Le djihadisme planétaire : Al-Qaïda/Daech Chess Freeman, ambassadeur des Etats-Unis en Arabie saoudite, dans la décennie 1980, l'admettra sans ambages : il importait de détourner la jeunesse saoudienne du combat pour la libération de la Palestine et le déporter vers l'Afghanistan, à 5 000 km du champ de bataille, sous couvert de guerre contre l'athéisme marxiste. Le Djihad a pris une dimension planétaire conforme à la dimension d‘une économie mondialisée par substitution des pétromonarchies aux caïds de la drogue dans le financement de la contre révolution mondiale. Dans la déceannie 1990-2000, comme dans la décennie 2010 pour contrer le printemps arabe. Si la Guerre du Vietnam (1955-1975), la contre-révolution en Amérique latine, notamment la répression anti castriste, de même que la guerre anti soviétique d'Afghanistan (1980-1989) ont pu être largement financées par le trafic de drogue, l'irruption des islamistes sur la scène politique algérienne signera la première concrétisation du financement pétro monarchique de la contestation populaire de grande ampleur dans les pays arabes. Symbole de la coopération saoudo américaine dans la sphère arabo musulmane à l'apogée de la guerre froide soviéto-américaine, le mouvement d'Oussama Ben Laden avait vocation à une dimension planétaire, à l'échelle de l'Islam, à la mesure des capacités financières du Royaume d'Arabie. Avec pour conséquence, le dévoiement de la cause arabe, particulièrement la question palestinienne, vers des combats périphériques (guerre d'Afghanistan, guerre des contras du Nicaragua contre les Sandinistes), à des milliers de km de la Palestine. Dommage collatéral de ce rapport de puissance, l'Algérie en paiera le prix en ce que ce pays révolutionnaire, allié de l'Iran et de la Syrie, le noyau central du front de refus arabe, évoluait en électron libre de la diplomatie arabe du fait de la neutralisation de l'Egypte par son traité de paix avec Israël et la fixation de la Syrie dans la guerre du Liban. Oussama Ben Laden, le fondateur d'Al Qaida, la matrice des groupements djihadistes takfiristes, était au départ un officier sous-traitant de Turki Ben Faysal, à l'époque chef des services de renseignements saoudiens, sous la tutelle des Américains, en tandem avec Hamid Gul, le chef des services de renseignements pakistanais. Daech, le fruit de la copulation ancillaire des officiers irakiens bassistes éradiqué par l'administration occupante américaine de l'Irak et des arabes afghans repliés vers l'Irak. Une alliance scellée sous l'égide de Bandar Ben Sultan, l'enfant chéri de l'administration américaine et beau-frère de Turki Ben Faysal dont il épousa la sœur. De l'analyse de ces deux excroissances, il en découle que le clan Sideriy en Arabie saoudite, l'allié privilégié des Etats -Unis, particulièrement la descendance Faysal, porte ainsi une lourde responsabilité dans la prolifération du djihadisme erratique. Pour le clan Sideiry, un tel phénomène présentait un double avantage en ce qu'il constituait une manifestation de la pureté doctrinale du wahhabisme, en même temps qu'il représentait l'unique force en mesure de faire front, avec efficacité, aux ennemis du royaume. En dépit des bienfaits de ce phénomène, la dynastie saoudienne a constamment redouté, toutefois, que le djihadisme ne s'importe à l'intérieur du Royaume. Une perspective vécue comme une crainte muette ; un cauchemar par la dynastie wahhabite qui explique leur volonté d'enterrer le « printemps arabe » de Damas, en exportant l'emballement de la jeunesse saoudienne vers la Syrie, l'Irak et le Yémen. La séquence Bandar-Salmane Ben Sultan, durant laquelle les deux frères avaient en charge le dossier syrien révèle clairement l'entente entre l'Arabie saoudite et le Qatar visant à soutenir les groupements djihadistes tant pour combattre le « régime nousseyriste de Damas » que « le régime renégat d'Irak », mettant à la disposition des groupements de grandes facilités militaires et financières. Le PC conjoint aménagé à Attahi, en Turquie, comprenait certes des officiers turcs et occidentaux mais aussi des officiers des pétromonarchies. Sous sa supervision, le meilleur armement était acheminé vers les groupements islamistes et non à l'« Armée syrienne libre-ASL ». Nul ne peut désormais contester l'implication des services de renseignements de Turquie, du Qatar et d'Arabie saoudite dans le financement des groupements islamiques Le discours disjonctif occidental L'Occident a exercé un Droit de préemption sur la chrétienté particulièrement la religion catholique, quand bien même le christianisme est natif d'Orient. Au point de s'identifier résolument à lui sous le terme générique d'« Occident Chrétien ». Alors que près de 25 millions d'arabes chrétiens sont dénombrés, tant dans le Monde arabe qu'au sein de la diaspora, il est difficile pour un arabe de s'affirmer chrétien, de surcroît patriote, autrement que dans le sillage occidental. Sous peine de criminalisation. Georges Ibrahim Abdallah, en prison au-delà du délai carcéral réglementaire, Mgr Hilarion Capucci, Archevêque Grec-Catholique de Jérusalem, incarcéré par les autorités israéliennes pour son soutien à la cause palestinienne, en ont payé le prix. De même, le Général Michel Aoun, Chef du Courant Patriotique Libanais, la principale formation chrétienne libanaise et partenaire du Hezbollah, artisan de l'indépendance du Liban moderne, est voué aux gémonies quand son rival, Samir Geagea, l'un des plus grands criminels de la guerre du Liban, mais allié d'Israël, est porté aux nues. Il en est de même de l'alliance contre-nature scellée entre les « grandes démocraties occidentales » avec les pétromonarchies les plus obscurantistes de la planète au nom de la « Carbon Democracy », c'est à dire la sécurisation du ravitaillement énergétique pour les sociétés industrialisées, en les préférant à d'authentiques patriotes de Mohamad Mossadegh Iran 1953), à Gamal Abdel Nasser (Egypte 1956). Récidiviste, la coalition islamo-atlantiste en fera l'amère expérience en promouvant ses supplétifs comme chef de file de l'opposition off-shore, au détriment d'authentiques patriotes, tant en Libye qu'en Syrie expliquant ses déboires dans ces deux pays. Un discours disjonctif est un discours frappé du sceau de la duplicité en ce qu'il prône la promotion des valeurs universelles pour la protection d'intérêts matériels ; un discours en apparence universel mais à tonalité morale variable, adaptable en fonction des intérêts particuliers des Etats et des dirigeants. Ainsi Laurent Fabius donnera quitus à Jabhat An Nosra estimant que cette filiale d'Al Qaida, « fait du bon boulot en Syrie », alors qu'elle est commanditaire de la tuerie de Charlie Hebdo, en janvier 2015 et l'artisan de l'enlèvement de quatre journalistes français en Syrie. Nonobstant ce fait, la France prêtera main forte aux pétromonarchies dans leur guerre contre le Yémen, favorisant, par contrecoup, la mainmise d'Al Qaida sur le Hadramaout, qui contrôle le Détroit de Bab el Mandeb, depuis le sud Yémen, alors que son propre premier ministre Manuel Valls, évoque une « guerre de civilisations ». Ah les tortuosités de la rationalité cartésienne. La politique occidentale en direction du Moyen-Orient a généré une virulente islamophobie doublée d'une arabophobie provoquant un épouvantable et dramatique chassé-croisé : 10 000 djihadistes d'Europe ont rallié les groupements djihadistes pour des combats en Syrie et en Irak, alors que, parallèlement plus d'un million de Syriens et d'Irakiens ont cherché à gagner l'Europe pour y trouver refuge. L'histoire retiendra que les « grandes démocraties occidentales », par leur alliance avec les forces les plus obscurantistes de la planète, par l'instrumentalisation de l'Islam à des fins politiques, auront nourri la forme la plus pernicieuse de la « dialectique du maître et de l'esclave » en ce que les maîtres occidentaux sont devenus les mercenaires de leurs propres esclaves. Ah les surprises de la « Carbon Democracy». Pour leur malheur et la douleur de leurs peuples. Pour le malheur des peuples arabes et de l'ensemble de l'humanité. Une histoire de fou. René Naba, le 5 novembre 2015 (Suite et fin)