Avril 2016, le printemps pointe le bout de ses bourgeons et les hirondelles ont entamé leur ballet tonitruant. Dans les diverses cimaises d'Algérie, l'on ressent un frémissement des activités, et la culture revient trouver ses droits pour s'imposer à un public très exigeant. Lueur d'espoir lucide, sans fioritures béates. Ils exposent, s'exposent et prennent leur art à deux mains pour nous imposer au regard des œuvres sans cesse novatrices, en adéquation avec leur époque. Parmi ces artistes, le plasticien Salah Malek revient à ses premières amours minimalistes pour nous proposer à la galerie de l'Espaco d'El-Achour un très bel exercice de style réalisé sur trente- deux étapes de formats divers, souvent assez larges, formes effilées, allongées, cubes ou forex et verre. Salah Malek, amoureux de la matière, nous livre une palette de son talent inné, de domestiquer la forme, le support et le matériau, il n'hésite pas à inclure un aspect éphémère qui paraphrase son aspect général très minimaliste. Il déclare tout de go que c'est un retour des choses avec ce sentiment qu'il sait aujourd'hui ce qu'il fait, quelles pistes il investit et pourquoi, dans son texte «Strates», le plasticien fait l'affirmation de ses principes en précisant que : «Le choix du mot «Strates» comme nom générique de mon exposition est en soi explicite, car il indique l'intention contenue dans chacune des œuvres qui la composent. Si on choisit la définition relative à la personnalité.» : «Chacun des niveaux, des plans imaginaires qui, accumulés, superposés, sont constitutifs de quelque chose : les strates de la personnalité»... «...Chaque peinture a une histoire qui lui est propre, qui incorpore ces définitions auxquelles vient s'ajouter la relation que j'établis avec chacune d'elles, propose un dialogue ou l'œil du spectateur viendra effleurer la surface produite, mais ou le mental ira en profondeur pour en comprendre la structure. Quel que soit le départ choisi, instinctif ou mesuré, une organisation vient peu à peu se mettre en place et en fin de compte apporter une solution probante au chaos. Je procède sur des surfaces produites à l'acrylique à une série de gestes qui va crescendo jusqu'à ce que ce processus s'arrête de lui-même, car il est dans cet instant présent, la solution recherchée. Cette nouvelle série qui est totalement abstraite se rapproche le plus de ce que je recherche à explorer et donner à voir, ou plus précisément à ressentir. ». L'artiste que l'on sait aussi acteur important de la peinture algérienne dans la génération des Abdelouahab Mokrani, Arezeki Larbi, Mustapha Nedjaï, Akila Mouhoubi, Zoubir Hellal et bien d'autres, reste un plasticien majeur régulier dans son expression et très prolixe dans le concept. Il vient dans «Strates» investir un espace de 400 mètres carrés dans une adéquation parfaite avec les éléments, les arcatures et les décrochés qui peuplent cette très belle galerie. Entre craie, acrylique, graphite et verre, Salah Malek use de l'anonymat des sans titres pour nous mener sur les mystères de compositions sobres, souvent monochromes ou faussement monochromes à bon escient, il compose sur un mode vertical, fin, prend ses aises sur de larges supports aux larges plages de formes, de graphismes émouvants, subtils, fait de pistes en graphites, d'incursions à la craie qui ont pris au dépourvu de nombreux visiteurs, émus de voir que ces œuvres se déclinaient sur un mode éphémère. Salah Malek identifie quelque unes de ses peintures, avec «Matrice», «Eclats», «Paysage intérieur», «Nuance de gris et de blanc», «Résonnances», «Construction», «Geste», «Graphisme», «Trame»...Le matériau est toujours là, le plasticien use de sa dextérité pour réaliser des patines, des graphismes nerveux, et de grandes touches peintes dans la plus délicate alchimie, on aurait cru à de superbes calligraphies minimalistes japonaises qui auraient oublié sciemment l'encre noire. Les compositions sont savantes, elles sont équilibrées et, au-delà de la première surprise passée, face à cette absence faussée de couleurs nous montre en fait que le monde de Salah Malek, même si en apparence reste silencieux, nous dit en réalité bien plus qu'il n'y paraît et c'est pour cela que le parcours initiatique aussi peu virginal en fait que de raison, nous laisse admiratifs d'un superbe jeu de pistes entre l'éphémère et le pérenne dans une aventure des sens entre l'indicible et l'intelligible ton par ton qui vaut le détour par le mystère qu'il stimule. A voir avec les yeux, et à écouter avec les cellules grises...puisque il s'agit ici aussi de beaucoup de gris. Exposition « Strates » de Salah Malek, visible à l'Espaco Gallerie, du 09 avril 2016 et en continuité pour un mois : Résidence CMB, 196, Oued Terfa, El Achour, de 9h00 à 18h00, entrée libre, renseignements au 0665 20 87 98 et 0558 28 10 16