L'opposition syrienne a accusé vendredi le régime syrien et ses alliés de violer massivement la trêve en vigueur depuis une semaine et de mobiliser leurs forces pour conquérir de nouveaux territoires. Riad Hijab, président du Haut Comité des négociations sur la Syrie (HCN) chargé de préparer d'éventuels pourparlers avec le régime, a déclaré que Damas et ses alliés, dont la Russie, avaient mené 90 raids aériens depuis l'entrée en vigueur de l'accord de cessation des hostilités vendredi dernier. Le groupe Djaïch al Islam, l'une des principales organisations rebelles en Syrie, a estimé quant à lui que la guerre n'avait pas cessé et exclu de faire taire ses armes tant que Damas et ses alliés poursuivraient leurs attaques. Ces constats contrastent avec ceux de l'Onu et des grandes puissances qui estiment que l'accord de trêve est globalement respecté. L'envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie Staffan de Mistura, qui espère relancer des discussions de paix le 9 mars, a estimé jeudi que la trêve tenait, même si elle demeure fragile, et que les incidents restaient contenus. Un avis partagé par les grandes puissances. "Nous avons réaffirmé l'opportunité de cette trêve pour accélérer les discussions et ouvrir un processus de transition politique", a souligné vendredi le président français François Hollande lors d'une déclaration au côté de la chancelière allemande Angela Merkel, à l'Elysée. "Et les Russes, par la voix de Vladimir Poutine, ont admis ce principe de la négociation, sur la base des résolutions des Nations unies." Les trois dirigeants se sont entretenus du conflit syrien avec leurs homologues britannique et italien. Mais l'optimisme prudent des grandes puissances n'est guère partagé par les opposants syriens, qui accusent les troupes gouvernementales de poursuivre leurs attaques dans des régions stratégiques comme le nord-ouest du pays. A Paris, Riad Hidjab a ainsi estimé que la situation sur le terrain n'était pour le moment "pas propice" à la reprise de négociations. "Il est prématuré de dire aujourd'hui qu'il n'y aura pas de reprise des négociations", a-t-il cependant ajouté en expliquant que les groupes d'opposition se concerteraient avant le 9 mars. Le gouvernement syrien, soutenu par l'Iran et la Russie, assure que son armée respecte le cessez-le-feu, qui ne concerne pas les combats contre les djihadistes du Front al Nosra et de l'Etat islamique. Le Front al Nosra est largement déployé dans l'ouest de la Syrie, souvent au côté de groupes armés qui ont accepté de cesser les hostilités et sont considérés comme "modérés" par l'Occident. "Le régime procède à d'importantes violations et occupe de nouvelles zones", accuse le chef du bureau politique du Djaïch al Islam, Mohammad Allouch, qui est membre du HCN. "Il utilise toutes sortes d'armes, en particulier des avions et des barils d'explosifs par endroits. Il y a une mobilisation pour occuper des zones stratégiques très importantes." Dans un communiqué distinct, son organisation estime que la guerre n'a pas cessé en Syrie et qu'une trêve est impossible à respecter tant que des "milices et des Etats tuent notre peuple". Le chef d'un autre groupe rebelle, qui demande à rester anonyme pour des raisons de sécurité, a déclaré que 40 camions militaires chargés d'armes avaient été aperçus jeudi soir se dirigeant vers le nord du pays. "Le régime transfère ses forces d'un endroit à l'autre, se préparant à des opérations", a dit ce commandant, selon qui ces opérations se concentrent sur la région côtière et celle de Homs, alors que la situation reste relativement calme à Alep, la grande ville du nord du pays visée par une offensive majeure des forces loyalistes il y a un mois. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a déclaré que des avions de combat avaient mené deux raids vendredi à Douma, une ville au nord-est de Damas, les premières frappes dans ce secteur depuis le cessez-le-feu. Il a également signalé des tirs de roquettes par les forces gouvernementales près de la ville de Ghassaniya, dans le nord-ouest du pays. Outre le respect de la trêve, le HCN réclame la mise en oeuvre des mesures humanitaires prévues par la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l'Onu, votée en décembre dernier. Selon Mohammad Allouch, l'aide livrée au cours des derniers jours dans les régions assiégées par les troupes loyalistes "ne couvre pas 10% des besoins et rien n'est arrivé dans la plupart de ces régions". Pour lutter contre la crise humanitaire, "nous avons décidé, tous les participants, de coordonner nos initiatives, nos efforts, pour apporter notamment à Alep, mais pas seulement, les soutiens et les aides indispensables", a dit François Hollande en résumant la conférence téléphonique avec Vladimir Poutine. Dans leur conversation avec le président russe, les dirigeants européens ont constaté leur désaccord sur la volonté du régime syrien d'organiser prochainement des élections. Le Kremlin a considéré que la tenue de législatives en avril, voulue par le régime de Bachar al Assad, "n'empêcherait pas de progresser vers la construction d'un processus de paix" alors que François Hollande, a jugé l'idée "provocatrice".