En désignant Boudjemaâ Talai à la tête de deux secteurs sensibles regroupés dans un même ministère, les transports et les travaux publics, le président de la République exprime publiquement sa satisfaction quant à la gestion du premier, d'une part, et sa détermination à voir rapidement concrétiser le projet de l'autoroute Est-Ouest, d'autre part. Cette nomination intervient à l'ombre du scandale de l'autoroute Est-Ouest et au moment où la réalisation de cette infrastructure routière est confrontée à un important retard depuis son lancement en 2006. Bon nombre de spécialistes de la chose économique ont souligné la pertinence du choix du président de la République. Ils argumentent le coup de fouet que Boudjemaâ Talai, un ingénieur en travaux publics, a donné au secteur de transports. Il est reconnu que dans le domaine du ferroviaire, terrestre, aérien et maritime, ce ministre a secoué la nonchalance qui caractérisait ses proches collaborateurs. Il avait eu pour mission de relancer d'importants projets en souffrance depuis des années, il l'a fait. Pour preuve, la prochaine réception de plusieurs projets socioéconomiques et leur mise en exploitation avec tout ce que cela sous-entend comme création de richesses et d'emplois. C'est dire que placé aux commandes des travaux publics, Talai devrait solutionner les difficultés enregistrées dans ce secteur ces dix dernières années. En tête de liste, le reste à réaliser de l'autoroute Est-Ouest. Longue de 927 km, elle n'est toujours pas achevée dix années après le premier coup de pioche en 2006. Avec les 11,4 milliards de dollars qui lui sont destinés, le projet qualifié par des experts étrangers de plus coûteux d'Afrique aurait dû l'être 40 mois plus tard. Les prétentions et les comportements condamnables de certains intervenants ont servi de frein. Dans le dossier de passations de consignes, seront citées 61 entreprises nationales (publiques et privées) et étrangères aux côtés de 32 bureaux d'études et d'exécution. Ils sont chargés de la réalisation de 15 pénétrantes et rocades prévues par le tracé du projet. Interpellé au début de ce dernier mois de mai par les membres de la commission de l'habitat, de l'équipement, de l'hydraulique et de l'aménagement du territoire à l'APN, le ministre des Travaux publics, Abdelkader Ouali, avait évoqué les efforts déployés par son département ministériel pour aplanir et régler tous les problèmes. Il avait cité ceux liés aux expropriations des terrains et indemnisations, à l'environnement et au transfert des différents réseaux. «Nous avons accéléré la cadence des travaux en renforçant les moyens de réalisation et en portant, le nombre des intervenants de 4 000 à 6 000 travailleurs sur le tronçon ouest de l'autoroute», avait-il souligné quelques jours avant son limogeage. Il avait révélé que pour un problème de financement, la réception des équipements (dont le péage) de l'autoroute Est-Ouest, initialement prévue début 2017, est reportée à 2018. Il ressort de la lecture du rapport de l'Agence nationale des autoroutes (ANA), que pas un seul lot du projet d'autoroute Est-Ouest n'a atteint les 45%. «Manque de plans et mauvaise qualité des matériaux à l'autoroute Est-Ouest» ont été les causes précisées dans ce même rapport. La mauvaise volonté (entretenue par quelques cadres algériens) dans l'exécution des travaux confiés aux groupements chinois Citic-CRCC et le japonais Cojaal est soulignée. On saura que dans le dossier judiciaire, 16 personnes entre cadres algériens et des étrangers ont été citées. L'enquête indique l'utilisation par les Chinois de matériaux non conformes à la réglementation algérienne. Egalement cité le groupe canadien SNC Lavalin en charge du contrôle des travaux de l'autoroute. «Le contrôle Lavalin se faisait d'une façon aléatoire et complaisante», soulignent les enquêteurs. Ce retour sur le dossier autoroute Est-Ouest est nécessaire pour mieux cerner les difficultés qui attendent le ministre des Transports et des Travaux publics. Il est certain que Boudjemaâ Talai bousculera un grand nombre de ses proches collaborateurs pris dans le piège de la routine. Ce qui lui permettra de mieux appréhender le dossier de la réalisation des 24 autres autoroutes reliant les wilayas de l'intérieur du pays à l'autoroute Est-Ouest. S'y ajoutent 48 gares de péage sur échangeurs, 7 autres en pleine voie, 22 centres d'entretien et d'exploitation, 67 aires de repos, 43 aires de service et 1 412 postes d'appel d'urgence. Le tout complété de 154 stations de recueil de données de trafic, 1.289 caméras de surveillance et 63 stations météo. Pour éviter l'échec, les experts ont estimé incontournable un nettoyage en profondeur des structures du ministère des travaux publics et celles décentralisées. Il est aussi prévu d'augmenter le nombre d'intervenants de 4 000 à 6 000 dans le but d'accélérer la cadence des travaux. Pour s'assurer du succès de sa mission, Boudjemaâ Talai mettra certainement en pratique son pragmatisme dans l'approche des problèmes, sa rigueur et sa clairvoyance dans la prise des décisions. Ce qui lui impose préalablement de balayer les relents du scandale généré par une gestion désastreuse des travaux publics par Amar Ghoul.