Les neuf banques commerciales chinoises de ce classement obtiennent plus de 55% des bénéfices totaux des 98 entreprises chinoises. Ces faits et les déséquilibres qu'ils indiquent ne doivent pas occulter la dynamique des entreprises privées. En novembre 2013, la Chine comptait 15,04 millions d'entreprises (la croissance mensuelle est supérieure à 1%) pour un capital social de 95 290 milliards de yuans. Parmi celles-ci, on trouve 446 400 entreprises à capitaux étrangers dont le capital social était de 12 320 milliards de yuans (2 020 milliards de dollars) » (3). Aux côtés des entreprises industrielles et financières administrées par l'Etat chinois, secteurs qui jouent encore un rôle prépondérant, aux côtés des entreprises à capitaux étrangers, se développe un capitalisme privé très dynamique. Il représente la majorité (61% en 2012) des investissements chinois à l'étranger. Si ceux-ci sont loin d'égaler les investissements étrangers en Chine, les flux actuels, soient 87,8 milliards de dollars sortants contre 121 milliards de dollars entrants (2012), montrent que l'écart n'est plus que de 40% et va en s'amenuisant. Marx n'avait-il pas écrit, il y a plus d'un siècle, « De nos jours, ces aspirations ont été de beaucoup dépassées, grâce à la concurrence cosmopolite dans laquelle le développement de la production capitaliste a jeté tous les travailleurs du globe. Il ne s'agit plus seulement de réduire les salaires anglais au niveau de ceux de l'Europe continentale, mais de faire descendre, dans un avenir plus ou moins prochain, du niveau européen au niveau des Chinois. Voilà la perspective que M. Stapleton, membre du Parlement anglais, est venu dévoiler à ses électeurs dans une adresse sur le prix du travail à l'avenir. « Si la Chine, dit-il, devient un grand pays manufacturier, je ne vois pas comment la population industrielle de l'Europe saurait soutenir la lutte sans descendre au niveau de ses concurrents» (4). La crise systémique du capitalisme La crise de 2007-2009 dont les effets sont loin d'être résorbés a frappé la Chine comme d'autres groupes capitalistes monopolistes mondiaux. Le niveau de l'accumulation du capitalisme d'Etat, ainsi qu'une politique de soutien aux entreprises privées ont permis de limiter les dégâts. En Chine, si dépendante des marchés étrangers, les conséquences de cette crise et des dépenses de soutien étatique sont loin d'être surmontées. À mesure qu'elle grimpe en gamme dans l'échelle industrielle elle laisse vacants les échelons inférieurs. Dès lors, que d'autres pays peuvent produire ce qu'elle est capable de produire, ils sont à même de la concurrencer efficacement. L'Inde notamment, suivra fidèlement cette filière de mutation normale du statut de capitalisme ascendant « émergeant » vers le stade d'impérialisme descendant « décadent ». Quelles sont les conséquences de cette crise qui n'est pas terminée ? Pour autant que la Chine soit soumise à des capitaux étrangers, ceux-ci vont délocaliser une partie de leur production ailleurs (la Coréenne Samsung par exemple se tourne vers le Vietnam, la Chinoise Foxconn lorgne vers l'Indonésie), tandis que d'autres, c'est le cas de certaines entreprises américaines, rapatrient leur production aux Etats-Unis où ils ont créé des conditions de production de plus-value absolue comme au temps des premiers développements capitalistes misérabilistes comme nous le décrivons ailleurs dans ce livre. Certains secteurs, comme le secteur du textile, sont dominés par des capitalistes autochtones chinois qui délocalisent leur production vers les pays moins développés (Inde, Ethiopie), signe évident de la pleine intégration impérialiste de l'économie chinoise maintenant en quête de plus-value absolue, relative et extra via l'exploitation d'un nouveau prolétariat sous-payé. La conséquence est qu'une nouvelle division internationale du travail se met en place. Le bas de gamme tend à être produit dans ces nouveaux pays industriels émergents tandis que la Chine impérialiste conserve la production de produits plus sophistiqués. Elle s'efforce de développer des politiques des marques afin de contrer la concurrence occidentale, de fournir des produits de luxe (à forte valeur marchande), remontant ainsi vers le haut de gamme tout en entrant en concurrence avec les pays de la première génération impérialiste mondiale (les pays occidentaux). Voilà schématiquement esquissées les conséquences de l'application des lois de la valeur, de la plus-value et de la valorisation de la plus-value pour la reproduction élargie du capital sous le mode de production capitaliste au stade ultime, impérialiste, de développement. Pourquoi, en dépit du fait que les observations démontrent le contraire certains économistes soutiennent-ils la thèse que l'impérialisme préserve la division internationale du travail en maintenant la production de plus-value absolue dans les pays sous-développés et la production de plus-value relative dans les pays avancés pour maintenir le « taux de profit global » ? Il n'y a pourtant pas de « taux de profit global mondial » de la totalité du capital social. On ne peut pas confondre le niveau d'abstraction que Marx réalise quand il fait abstraction du commerce extérieur en étudiant le capital en général, avec la compréhension du capital comme un deus ex machina, comme une totalité abstraite. Même dans le Livre II du Capital quand Marx analyse les schémas de reproduction à un haut niveau d'abstraction pour étudier certains phénomènes et pour lequel on pourrait imaginer un Etat-nation unique couvrant le monde entier, et un marché unique sans commerce extérieur, Marx laisse clairement entendre qu'il s'agit d'un modèle abstrait et que le commerce extérieur est un moment nécessaire du cycle de reproduction capitaliste (5). L'ultime phase impérialiste du capitalisme moribond Considérer l'existence d'un « taux de profit global mondial » implique d'assumer l'existence d'une égalisation (péréquation) des taux de profits nationaux à l'échelle internationale, comme si les Etats-nations étaient des régions économiques d'un seul et unique « Etat multinational », regroupant l'ensemble du capital mondial. Pour Marx cette égalisation n'existait pas au XIXe siècle. Or, l'égalisation des taux de profit entre divers segments nationaux et secteurs économiques du capital suppose une similitude dans les taux de productivité et dans l'intensité du travail entre les branches du capital d'un marché national. Mais sur le marché mondial prévaut au contraire l'inégalité de la productivité et de l'intensité du travail entre les Etats-nations qui à la longue comme nous venons de le démontrer dans l'illustration chinoise finiront par s'égaliser, vers le bas (baisse tendancielle des taux de profits). C'est exactement cela l'ultime phase impérialiste du mode de production capitaliste. C'est ainsi qu'entraînés par ses lois de développement c'est-à-dire par la poursuite de la valorisation du capital et la production de plus-value (absolue, relative et extra), pourtant de plus en plus difficile à reproduire, le mode de production capitaliste entre en phase impérialiste quand il est forcé de conquérir de nouveaux espaces de production, d'harnacher de nouveaux marchés et d'acquérir de nouvelles zones d'exploitation de la force de travail, d'arracher de nouvelles concessions au travail salarié pour assurer sa reproduction élargie. Les premiers pays développés sont bientôt dépassés par les aspirants de la seconde vague, qui seront eux-mêmes dépassés par les soupirants suivants, et ainsi de suite jusqu'à ce que la planète tout entière ait été réaménagée, déchirée, défigurée par le capital incapable de surmonter ses contradictions internes et externes (relativement à l'environnement). La menace d'une grande dépression, suivit d'une guerre de destruction des moyens de production sont alors éminent. Nous y sommes. Voici la rose, ouvriers, danser maintenant !