Après les résultats très mitigés, comme je l'avais prévu dans maintes contributions, sur le site www.maghrebemergent.com, de la tentative d'insertion du capital-argent de la sphère informelle au sein de la sphère réelle. Le gouvernement algérien, face à la chute du cours des hydrocarbures, se lance dans l'emprunt obligataire à compter d'avril 2016, tout en envisageant, avec des discours contradictoires des responsables, l'éventualité d'un endettement extérieur, d'ailleurs irréversible selon le FMI dans son rapport de mars 2016. 1.- Pour l'Algérie, l'emprunt obligataire de l'Etat, qui est une dette garantie par l'Etat mais supportée par les générations futures, sera lancé en avril prochain, comme je l'ai suggéré au gouvernement plus de trois ans (www.google.com 2012). Il serait exclusivement dédié à l'investissement économique, sous formes de bons anonymes, avec un taux d'intérêt de 5%, selon le ministre des Finances, mais sans précisions des modalités, sachant que l'Algérie ne pourra pas attirer d'investissement porteurs sans vision stratégique et cohérence de la politique économique et avec la généralisation de la règle des 49/51% où l'Algérie supporte tous les surcoûts, sans garanties de transfert technologique et managérial. Aucune somme limite ne sera fixée pour cet emprunt obligataire étatique, sans préciser l'origine du capital-argent,. Le gouvernement espère drainer une fraction du capital argent de la sphère informelle qui représente 40% de la masse monétaire en circulation et occupe 50% de la superficie économique selon les rapports internationaux. En réalité, face à l'importance du déficit budgétaire, cet emprunt concerne les dinars en circulation en réalité a pour but de combler le déficit budgétaire en cas d'épuisement du Fonds de régulation des recettes prévu au rythme de la dépense actuelle courant 2017 et donc du déficit important de la loi de finances 2016. Ce déficit budgétaire s'établit à plus de 38 milliards de dollars au cours 60 dinars un dollar pour le baril de pétrole( le prix du gaz étant indexé représentant 33% des recettes de Sonatrach) et au cours de 98 dinars un dollar. Ce dérapage pour ne pas dire dévaluation voile l'importance du déficit budgétaire et gonfle artificiellement le Fonds de régulation des recettes calculé en dinars. Il ne concerne pas l'équilibre de la balance des paiements où les importations de biens et services y compris les transferts légaux de capitaux ont été de 75 milliards de dollars en 2014 et 65 milliards de dollars en 2015. Et ce malgré les mesures de restrictions aux importations, bon nombre de rubriques étant incompressibles, sinon toute la machine économique serait à l'arrêt, se font en devises, les services souvent oubliés, représentant entre 11/12 milliards de dollars annuellement entre 2010/2015. Afin que l'emprunt obligataire puisse avoir un effet positif existent plusieurs conditions liées. Premièrement, le taux d'intérêts doit être supérieur au taux d'inflation. Sinon les ménages se réfugieront dans l'achat de devises fortes, de l'or ou de l'immobilier afin de préserver le pouvoir d'achat de leur épargne. Deuxièmement, il y a lieu d'éviter le dérapage accéléré du dinar qui a indirectement un impact à la fois sur les coûts de production des entreprises publiques e t privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15% et sur le pouvoir d'achat des ménages dont les besoins dépendent à 70% de l'extérieur, un dinar dévalué de 30% du fait des taxes fiscales arrivant aux consommateurs avec une augmentation de plus de 50%. Troisièmement, de véritables réformes micro-économiques et institutionnelles avec deux écueils à éviter impliquant un changement culturel de certains responsables : l'illusion monétaire. Dans une économie productive, toute dévaluation du dinar aurait du entraîner une dynamisation des exportations hors hydrocarbures. Or le cours du dinar est passé de 5 dinars un dollar en 1970 à plus de 107 dinars un dollar en 2015/2016 et l'Algérie est toujours mono –exportatrice 97% d'hydrocarbures avec les dérivées et le secteur privé représente moins de 1% des exportations totales montrant que le blocage est d'ordre systémique. Deuxième écueil, éviter l'illusion de l'ère mécanique des années 1970. L'on devra synchroniser la sphère financière avec la sphère réelle et prendre en compte les nouvelles mutations mondiales à l'approche de la quatrième révolution industrielle. Sous réserves d'objectifs stratégiques précis, il est souhaitable un grand ministère de l'économie pour éviter les dysfonctionnements ainsi que le primat de l'économie de la connaissance d'où aussi l'importance d'un grand ministère de l'éducation nationale et de la recherche scientifique. 2. Concernant l'endettement extérieur, tout dépend de la capacité de remboursement et donc d'une économie productive concurrentielle en termes de cout/qualité, étant à l'ère de la mondialisation. La majorité des pays développés sont endettés mais ont un appareil productif performant, gérant leur endettement avec précaution afin de ne pas faire supporter ce fardeau aux générations futures. Ainsi, la dette publique mondiale s'élève entre 2014/2015 à près 55 000 milliards de Dollars contre 26 000 milliards en 2005. Si l'on ajoute les dettes privées, la dette mondiale atteint même les 100 000 milliards de dollars selon une étude publiée récemment par la Banque des règlements internationaux. A titre de comparaison, le PIB mondial en 2013 était de 74 000 milliards. La dette publique américaine s'élève en 2015 à 18 300 milliards de dollars, soit 110% du PIB national. La dette de la France a atteint plus de 2 100 milliards d'euros en 2015 approchant 98% du PIB. L'endettement public de l'Italie dépasse les 135 % du PIB, le Portugal 130 % et le Japon 230% du PIB . Selon des études internationales la dette des ménages et entreprises atteint 270 % du PIB en Irlande 222 % au Danemark. Si l'on cumule emprunts publics et privés, la dette a atteint en 2015 environ 270 % du PIB. Au vu des taux d'intérêts internationaux bas, sous réserve que ces emprunts le soient à moyen et long terme, je suis favorable afin de préserver nos réserves de change. C'est que le cours du dinar algérien (comme le rouble russe qui subi une dévaluation importante) est corrélé à 70% aux réserves de change via la rente des hydrocarbures. Tout amenuisement de ces réserves entraîne automatiquement un dérapage du dinar officiel étant passé depuis une année de 75 dinars à plus de 107 dinars un dollar et avec un écart de 30/40% sur le marché parallèle. Aussi les réserves de change évaluées à 143 milliards de dollars au 01 janvier 2016 par le FMI contre 193 milliards au 01 janvier 2015 doivent être utilisées à bon escient. Si les réserves de change étaient de 10 milliards de dollars, le cours officiel du dinar serait coté à plus de 200 dinars un dollar avec un écart plus important sur le marché parallèle. Dans ce cadre comme je l'ai suggéré au gouvernement, si le cours devait se maintenir à un cours bas, l'emprunt extérieur ciblé concernant les entreprises productives qui peuvent rembourser le principal et les intérêts est souhaitable. L'on devra écarter tout emprunt extérieur pour les segments non exportateurs et les importations devant mettre en place les réformes pour une croissance soutenue. Lorsque certains parlent d'autofinancement de Sonatrach, ils oublient Sonatrach n'est pas la propriété des dirigeants de Sonatrach mais la propriété de toute la collectivité qui finance toute l'économie. Face à la conjoncture financière difficile, la dette extérieure étant inférieure à 4 milliards de dollars, une situation différente des années 1986, existant des marges de manœuvres, elle doit jouer son rôle commercial pouvant se porter emprunteur sur le marché financier international mondial. Elle ne doit pas s'autonomiser au détriment des autres secteurs de l'économie car avec un cours moyen de 40 dollars le baril, son profit net, déduit des charges, ne dépasse pas 15 milliards de dollars et à 50 dollars 21 milliards de dollars et comment dès lors financera-elle son programme de 90/100 milliards de dollars ? En résumé, si l'on veut éviter les effets pervers tant de l'emprunt obligataire que de l'emprunt extérieur, s'impose une autre gouvernance reposant sur des institutions réalisant la symbiose Etat-citoyens pour un retour à la confiance reposant sur la moralité, et de profondes réformes structurelles, micro-économiques et institutionnelles, certes difficiles car déplaçant d'importants segments de pouvoir assis sur la rente.