Un colloque international sur l'œuvre de l'auteur algérien d'expression amazighe Belaid Ath Ali (1909-1950) s'est tenu, les 24 et 25 du mois courant, à Tizi Ouzou. Cette rencontre, organisée par le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA), en collaboration avec le Laboratoire de l'aménagement et de l'enseignement de la langue amazighe (Laela) de l'université de Tizi Ouzou, et avec le soutien de la direction locale de la culture, était placée sous le thème «Belaid Ath Ali, un auteur et une oeuvre à relire». Elle a regroupé des chercheurs issus notamment des universités de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira, et des étrangers venus de France et d'Italie, qui ont abordé différents aspects de l'oeuvre de Belaid Ath Ali de son vrai nom Izarar Belaid, considéré comme le premier écrivain d'expression Kabyle. Dans la problématique de ce colloque, les organisateurs expliquent, en effet, que son oeuvre «constitue un moment important dans l'histoire de la littérature amazighe de Kabylie». Tout en reprenant des genres et des textes de l'oralité traditionnelle, Belaid Ath Ali les a retravaillé pour y injecter une tendance à la modernité littéraire. Son texte «Lwali n udrar», écrit durant les années quarante est considéré désormais comme le premier roman en «tamazight». L'ambition de ce colloque, était de participer à «l'approfondissement et au renouvellement de la critique de l'oeuvre de cet auteur pionnier», ont souligné les organisateurs de cet événement scientifique qui s'est articulé autour de cinq grands axes, à savoir, «Critique de la critique des écrits de Belaid Ath Ali», «Approche textuelle dont l'objectif est de déceler les tendances (et spécificités) stylistiques de l'oeuvre», «L'importance des écrits de Belaid dans l'histoire littéraire», «Les écrits de Belaid comme corpus», et «L'oeuvre de Belaid vue par ses pairs». Une trentaine de communications étaient programmées durant cette manifestation portant entre autre sur «Les écoles au début de la colonisation», «Quelques particularités linguistiques de l'oeuvre de Belaïd Ait Ali», «La poésie de Belaïd Aït Ali, entre tradition et modernité ou pour une poétique de la rupture», «L'interface de l'oralité et de l'écriture dans les récits de Belaïd Ait Ali entre autobiographie et ethnographie» et «De l'humour et de la dérision dans l'oeuvre de Belaïd Ath Ali». Deux ateliers sur les techniques d'écriture de nouvelles et de romans, et la traduction de et vers tamazight étaient également au menu de ce colloque, encadrés respectivement par Saïd Chemakh, (maître de conférences à l'université de Tizi Ouzou) et Boudjemaâ Aziri ( docteur en traductologie et cadre au HCA). Belaid Ath Ali (1909-1950), auteur algérien d'expression amazighe, est l'un des «défricheurs» de la langue amazighe, a indiqué dimanche à Tizi Ouzou, le secrétaire général du Haut-commissariat à l'amazighité (HCA). El Hachimi Assad qui intervenait à l'ouverture des travaux du colloque international sur «Belaid Ath Ali, un auteur et une œuvre à relire», organisé par le HCA en collaboration avec le Laboratoire de l'aménagement et de l'enseignement de la langue amazighe (Laela) de l'université de Tizi Ouzou, a soutenu que le développement de cette langue nationale et officielle, «ne saurait se faire sans la connaissance des pionniers». «C'est grâce aux travaux des défricheurs qui commencèrent par Apulée de Madaure en passant par Belaid Ath Ali, qu'aujourd'hui nous avons une base de connaissances, d'observations, de savoir et de technicités qui nous permettent de nous projeter dans l'avenir», a-t-il ajouté. M. Assad a rappelé que l'objectif visé par ce colloque est d'introduire les textes d'auteurs amazighs, tous genres confondus, dont ceux de Belaid Ath Ali et d'Apulée de Madaure, dans le programme scolaire national. Le wali de Tizi Ouzou, Brahim Merad a rendu hommage à ce «fin connaisseur» de la littérature orale kabyle, qui a traduit et écrit des légendes anciennes et produit des textes qui «ressemblent fortement au genre romanesque». Le mérite lui revient d'avoir été «le premier prosateur d'expression kabyle et son texte Lawali n Oudrar peut être considéré à juste titre comme le premier roman en tamazight», a-t-il soutenu. Les participants à ce colloque ont relevé un «regain d'intérêt», aux écrits de cet auteur, qui font l'objet depuis une quinzaine d'années d'une «importante et riche production» universitaire et médiatique (mémoires, thèses, articles de presse...). «Aussi bien pour le profil atypique de l'auteur, l'importance historique de ses textes que pour la valeur intrinsèquement stylistique de son écriture, Belaid Ath Ali est considéré présentement comme le véritable fondateur de la littérature écrite en langue amazighe. Son œuvre mérite des lectures renouvelées et des regards croisés», ont confirmé des participants à ce colloque. La poésie kabyle révolutionnée Belaïd Ath Ali a révolutionné la poésie kabyle à travers l'introduction d'un nouveau style et de nouveaux thèmes, a estimé Abdelhak Lahlou, enseignant à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (Paris, France). Dans sa communication «La poésie de Bélaïd Ath Ali, entre tradition et modernité ou pour une poétique de la rupture», présentée à l'occasion du colloque international consacré à l'œuvre de cet auteur d'expression amazighe (1909-1950), M. Lahlou a précisé que ses poèmes étaient «accessibles et transparents» du point de vue de la langue et des thèmes abordés. «Belaïd Ath Ali a introduit une poésie transparente qui s'attache aux préoccupations quotidiennes de ses concitoyens et à l'environnement dans lequel il vivait», a-t-il précisé, signalant qu'il écrivait dans un style facile avec des expressions lisibles et compréhensibles de tous. Cet auteur qui a marqué le passage de l'oralité vers l'écrit dans la littérature écrite en langue amazighe a développé «une poésie intimiste dans laquelle il a abordé de ses propres expériences. Il a raconté son divorce, sa solitude et ses déceptions, ce qui a constitué une nouveauté dans la poésie kabyle», a signalé l'intervenant. L'autre nouveauté apportée par Belaïd Ath Ali dans la poésie kabyle est la ponctuation, notamment les points d'exclamation et d'interrogation, et les questionnements, a-t-il soutenu. «L'auteur posait des questions pour lesquelles il avait des réponses rien que pour exprimer des points de vue». Cette nouvelle tendance dans la poésie kabyle est retrouvée aujourd'hui chez plusieurs écrivains et artistes à l'image de Ben Mohammed, Amar Mezdad et Lounis Aït Menguellet, a indiqué M. Lahlou. Abordant des cahiers de Belaïd Ath Ali, Nourdine Bellal de l'université de Bouira a soutenu que l'écrivain en début de son parcours littéraire «n'avait pas la prétention d'être reconnu en tant que tel, dans la mesure où il ne jouissait pas de compétence linguistique ou de conscience identitaire et idéologique et encore moins de moyens matériels nécessaires pour un projet d'écriture».