Ce papier est publié à l'occasion de la commémoration du 45e anniversaire du décès de Gamal Abdel Nasser, chef historique du nationalisme arabe contemporain. Il arrive que l'on aime les Algériens, mais certainement pas pour leur caractère. Plus sûrement pour leur douloureuse et glorieuse histoire, leur colonisation intensive et leur guerre de libération nationale, l'une des rares victorieuses avec celle menées par le mouvement nassérien du Flosy du sud Yémen de Abdel Kawi Makkawi contre le protectorat britannique d'Aden. C'était l'époque heureuse où un chrétien palestinien Georges Habbache faisait le coup de feu avec un musulman yéménite contre leur ennemi commun, le colonialisme occidental. L'époque heureuse où Nasser, l'Egyptien, était la cible d'une expédition punitive de la part des puissances coloniales de l'époque, la France et la Grande Bretagne, avec le soutien de leur créature, Israël, pour avoir porté aide à ses frères d'armes algériens en lutte pour leur indépendance. L'époque heureuse où un archevêque de Jérusalem, Mgr Hilarion Capucci, faisait l'objet d'une mesure de bannissement pour son soutien aux Palestiniens, un poète chrétien palestinien, Kamal Nasser, porte-parole de l'OLP, -oui, un chrétien porte-parole de la centrale palestinienne- devenir la cible dissuasive à l'engagement des chrétiens arabes dans la résistance palestinienne, lors d'un raid israélien en plein cœur de Beyrouth, le 13 avril 1975 et vengé à son tour par un druze libanais. En symbole du dépassement du clivage ethnico-religieux, portant le combat au cœur de la Palestine, Samir Kantar glanera au passage le glorieux titre de « doyen des prisonniers politiques arabes », dont il sera déchargé au profit d'un Palestinien lors de sa libération par le Hezbollah chiite. Les choses étaient claires : bloc contre bloc, frontalement. Nasser, Habbache, Ben Bella et Boumediene, des dirigeants ascétiques, au nationalisme fiers et ombrageux, pleins de tenue et de retenue, imposant le respect à leurs adversaires, sans jamais défrayer de leurs frasques la chronique de la presse à scandales. Nasser en soutien à la révolution algérienne et Boumediene en bailleur de fonds de son successeur Sadate pour la percée du Canal de Suez et de la destruction de la ligne Bar Lev. Heureuse époque et glorieuse où Boumediene surprenant le Kremlin au saut du lit, en octobre 1973, pour des emplettes à destination du champ de bataille, déboursera cash 200 millions de dollars pour des missiles balistiques aux fronts du Sinaï (Egypte) et du Golan (Syrie), en complément du bataillon algérien dépêché sur le front de Suez pour colmater la brèche du déversoir, en superposition au ravitaillement énergétique des corps de bataille arabes. Des emplettes en toute discrétion, sans la moindre ostentation, pour une contribution globale de l'ordre d'un milliard de dollars de l'époque. La propulsion des obèses autocrates sur le devant de la scène arabe Les temps ont changé. À leur place trônent désormais des obèses autocrates générés par les lubrifiantes pétromonarchies, protégés par des mercenaires recrutés au sein du vivier des soldats perdus de l'Occident, les mercenaires de Blablater et d'Executive Outcome, de Vinnel et de Strafor ; des gisements de pétrole protégés par des Israéliens à Abou Dhabi et en Arabie saoudite (1), sur fond d'attentats des mouvement djihadistes takfiristes d'incubation wahhabite Daech et Jabhat An Nosra contre les chrétiens d'Irak et d'Egypte, contre leurs frères dans l'Islam, les Druzes, au rythme soutenu des fatwas : Fatwa pour la destruction des églises de la péninsule arabique, Fatwa pour l'assassinat du président syrien Bachar Al-Assad, prioritairement à un Israélien (Ayad al Karni), Fatwa pour l'allaitement de l'adulte, Fatwa, enfin, pour la correction de la femme désobéissante (2). Les temps ont changé. Le Mouvement nationaliste arabe, vivier d'une cohorte d'intellectuels arabes de talent agrégés à leur chef charismatique Georges Habbache en un mouvement transnational laïc et progressiste, qui avait tenu en haleine la scène arabe pendant deux décennies, a cédé la place au rigorisme de la mouvance wahhabite dans toutes ses déclinaisons rigoristes voire obscurantistes, talibane, djihadistes d'Al Al-Qaïda, Salafistes, Takfiristes. Avec en support, des prédicateurs millionnaires, l'égypto-qatariote Youssef Qaradawi et le Saoudien Ayad Al Karni, les cautions jurisprudentielles des équipées atlantistes en terre arabe, particulièrement contre les régimes séculiers. Et pour cible prioritaire, non la Palestine, mais les Bouddhas de Babyane, l'Union soviétique en Afghanistan, le principal fournisseur d'armes des pays arabes du champ de bataille (Egypte, Syrie, OLP, Irak, Algérie, Libye, Soudan et Somalie) , des tours civiles à New York, l'Irak, contre les Chiites et les Chrétiens, la Syrie, contre les civils à Alep et Damas, voire même Toulouse et Montauban, Bruxelles et Amsterdam, le marathon de Boston et un centre de recrutement au Tennessee (Etats-Unis), décapitant l'équipe rédactionnelle du journal satirique français « Charlie Hebdo », exacerbant l'islamophobie latente d'une large fraction de l'opinion occidentale particulièrement française. En contrechamp, le Hezbollah libanais, objet désormais d'un désamour de la part de l'ancien président démocrato-nahdawiste de Tunisie, Moncef Marzouki, se fixe comme point de mire, le doigt sur la gâchette, Israël, uniquement Israël, exclusivement Israël... et stigmatiser à ce titre. Signe de la modernité arabe, c'est- à- dire de l'aliénation mentale des Arabes, les pétro-monarques et les Occidentaux se liguent, de nos jours, contre un des principaux pays du champ de bataille, la Syrie, au nom de la modernité et de la démocratie en une drôle d'alliance de régimes rétrogrades arabes avec le protecteur d'Israël. De grands pays arabes sunnites et Israël se liguent pour imposer le blocus de Gaza, le dernier ersatz de la Palestine combattante... au nom de « l'Islam des lumières »... un Islam des lumières forgé par des obscurantistes pour la promotion de leurs intérêts de survie dynastique. Quelle était pourtant belle cette prodigieuse décennie de diplomatie multilatérale initiée par le tandem Boumediene-Bouteflika (1970-1980), marquée par le débarquement de Yasser Arafat à l'ONU (1974), la propulsion du nouvel ordre mondial de l'information, l'accord frontalier irako iranien (1975), le dénouement de la prise d'otages de l'Opep menée par Carlos (1976), et la libération des otages de l'ambassade américaine de Téhéran (1979-1980). L'Algérie en paiera le prix fort par l'implosion aérienne de son brillant ministre des affaires étrangères de l'époque, Mohamad Seddik Ben Yahya (1982), le troisième d'un tel calibre après Mohamad Khemisti (1963) et Abdelaziz Bouteflika. Belle, mobilisatrice et créatrice, dans les deux versants du monde arabe, à Alger et Beyrouth, les deux plate formes opérationnelles des mouvements de libération du Tiers- monde, dans la décennie 1960-1970, où dans une subtile répartition des rôles, la capitale libanaise abritait, autour de l'OLP, les révolutionnaires de la péninsule arabique et de la Corne de l'Afrique (Arméniens de l'Asala, Kurdes du PKK, Omanais du Front de libération du Dhofar, en sus des Somaliens, des Erythréens et des Yéménites)? Et l'algérienne, autour des Blacks Panthers, la kyrielle des mouvements du continent africain du Frelimo du Mozambique, à l'UNPLA de l'Angola, à la Zapu du Zimbabwe, à l'ANC (African National Congress) d'Afrique du Sud enfin. En ces temps-là, le nationalisme arabe faisait sens L'Arabe et le Palestinien captaient le regard du monde et comptaient parmi leurs compagnons de route de prestigieuses personnalités, tel Frantz Fanon, le lumineux auteur des « Damnés de la terre » et pour compagnon de lutte d'authentiques patriotes, Ho Chi Minh (Vietnam), Chou En Lai (Chine), Nehru (Inde), Soekarno (Indonésie), tandis que la keffieh, la coiffe traditionnelle palestinienne, était, parallèlement, propulsée au rang de symbole universel de la révolution, déclinée dans toutes les couleurs pour devenir le point de ralliement de toutes les grandes manifestations de protestation à travers le monde de l'époque contemporaine. Le patriotisme était la règle, non la bigoterie. La cohérence idéologique, non le djihadisme erratique. L'Algérien Ali La Pointe se fera ainsi dynamiter sur sa terre natale plutôt que de se livrer aux bourreaux de son peuple, alors que l'islamiste explosif Abou Qtada al Filistini, emprisonné à Londres chez son « mécréant » ancien colonisateur, freine des quatre fers son bannissement vers la Jordanie, un pays pourtant dirigé par un Roi se réclamant de la descendance du prophète en sa qualité de chef de la dynastie hachémite.