quantitatives du recensement économique (RE) effectué par l'Office national des statistiques (ONS) en 2011, le nombre d'entreprises recensées sur le territoire national a atteint 990 496 entités dont plus de 934 250 entités économiques avec la «prédominance» du secteur commercial et le caractère «tertiaire de l'économie nationale plus de 83% du tissu économique global). Par ailleurs, cette enquête a révélé que le tissu économique national est fortement dominé par les personnes physiques à 95% (888 794) alors que les personnes morales (entreprises) représentent seulement 5%, soit 45 456 entités, ce résultat étant révélateur d'une économie basée essentiellement sur des micro- entités peu initiées au management stratégique. Les quelques cas analysés précédemment qui sont d'ailleurs confrontés à de nombreuses contraintes, ne peuvent permettre à eux seuls une dynamisation globale de la production hors hydrocarbures, nécessitant des milliers d'entrepreneurs dynamiques. Car si le secteur privé réalise 80% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures du pays, qui ne représente d'ailleurs que 2/3% du total des exportations contre 97/98% pour Sonatrach, sa part dans l'investissement global est négligeable, certaines sources donnant 1,9/2% du total de l'investissement entre 2010/2013. D'une manière générale que représente le secteur privé algérien face au chiffre d'affaires de Sonatrach qui contribue directement et indirectement via la dépense publique/via les hydrocarbures à plus de 80% du produit intérieur brut ? A cela s'ajoute le manque d'unification des organisations patronales privées où sans être exhaustif nous avons la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) la Confédération générale du patronat (CGP-BTPH), la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA, la Confédération algérienne du patronat (CAP) , le Conseil supérieur du patronat algérien (CSPA), l'Association des femmes chefs d'entreprises (Savoir et vouloir entreprendre-SEVE), le Club des entrepreneurs et des industriels de la Mitidja (CEIMI). Quant au Forum des chefs d'entreprises (FCE), il regroupait en 2012 environ 499 entreprises qui peuvent corollairement appartenir à des associations syndicales, couvrant 18 des 22 secteurs économiques et représentant un chiffre d'affaires de 14 milliards de dollars, employant environ 105 000 salariés, le FCE étant considéré comme un Think tank (laboratoire d'idées) et non comme une organisation syndicale. 2.- Les plus grosses fortunes en Algérie ne sont pas forcément dans la sphère réelle mais au niveau de la sphère informelle notamment marchande avec une intermédiation informelle à des taux d'usure. Ici existe des données contradictoires, le premier ministre annonçant pour 2014 37 milliards de dollars et le nouveau ministre des Finances dans plusieurs déclarations publiques avant sa nomination entre 40/50 milliards de dollars. Selon Deborah Harold, enseignante américaine de sciences politiques à l'université de Philadelphie et spécialiste de l'Algérie se basant sur des données de la banque d'Algérie, l'économie informelle brasserait 40/50 % de la masse monétaire en circulation soit 62,5 milliards de dollars soit plus de quatre fois le chiffre d'affaires de toutes les grandes entreprises du FCE réunies. Ces données sont corroborées selon le quotidien arabophone El Khabar en date du 18 février 2013 citant un document du ministère du Commerce algérien pour qui existeraient 12 000 sociétés écrans avec une transaction qui avoisinerait 51 milliards d'euros au cours de 2012 soit 66 milliards de dollars. Les dernières mesures tant des chèques que de l'obligation de déposer l'argent de la sphère informelle obligatoirement au niveau des banques algériennes qui sont actuellement de simples guichets administratifs ignorent le fonctionnement de la société algérienne. On n'impose pas par la contrainte des mesures. Je préconise trois actions au gouvernement. Premièrement, la suppression de la taxe des 7% car si cet argent sert à dynamiser le secteur productif, à terme, c'est plus bénéfique par l'accroissement future de l'assiette fiscale. Deuxièmement un large emprunt national sous couvert de bons anonymes, dont les taux rémunérateurs approchent le taux d'inflation et la dépréciation du dinar par apport aux devises fortes, devant forcément dynamiser la bourse d'Alger. Troisièmement un décret exécutif, afin de redonner confiance aux citoyens, et éviter les erreurs des décrets de 2005 et 2011 qui n'ont jamais vu le jour, de séparer la fonction bancaire et du contrôle fiscal qui ne devra se faire qu'après une exécution judiciaire ( cas de recyclage de l'argent de la drogue par exemple) pour la vérification des comptes, les contrôleurs fiscaux ou service de sécurité n'ayant pas à s'immiscer dans la gestion bancaire. Cette sphère contrôle au niveau de la sphère réelle 65% des segments des produits de première nécessité : fruits/légumes, marché du poisson, marché de la viande blanche/rouge et à travers des importations informels le textile/cuir, avec une concentration du capital au profit de quelques monopoleurs informels. Cette sphère liée à la logique rentière tisse des liens dialectiques avec des segments du pouvoir expliquant qu'il est plus facile d'importer que de produire localement. Mais il ne faut pas se tromper de stratégie. Nous avons de nombreux entrepreneurs dynamiques informels acquis à la logique de l'économie de marché qu'il s‘agit d'introduire dans la sphère réelle non par mesures administratives autoritaires mais par de nouveaux mécanismes économiques de régulation. C.-En résumé, contrairement à certaines déclarations d'un certain segments du patronat privé qui veulent coller avec les déclarations du gouvernement, qui soutiennent cette règle dont aucun bilan n'a été fait à ce jour, appuyés par des segments rentiers , bon nombre d'entrepreneurs privés tant algériens, qu'américains ou européens, et d'autres critères comme une balance technologique, managériale et en devises positives pour l'Algérie, et selon nos enquêtes militent pour son assouplissement préférant la minorité de blocage pour les secteurs non stratégiques qu'il s'agira de définir avec précisions. L'Etat régulateur a un rôle stratégique en économie de marché afin de concilier les coûts sociaux et les coûts privés. Le secteur privé algérien a une attitude contradictoire tant vis-à-vis de la politique du gouvernement que de grands dossiers (OMC- Accord d'association avec l'Europe, dossier de la privatisation). Le secteur privé national productif a besoin de plus d'autonomie et d'espaces de liberté, ne signifiant pas capitalisme sauvage. Le véritable nationalisme à l'avenir face à la baisse des recettes de Sonatrach qui peut conduire le pays à une cessation de paiement horizon 2020, en cas de non changement de la trajectoire socio-économique, supposant de profondes réformes structurelles, se mesurera par la contribution de tous les Algériens à la valeur ajoutée locale. Combien d'entrepreneurs privés ont investi dans la ressource humaine pivot du développement ? Vouloir des parts de rente en contreparties d'une soumission, ne rend service ni au secteur privé dans son ensemble, ni à l'Algérie qui a besoin d'entrepreneurs dynamiques investissant dans les segments productifs dans le cadre des valeurs internationales. (Suite et fin)