La tripartite du 5 juin dernier a relevé la décision prise par le gouvernement concernant un nouveau projet de loi modifiant l'ordonnance 97-13 instituant le départ à la retraite sans condition d'âge. Cette nouveauté a suscité beaucoup de commentaires chez les experts économiques. Les avis restent mitigés entre ceux qui considèrent ce projet de loi comme bénéfique pour l'économie nationale dans la conjoncture actuelle et ceux qui la critiquent, relevant des anomalies dans la prise de cette décision qui a été discuté entre gouvernement, syndicats et patronat. Cités par l'APS, plusieurs experts ont développé leur avis à ce sujet. Le conseiller aux affaires économiques et sociales du secrétaire général de l'Union général des travailleurs algériens (UGTA), Lakhdar Badredine, pour défendre ce nouveau projet de loi, a estimé que le maintien du départ à la retraite sans condition d'âge est «un risque pour l'avenir de la Caisse nationale des retraites (CNR)». Le responsable qui rappelait que l'UGTA a toujours appelé pour un départ à la retraite sans limite d'âge rétorque qu'aujourd'hui, «il est devenue un risque pour l'avenir de la CNR», expliquant ceci par le déficit qu'il y a entre travailleurs actifs et retraités. «Il y a plus de retraités que de travailleurs actifs comparativement aux années précédentes», a souligné Lakhdar Badredine. Estimant que la population algérienne est très jeune alors que le départ à la retraite est de 50 ans, le même responsable a regretté la position de certains syndicats qui se sont opposés à la suppression de la retraite sans conditions d'âge. En même temps, le conseiller de l'UGTA a rappelé que ce projet a été étudié et murement réfléchi. Par ailleurs, Lakhdar Badredine a avoué que des métiers de haute pénibilité pourraient être influencés négativement par ce nouveau projet. A cet effet, il a annoncé que des discussions avec le gouvernement sont en cours pour identifier ces métiers de manière à faire bénéficier ces travailleurs d'un statut particulier. Pour exemple, le responsable a cité le secteur des mines, les chemins de fer, les hauts fourneaux et les forages pétroliers. Il a précisé que cet aspect sera pris en compte dans la nouvelle loi qui instituera le départ à la retraite à l'âge de 60 ans. D'un autre point de vue, le docteur en économie et statistiques appliqués Walid Merouani estime que la révision de l'âge de départ à la retraite est «une décision sage mais pas la meilleure qui soit pour assurer la pérennité du système algérien de retraite». Pour expliquer le côté positif de cette décision, le chercheur explique qu'elle «aura un impact significatif sur les dépenses de la CNR dans la mesure où les dernières vont forcément ralentir». Sur un autre volet, il prévient contre «la croissance des recettes qui devraient s'accentuer sur le long terme vu que les travailleurs cotiseront plus longtemps». Le chercheur prédit notamment une baisse des transferts de l'Etat au titre de son budget social, conséquemment à la surpression de la préretraite. Pour développer son point de vue sur le danger que présente ce projet de loi, Walid Merouani estime qu'il incitera les jeunes travailleurs à l'informalité. D'un autre côté, ce projet de loi va mettre de l'ordre sur le marché du travail. En effet, le président de l'Association nationale des économistes algériens, Saadane Chebaiki, estime que cette décision empêche les travailleurs et employés de fuir leurs postes de travail pour aller exercer ailleurs en bénéficiant en même temps d'une retraite anticipée. De son côté, le vice-président du Conseil national économique et social (Cnes), Mustapha Mekidèche, a jugé la révision du système des retraites loin d'être une priorité. Il a, à cet effet, expliqué son refus lors de la dernière tripartite de la proposition de porter l'âge de départ à la retraite à 65 ans. Selon lui, il propose qu'«on devrait s'intéresser à d'autres aspects plus prioritaires», recommandant d'avancer sur d'autres dossiers de la réforme. «Il faut plutôt s'intéresser au dossier des transferts sociaux et d'augmentation des prix, y compris dans le secteur de l'énergie où il y a un gaspillage énorme», a-t-il dit, mettant l'accent sur l'investissement hors hydrocarbures. «Le dossier relatif au travail, aux salariés et aux retraités demeure très sensible, car c'est un aspect qui risque d'engendrer des conséquences négatives sur le front social», a-t-il averti.