L'optimisme régnait chez les éleveurs de bovins à leur sortie du ministère de l'Agriculture. Ils avaient exprimé le vœu d'être reçus par le nouveau ministre. Sid-Ahmed Ferroukhi les a conviés, entendus et écoutés. Ils ont exposé clairement leurs problèmes. Certains les appellent les vachers (begara) en raison de leur métier. Eux, par contre, se désignent comme éleveurs de bovins. Ils élèvent des vaches, certes, pour la reproduction et pour le lait. Ils engraissent les veaux et taurillons pour la boucherie. Ils se sont fédérés au niveau national. Bien qu'ils ne soient pas tous les éleveurs de bovins de toutes les régions qui y sont représentés. La Fédération nationale reste relativement représentative. Rabah Ouguemat, président de la Fédération nationale des éleveurs bovins, a bien voulu répondre à nos questions. Au sujet de l'impression générale, il répond : «Nous avons trouvé un ministre jeune, attentif, compréhensif et franc, d'ailleurs, il nous a reçus pendant quatre heures en son cabinet.» Concernant les revendications, il commence par dire qu'il y a un ordre de priorité ; il y revient pour préciser que ce ne sont pas des revendications mais une réalité que tous doivent prendre en charge. «On doit étudier autour d'une table la question structurante des prix. Actuellement, le soutien de l'Etat est de 12 dinars pour chaque litre de lait produit, lequel est indexé par l'Etat à 34 dinars, soit un prix de revient de 46 dinars, alors que dans la réalité le prix de revient actuel avec l'augmentation des prix des intrants est de 73,63 dinars.» Il commence à énumérer les prix des intrants en comparaison avec ceux qui ont servi à l'étude des prix pour qu'il soit indexé à 34 DA : l'avoine faisait 250 DA, aujourd'hui, il faut 1 500 DA pour acquérir une botte. La paille faisait 50 DA, aujourd'hui, c'est 1 000 DA l'unité. Le concentré, il faut 12 kg quotidiennement pour chaque vache laitière, il faut débourser 4 000 DA pour chaque quintal. Pour les déchets de meunerie, c'est-à-dire le son gros et les graines de la farine fourragère, ils sont introuvables chez les meuniers, c'est chez les intermédiaires qu'ils sont disponibles à longueur d'année en stock suffisant, mais il faut débourser jusqu'à 2 800 DA pour chaque quintal au lieu des 400 dinars qui ont servi pour la fixation des premiers prix. Tels sont les problèmes qui sont en train de déstructurer la filière. Ils ont demandé au ministre d'intervenir pour sursoir ou de proroger les calendriers de remboursement des crédits alloués. Ce qui n'a pas été dit lors de cette rencontre Ils ont été trahis. Ils n'ont pas perçu les indemnités lors des fameux abattages administrés lors de l'épizootie de la fièvre aphteuse. Ils ont cru en une politique qui était saine. Ils se sont engagés autour de l'opération «encouragement de la production nationale». Ils ont investi et importé des milliers de vaches reproductrices et laitières. La machine a été grippée par le ministre qui a précédé Kadi. Il a servi la poudre de lait à ceux qui n'ont pas signé les cahiers de charge de la politique d'intégration de la production nationale laitière. A ce moment, tout commençait à tomber à l'eau. Certains, fragiles par leur situation financière et au vu de l'abandon par l'Etat, ont bradé leurs bêtes à moitié prix. Ceux de Bir El-Arch, dans la wilaya de Sétif, sont aujourd'hui des plus pauvres après qu'ils aient été les plus aisés de la région. Tout leur cheptel a été abattu administrativement et aucun éleveur n'a été dédommagé. Ils ont même été désignés comme le foyer vecteur de l'épizootie par l'ex-ministre Nouri. Alors que tout le monde et les responsables en particulier savaient que c'est des frontières est du pays qu'il y avait l'introduction clandestine et intentionnée du virus aphteux AO. Nos services vétérinaires, s'ils ne sont pas complices de par les pénétrations transfrontalières frauduleuses, se sont tus car dans ces régions tout se sait. Les premiers cas de fièvre aphteuse ont fait leur apparition à El-Oued. La fièvre aphteuse comme beaucoup d'autres maladies contagieuses est à déclaration obligatoire (MDO). Ce qu'attendent les éleveurs du ministre Les éleveurs veulent bien croire en les bonnes intentions de l'Etat à travers Ferroukhi, ils l'ont exprimé lors de leur rencontre avec lui, mais après l'euphorie du jeudi dernier ils avanceront à pas calculés jusqu'à ce que la confiance soit rétablie avec des mesures concrètes. Ou s'ils ont d'autres intentions et surtout s'il n'y a pas de visibilité claire ils tenteront des actions qui forceront des décisions. Apparemment, ce qui est recherché, ce sont des mesures structurantes. Soit des réseaux de distribution des intrants. Une meilleure prise en charge médicale par les services vétérinaires des wilayas. La réinstauration du crédit R'fig et le différé des remboursements pour ceux qui ont été touchés par l'épizootie de la fièvre aphteuse et qui n'ont pas été dédommagés.