La Chambre algérienne de commerce et d'industrie (Caci) bouge et fait bouger de plus en plus ses milliers d'adhérents et les décideurs au plus haut sommet de l'Etat. Son patron, Mohamed-Laïd Benamor, se confie à La Nouvelle République. LNR : Pouvez-vous dresser un bilan des activités de la Caci depuis votre élection à la présidence Mohamed Laïd Benamor : Voilà un an que j'ai pris mes fonctions de président de la Caci, et je dois bien confesser qu'une première année est à la fois une année d'audit de la situation, d'écoute des attentes de ses membres et d'engagement des mesures urgentes et structurantes. La situation bien comprise, j'ai pris la mesure des urgences et des réformes de fond à engager. Parmi elles, la nécessité de renforcer le dialogue avec toutes les parties prenantes économiques et politiques pour orienter les politiques dans le sens de l'efficacité et de la compétitivité des opérateurs économiques. Nous avons aussi raffermi nos engagements dans la diplomatie économique pour que nos entreprises algériennes renforcent leur potentiel à l'international. Cela a été fait dans la perspective de la diversification de notre économie nationale et surtout de l'acquisition de ressources nouvelles au-delà de nos revenus issus du secteur des hydrocarbures. Nous avons mené des actions d'information pour que nos membres anticipent les évolutions des environnements juridiques, fiscaux et économiques définis dans les projets de lois en cours. Ce qui a permis à nos membres de faire entendre des attentes et les aménagements souhaités. Nous avons aussi contribué à la facilitation d'accords-cadres sectoriels pour dynamiser les secteurs. C'est notamment le cas des dattes en Algérie. Nous avons enfin engagé des réformes importantes. Celles-ci replacent les CCI et leurs présidents au cœur des décisions économiques, qu'il s'agisse de la réforme des statuts de la CCI ou d'un programme d'actions ambitieux destiné à consolider la formation professionnelle, entrepreneuriale et l'accompagnement. Cela va dans le sens de l'innovation en réseau, de la sensibilisation à l'international, ou encore de l'interconnexion des CCI et de leurs meilleures pratiques et outils. C'est une feuille de route qui a été le résultat de notre première année de mandat. Nous avons aussi réenclenché un nouvel élan pour notre business school, l'Esaa. Ce dernier connaîtra prochainement des mutations qui l'éliront au rang des meilleurs business schools de la région. Les autres années seront portées par des actions tout aussi fortes car nous voulons donner un nouveau souffle à la Caci et à ses membres. Tant dans le secteur privé que celui public, les entreprises algériennes sont secouées par des tiraillements voire des confrontations entre patrons. Quelle lecture faites-vous de cette situation ? Là où vous voyez des tiraillements, moi je vois une dynamique nouvelle, un paysage nouveau où l'entreprise non seulement se réapproprie l'économie, mais aussi l'espace public, l'espace de débat. Car ne l'oublions pas, l'économie algérienne est encore à la recherche d'un modèle stable et approprié. C'est le débat, même houleux, que nous réussirons à déterminer ce modèle nouveau qui renforcera notre économie. La culture du débat n'est pas exclusivement réservée aux hommes de production du savoir. Elle est aussi celle des producteurs de savoir-faire et de ressources économiques et financières. Le marché est encore embryonnaire et émergent. Il est normal que la compétition entre les patrons se manifeste, mais progressivement, cette adversité fera naître des règles et des intérêts communs bien compris. Ils vont dans le sens de ceux de la nation et du citoyen. Mais n'exagérons pas les conflits. Dans la réalité, les grands patrons et tous les acteurs économiques du pays agissent de concert car ils savent que quand la mer monte, tous les bateaux montent. Agir ensemble est plus utile que d'agir dans l'antagonisme, et ça tout le monde l'a compris. nos avancées dans la convergence ont été plus importantes que nos revendications séparées et exclusives. Sous l'impulsion de leurs représentants à l'étranger, des pays du Maghreb bénéficient de différents soutiens financiers des pays riches à travers des investissements. A quel niveau situez-vous l'intervention des diplomates algériens en poste à l'étranger au plan économique ? Les missions économiques de nos ambassades ont énormément de potentiels, mais nous ne les utilisons pas suffisamment, ou suffisamment intelligemment. Là aussi la Caci agit pour que les opérateurs économiques algériens agissent de manière groupée auprès de leurs services d'ambassade à l'étranger. Nous avons d'ailleurs conçu un programme de sensibilisation à l'international, le «global business discovery». Ce programme permettra de mieux identifier les besoins des entreprises algériennes à l'étranger et de renforcer les liens entre nos missions économiques consulaires et nos membres. Cela amènera graduellement nos ambassades à définir des dispositifs de diplomatie économique très utiles à nos entrepreneurs. Voilà un pas en avant considérable depuis des années. Progressivement, l'influence de nos ambassades passera d'une sphère géopolitique au profit des intérêts de la nation, à une sphère géostratégique au profit des entreprises. On passera donc de l'intérêt commun, très utile, à l'intérêt général, non moins utile. Les deux d'ailleurs sont liés. Ce programme nous mènera en Russie, en Chine, en Europe, sur le continent américain et dans les pays du Golfe. A quel niveau situez-vous les investissements directs étrangers dans notre pays ? La forte baisse des Ide depuis 2010 (de 2,9 milliards de dollars en 2009 à 1,4 milliard de dollars en 2014) exigeait des réformes exceptionnelles du code des investissements. Ces réformes étaient réclamées en raison des perspectives délicates de notre économie pour les années à venir. Des réformes utiles ont été entreprises : pour ne plus figer les entreprises installées avant 2009 dans leur volonté de croissance, un renoncement à l'obligation d'avoir recours à des banques en local en raison même de la fonte de leurs surliquidités. De même qu'un réaménagement de l'obligation d'information sur les mouvements de titres qui revient à instaurer un droit de préemption de l'Etat depuis la traumatisme de l'affaire des cimenteries Lafarge. Cependant, nous pensons que nous pouvons encore aller plus loin dans les réformes par une meilleure connaissance des mécanismes économiques et des comportements des investisseurs. C'est là que nous regrettons que l'Algérie n'ait pas bâti un plan d'émergence sérieux sur une période de 10 ans pour avoir plus visibilité stratégique et plus d'audace dans sa vision et ses réformes. C'est ce qu'a rappelé notre expert le professeur Boualem Aliouat, lors de notre dernière AGO de la Caci. Nous travaillons d'ailleurs à des pistes de réflexion sur la construction d'un tel plan d'émergence pour l'Algérie sur le modèle des pays émergents qui ont connu un certain succès. Je m'en félicite car j'ai toujours soutenu l'idée d'un plan d'émergence sur un horizon 2015-2025. Espérons qu'il en sortira quelque chose et que ce travail débouchera sur un cadre d'application concret et bien piloté. C'est une autre gageure. Actuellement, votre institution multiplie les missions de prospection à l'étranger pour décrocher des marchés à l'export ? Avez-vous enregistré quelques résultats probants ? La prospection est un travail de longue haleine, mais nous ferons prochainement le bilan de notre action à l'étranger par la mise en place de mesures efficaces des apports de notre engagement auprès de nos membres sur ce point. Déjà, je peux vous dire que l'effort est constant et que les enthousiasmes sont forts. Des perspectives de croissance de nos entreprises à l'étranger apparaîtront bientôt. Comment voyez-vous l'avenir de l'économie nationale confrontée à une crise sans précédent avec un dinar plus faible que jamais ? Nous ne sommes pas la seule économie qui a vu sa monnaie baissée, le rouble a perdu une grande partie de sa valeur, et pourtant la Russie est en train de mettre sur pied une politique incitative et active de rebond économique pour lutter notamment contre la perte de pouvoir d'achat de ses classes moyennes qui sont le nerf de action et de la stabilité économique du pays. Nous nous rendons prochainement en Russie en délégation de présidents de CCI algériennes et d'opérateurs économiques. Cette proximité de situation économique sera très instructive pour nous, sans compter que de nos échanges devraient s'en trouver accru au même titre que la bonne entente de nos deux nations. Même si le dinar connait actuellement des soubresauts, des solutions existent et nous comptons bien tirer profit des solutions pratiquées ailleurs. La Caci ou la diplomatie économique Depuis son accession en 2014 à la présidence de la Caci, le patron du groupe «Amor Benamor», spécialisé dans la production agroalimentaire, et vice-président du Forum des chefs d'entreprises a décidé d'apporter sa contribution au développement économique du pays. Elu haut la main à la présidence de la Caci, il a aussitôt entamé la mise en place des jalons pour faire de cette structure économique, une priorité et un fil conducteur pour une réelle relance de notre économie. Dans sa démarche, il a placé en toute priorité, la collaboration de sa structure avec la diplomatie pour réussir en commun, la politique étrangère au service des entreprises et de l'investissement en Algérie. Ce qui ne veut pas dire qu'il a délaissé les actions à réaliser au pays. Sa qualité de vice-président du FCE plaide pour également son engagement à être partie prenante efficace dans la relance économique prônée par le président de la république Abdelaziz Bouteflika. Pour réussir son pari, il est sur tous les fronts nationaux et sur la scène internationale où les enjeux de développements et d'investissement sont à l'ordre du jour. Pour preuve ses multiples déplacements à travers divers pays des 5 continents. Il complète ainsi les missions imparties au service du ministère des Affaires étrangères chargé de promouvoir nos intérêts économiques. C'est ainsi que sortant des chemins battus qu'elle n'avait pas cessé d'emprunter depuis des années, la Caci a réussi à adapter ses objectifs, ses moyens et son organisation à ceux de la diplomatie algérienne. Celle-ci a fait de l'enjeu économique une priorité et une assise pour la mise en route d'un plan d'émergence 2015-2025. Par ses activités ininterrompues et son volontarisme, Mohamed Laïd Benamor s'est employé à insuffler un nouvel dynamisme avec une ténacité et une constance de tout instant. Il a réussi à matérialiser dans les actes, le principe de la diplomatie algérienne au service de l'entreprise, des investissements et le développement du réflexe économique. C'est-à-dire une diplomatie et des décideurs capables de négocier positivement la destination Algérie auprès des investisseurs étrangers. Cela s'est traduit en 2015, par une constante progression de la prospection avec pour objectif l'amélioration du stock des investissements directs étrangers (IDE) dans notre pays. Par également un carnet de rendez-vous importants liés à des événements économiques organisés de par le monde, des contacts directs avec des opérateurs économiques et investisseurs étrangers et la perspective de signature de nombreux accords de partenariat et d'investissements dans divers domaines. Le président de la Caci a estimé que de grandes potentialités sont encore inexploitées dans le pays. Ce qui justifie largement sa décision d'élaborer un plan d'émergence 2015-2025. Il va dans le sens du renforcement des moyens et une meilleure maîtrise du climat des affaires. Il nécessite, néanmoins, d'être promu et vulgarisé localement et bien appréhendé au niveau de nos ambassades et nos consulats.