Les troubles qu'a connus le Liban en début de semaine, sur fond de «crise des déchets», viennent aggraver le marasme dans lequel patauge ce pays depuis une année, suite au blocage politique dans une République sans président depuis plus d'un an. Les manifestants sortis dans les rues de Beyrouth depuis samedi réclament non seulement une solution au problème des déchets mais également l'éradication de la corruption, des pénuries d'électricité et d'eau et surtout la fin du blocage politique dans un pays sans président et en proie à des problèmes qui le gangrènent depuis des décennies. Le Liban, par son caractère cosmopolite sur le plan ethnique (maronite, druze...) et religieux (chrétiens, musulmans) peine depuis des décennies à trouver une stabilité politique, ravagé par 15 ans d'une guerre civile dévastatrice qui a fait 150 000 morts (1975-1990) et qui a marqué l'histoire de ce pays, qui pâtit toujours à mettre au point des institutions politiques à même de garantir sa stabilité. Véhémente pression interne Le pays du Cèdre est aujourd'hui toujours privé de président de la République depuis mai 2014, faute d'accord politique entre les partis, et le Parlement élu en 2009 qui a prorogé son propre mandat et reporté les élections législatives à 2017. Désormais, le gouvernement d'union nationale doit faire face à une forte pression interne, à laquelle il faut ajouter la gestion du dossier des réfugiés syriens, qui sont plus d'un million, soit l'équivalent de la population libanaise, et qui pèsent sur l'économie du pays déjà en berne. A tout cela s'ajoute une menace sécuritaire que fait peser la crise syrienne sur le pays. La précarité de la situation politique au Liban a été affichée par ces deux jours de manifestations déclenchées par une crise des déchets qui a dégénéré en «ras-le-bol» général dénonçant l'impéritie chronique de l'Etat. Ces deux jours de manifestations se sont terminés par des violences. Les rassemblements ont réuni des milliers d'hommes, femmes et enfants samedi et dimanche dans le centre de Beyrouth, avant de virer à l'affrontement en soirée, faisant des dizaines de blessés. Près d'une soixantaine de personnes ont été hospitalisées dimanche soir, et 343 autres ont été traitées sur place pour blessures légères, selon la Croix-Rouge libanaise. Droit «vers un effondrement» Face à cette crise, le Premier ministre Tammam Salam avait appelé dimanche, au calme et tendu la main aux manifestants. Celui-ci avait dit lundi comprendre les frustrations des manifestants, tout en laissant entendre que son gouvernement, formé il y a 18 mois, pouvait cesser de fonctionner s'il n'arrivait pas à résoudre la crise. «Si la réunion du Conseil des ministres ne sera pas productive demain, il ne serait pas nécessaire de tenir de nouvelles sessions... Si les choses continuent telles qu'elles sont, nous nous dirigerons vers un effondrement», a-t-il dit. Pour rappel, la crise des ordures a été déclenchée samedi dans le centre de Beyrouth par quelque 200 jeunes (Organisés par le mouvement «Vous puez»), dont certains avaient le visage couvert. Ils ont jeté des projectiles -pierres et bouteilles remplies de sable sur les forces de l'ordre. La police a alors fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes. Des tirs ont également été entendus. Les manifestants se sont réunis à la place Riad al-Solh, près du Parlement et ont commencé à lancer des slogans contre les autorités. Une nouvelle manifestation a été reportée lundi après les violences du week-end, selon les médias alors que les animateurs du mouvement prévoient une autre manifestation pour samedi prochain.