La ville de Cherchell, dénommée Caesarea, en sa qualité de capitale de la Numidie, est un véritable musée à ciel ouvert; cette cité fut la seconde ville d'Afrique du Nord après Carthage, avec une population estimée à 100 000 habitants selon Stéphane Gsell; hélas elle n'a pas su se prémunir contre le fléau du vol et du pillage archéologique. A travers ce lancinant constat, qui impose une remontée aux origines des legs Antique et historique, s'apprécie l'ampleur du préjudice dû en partie à l'abandon et au désintérêt dont furent victime dans le passé, ce patrimoine et ces sites au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. Les tréfonds du sous-sol de la ville de Cherchell, héritière parfaite du patrimoine antique, archéologique et historique des dynasties Massyles, Masaesyles, notamment celles descendantes de Massinissa à l'instar des rois berbères Hiempsal, Juba et Ptolemee, recèlent des trésors d'une valeur archéologique inestimable. Dans ce constat, il convient de ne pas omettre, le rôle joué par Cherchell, dès les premiers jours de la pénétration fatimide, attesté par la découverte des chapitaux datables des 10 et 11e siècles qui rappellent ceux du palais Ziride d'Achir, mais aussi par la découverte près de l'ex-place romaine de Cherchell, d'un mihrab d'une mosquée d'époque fatimide. Jalousement préservée au profit de notre mémoire collective et pour la fierté des générations futures, cette portion d'histoire leg d'une civilisation berbère originelle a été résolument consacrée par l'ascension d'empereurs africains au sein de l'empire de ROME (l'empereur Macrin né en 164 à Cherchell, et l'empereur Septime Severe de la Tripolitaine d'Afrique du Nord qui a régné sur ROME en 193-221) . Le musée de Cherchell, qui a vu le jour en 1856, est l'un des premiers musées d'Algérie avec Alger et le musée Cirta de Constantine. Les autres musées (le musée Zabana d'Oran, les antiquités, les beaux-arts et les arts africains ) sont postérieurs à celui de Cherchell. Ainsi, au lendemain de l'occupation française de Cherchell en 1840, un panel d'architectes et d'archéologues de renom (Gsell, Gauckler, Blanchere, Mgr Lavigerie et Ravoisie), ont entrepris de dresser des dessins et l'état des lieux des antiquités de cette ancienne capitale numide. Les recherches et les investigations, bien que menées avec adresse et compétences furent altérées par des aléas ayant affectés le sens historique de certaines pièces antiques par : -L'absence de plusieurs publications archéologiques du site de Cherchell -Le non-respect des antiquités par les cherchellois qui y voient des freins et entraves à leurs constructions -L'exode des pièces archéologiques et le transfert de belles statues et mosaïques de Cherchell vers des musées étrangers (Tunis, Le Louvre) ou nationaux (Alger) – L'absence de plusieurs plans de fouilles archéologiques ayant un caractère inédit et menées à la fin du 19éme siècle -L'hétérogénéité, l'imprécision du dossier concernant le site de Cherchell et la non conservation de plusieurs archives, rédactions et rapports annuels Tout au long de l'histoire et de la pénétration coloniale dans cette ville, il a été observé un pillage et un vol des antiquités qui ne dit pas son nom, car cette opération s'est faite sous l'apparence d'un exode massive légalisé de mosaïques et de statues vers d'autres musées étrangers ou nationaux. Cependant ce délit, n'est pas la seule tare, car les trésors numismatiques (monnaies) cherchellois ont connus trop souvent des transfert illégaux. En effet, ce sont des milliers de pièces de monnaies d'or, d'argent, de bronze et de cuivre, datant des époques numides, romaines ou arabes, qui transitèrent hors du territoire de Cherchell par la grâce de receleurs, de rabatteurs, de «prospecteurs de tout genre» ou tout simplement de contrebandiers locaux. Ces trésors étaient découverts, soit fortuitement lors de travaux de fouilles, de fondations ou de recherches, soit suggérés par des légendes d'apparence fantaisiste à l'image du «légendaire cheval d'or», qui, selon la légende locale serait encore enterré sous l'actuelle mosquée aux cents colonnes. A l'instar de certains musées internationaux, le vol a été un phénomène courant chez nous, mais freiné grâce à la vigilance d'honnêtes fonctionnaires, à l'image de ces vestiges de mosaïque qui sont allés orner les résidences de responsables locaux, ou bien leur mise à la «réforme», l'exemple le plus frappant, serait la mystérieuse disparition de la porte d'Alger au lendemain de l'indépendance. Selon des rumeurs persistantes, cette porte d'Alger, un vestige colonial érigé au lendemain de la colonisation, aurait été démolie et ses grosses dalles, récupérées auprès des vestiges antiques romains locaux monumentaux ; cette porte d'Alger, toujours selon la rumeur locale, aurait été délocalisée vers une propriété privée. Vrai ou faux, tous les riverains locaux de Cherchell, se sont réveillés, un beau matin des années soixante, pour constater la disparition de leur monumentale porte d'Alger. Chez nos voisins marocains, le phénomène du vol toucherait les objets d'apparat et d'ameublement provenant de la démolition de belles demeures ou palais du 12e 13e, 14e, jusqu'au 16e siècles. A Cherchell, le désintérêt et l'abandon dans un passé récent des vestiges antiques ou historiques avait pris des proportions alarmantes. L'histoire moderne de la ville foisonne d'exemples dramatiques ou des sites entiers furent la proie du béton, bien que considérés comme patrimoine antique national, où s'érigent de luxueux palaces dignes des Contes des mille et une nuit. Les monuments historiques ont été délibérément détruits au vu et au su de la population locale. Les cas les plus édifiants sont la disparition de Bab Echerk ou porte d'Alger , la porte de Miliana qui a aussi disparu, le Fort turc, rasé qui est devenu un parking désert, l'îlot Joinville est défiguré par sa reconfiguration nouvelle, ainsi que de l'hippodrome, vestige monumental unique, classé patrimoine national. Dans un récent article, nous avions noté que certains anciens responsables culturels y voyaient dans cette situation «un état d'esprit et une vision éducative et pédagogique de la notion de patrimoine, dues à une absence de sensibilisation au concept historique perçu en terme de résistance et de luttes contre les invasion subies par Cherchell». Des associations se sont élevées et estiment que «la réduction du patrimoine archéologique est inversement proportionnelle à la poussée des constructions illicites, anarchiques ou favorisées par des POS et des PDAU».