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Les raisons du dérapage du dinar sur le marché parallèle, coté à 190/193 contre un euro le 11 février 2016
Publié dans La Nouvelle République le 14 - 02 - 2016

Le problème du dérapage du dinar sur le marché parallèle ne s'est pas amélioré, au contraire il s'est détérioré, contrairement aux discours de certains ministres déconnectés de la réalité. Je pense que les dernières mesures bureaucratiques sans vision stratégique, l'illusion tant monétaire que mécanique, dont j'avais mis en garde le gouvernement sur leur manque de cohérence, de certains membres du gouvernement, ont eu les effets inverses et accru la méfiance vis-à-vis de la monnaie nationale, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques. L'économie algérienne étant une économie fondamentalement rentière et dépend du cours du pétrole qui a été coté le 11 février 2016 à 27,29 dollars pour le WIT et 31,09 dollars pour le Brent.
Pourquoi cet artifice comptable ? La raison essentielle est qu'en dévaluant le dinar par rapport au dollar, nous aurons une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures ainsi que de la fiscalité ordinaire à travers les taxes des produits importés. Car les recettes des hydrocarbures sont reconverties en dinars, passant par exemple de 70 dinars à 10 dinars un dollar actuellement. Il en est de même pour les importations libellées en monnaies étrangères, les taxes douanières se calculant sur la partie en dinars, cette dévaluation accélérant l'inflation intérieure. Cela explique que malgré le bas prix des matières premières au niveau international, importées, cela ne se répercute pas sur les consommateurs et les produits semi finis des entreprises. Tout cela voile l'importance du déficit budgétaire et donc l'efficacité réelle du budget de l'Etat à travers la dépense publique et gonfle artificiellement le Fonds de régulation des recettes calculé en dinar algérien. L'inflation étant la résultante, cela renforce la défiance vis à vis du dinar algérien où le cours officiel administré se trouve déconnecté par rapport au cours du marché parallèle qui traduit le cours du marché. 3.- Je rappelle brièvement les sept raisons de la dévaluation du dinar. Premièrement, l'écart s'explique par la faiblesse de la production et la productivité, l'injection de monnaie sans contreparties productives engendrant le niveau de l'inflation. Selon un rapport de l'OCDE, la productivité du travail de l'Algérie est une des plus faibles au niveau du bassin méditerranéen. Le tissu industriel que certains voudraient redynamiser, sans vision stratégique, selon l'ancienne vision mécanique, sans tenir compte des nouvelles mutations technologiques et managériales mondiales est une erreur stratégique que l'Algérie risque de payer très cher à moyen terme. L'industrie représentant moins de 5% du PIB et sur ces 5% 95% sont des PMI/PME non concurrentielles, des surcoûts dévalorisant indirectement la valeur du dinar. A cela s'ajoute la non proportionnalité entre la dépense publique et le faible impact, le taux de croissance moyen malgré une dépense fonctionnement et équipement évalué à plus de 800 milliards de dollars entre 2000/2015 n'ayant pas dépassé 3% alors qu il aurait dû dépasser les 1O%, est source d'inflation. Deuxièmement, l'écart s'explique par la diminution de l'offre du fait que la crise mondiale, combinée avec le décès de nombreux retraités algériens, a largement épongé l'épargne de l'émigration. Cette baisse de l'offre de devises a été contrebalancée par les fortunes acquises régulièrement ou irrégulièrement par la communauté algérienne localement et à l'étranger qui font transiter irrégulièrement ou régulièrement des devises en Algérie, montrant clairement que le marché parallèle de devises est bien plus important que l'épargne de l'émigration. Ces montants fonctionnant comme des vases communicants entre l'étranger et l'Algérie, renforcent l'offre. Il existe donc un lien dialectique entre ces sorties de devises dues à des surfacturations et l'offre, sinon cette dernière serait fortement réduite et le cours sur le marché parallèle de devises serait plus élevé, jouant donc, comme amortisseur à la chute du dinar sur le marché parallèle. Troisièmement, la demande provient de simples citoyens qui voyagent : touristes, ceux qui se soignent à l'étranger et les hadjis) du fait de la faiblesse de l'allocation devises dérisoire. Mais ce sont les agences de voyages qui à défaut de bénéficier du droit au change recourent elles aussi aux devises du marché noir étant importateurs de services. Majoritairement elles exportent des devises au lieu d'en importer comme le voudrait la logique touristique comme en Turquie, au Maroc ou en Tunisie. Quatrièmement, la forte demande provient de la sphère informelle qui contrôle 40/50% de la masse monétaire en circulation (avec une concentration au profit d'une minorité rentière) et 65% des segments des différents marchés; fruits/légumes, de la viande rouge /blanche- marché du poisson, et à travers l'importation utilisant des petits revendeurs le marché textile/cuir. Il existe une intermédiation financière informelle loin des circuits étatiques, expliquant le résultat mitigé pour ne pas dire échec de la mesure de l'actuel ministre des finances d'intégrer ce captal argent au sein de la sphère réelle. Cinquièmement, l'écart s'explique par le passage du Remdoc au Credoc, instauré en 2009, a pénalisé les petites et moyennes entreprises et n'a pas permis de juguler comme cela était prévu la hausse des importations qui ont doublé depuis 2009, tout en renforçant les tendances des monopoleurs importateurs. Nombreux sont les PME/PMI pour éviter les ruptures d'approvisionnement ont dû recourir au marché parallèle de devises. Le gouvernement a certes relevé à 4 millions de dinars, au cours officiel, la possibilité du recours au paiement libre pour les importations urgentes, mais cela reste insuffisant. Sixièmement, beaucoup d'Algériens et d' étrangers utilisent le marché parallèle pour le transfert de devises, puisque chaque algérien a droit à 7 200 euros par voyage transféré, utilisant leurs employés algériens pour augmenter le montant, assistant certainement, du fait de la méfiance, à une importante fuite de capitaux de eux qui possèdent de grosses fortunes. Septièmement, pour se prémunir contre l'inflation, et donc la détérioration du dinar algérien, l'Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l'immobilier ou l'or, mais une partie de l'épargne est placée dans les devises. En effet, beaucoup de ménages se mettent dans la perspective d'une chute des revenus pétroliers, et vu les fluctuations erratiques des cours d'or, achètent les devises sur le marché informel.( voir étude du professeur Abderrahmane Mebtoul « Essence de la sphère informelle au Maghreb et comment l'intégrer à la sphère réelle » Institut Français des Relations Internationales – IFRI- (Paris- Bruxelles décembre 2013–60 pages). 4.-Sur le plan strictement économique, la monnaie constitue avant tout un rapport social fonction du niveau de développement économique et social, traduisant la confiance ou pas entre l'Etat et le citoyen, donc le niveau de confiance. Les distorsions entre le marché officiel et le marché informel traduit la faiblesse d'un tissu productif local, la rente des hydrocarbures donnant une cotation officielle du dinar artificielle, le marché parallèle informel reflétant sa véritable valeur. Les subventions et la distorsion du taux de change entre le cours officiel et celui du marché parallèle avec les pays voisins sont les explications fondamentales des surfacturations et de la fuite des produits hors des frontières, les mesures administratives ne pouvant qu'être ponctuelles sinon il faudrait une armée de contrôleurs. L'on doit éviter les mesures strictement monétaires, efficaces dans une économie de marché structurée, si l'on veut dynamiser la production locale à valeur ajoutée au sein de filières internationalisées. Cela passe par des entreprises performantes (coûts –qualité) privées locales/internationales, entreprises publiques sans distinction en levant toutes les entraves d'environnement aux libertés d'entreprendre, étant à l'ère de la mondialisation nécessitant de s'insérer au sein de grands ensembles dont les espaces africain et euro-méditerranéen sont les espaces naturels de l'Algérie. Et ce grâce à un co-partenariat gagnant/gagnant (balance devises partagée, accumulation du transfert technologique et managérial local), assouplir la règle des 49/51% reposant sur l'idéologie et l'aisance financière, la ressource humaine étant le pivot essentiel de la coopération. Il s'agit donc d'aller rapidement vers de profondes réformes structurelles évitant ces replâtrages conjoncturelles reportant la résolution ds problèmes dans le temps mais en les amplifiant. Dans l'histoire récente de l'Algérie, la question des réformes indispensables pour éviter un retour au FMI horizon 2018/2019, – quelles soient économiques ou politiques – a donné lieu, en raison des enjeux qu'elles représentent, à l'élaboration de stratégies antagoniques qui œuvrent à la défense et à la promotion de ces dernières ou, au contraire, à leur blocage et, à défaut, à leur perversion ou à leur ralentissement. Une autre politique s'impose, face à l'épuisement des réserves de change, du fonds de régulation des recettes et aux importantes mutations géostratégiques qui s s‘annoncent décisives dans notre région. La guérison dépend avant tout des Algériennes et des Algériens, impliquant un large Front National sans exclusive, tolérant nos divergences d'idées, source d'enrichissement mutuel. L'Algérie sera ce que les Algériens voudront qu'elle soit. La nouvelle vision stratégique pour éviter le retour au FMI sera de privilégier, l'économie de la connaissance, le développement des LIBERTES fondé sur une nouvelle gouvernance (Suite et fin)

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