Encore conquérant voilà un mois, le commandant des forces armées de l'Est, Khalifa Haftar, voit son étoile pâlir à Benghazi, sa principale prise de guerre. Lâché par ses alliés sur place, il est également graduellement abandonné par ses principaux soutiens diplomatiques. L'occasion, pour le chef du «gouvernement d'union nationale» Fayez Sarraj et ses alliés misratis, d'opérer une contre attaque. A Benghazi, Khalifa Haftar vient d'enregistrer la défection du patron des renseignements militaires, Salah Boulagheeb, qui lui avait apporté une aide précieuse lors de la conquête de la ville, et d'un autre commandant, Faraj Qaim. Ces derniers se sont rapprochés du ministre de la Défense du gouvernement Sarraj, Mahdi Ibrahim al-Barghathi, dès l'arrivée de ce dernier à Benghazi, le 3 juin. Officiellement envoyé dans la «capitale» de la Cyrénaïque pour tenter une médiation entre le gouvernement Sarraj et Khalifa Haftar, il a en réalité mobilisé ses fidèles sur place. Et il n'en manque pas, ayant longtemps été l'un des principaux lieutenants de Khalifa Haftar sur ce front... Mahdi Ibrahim al Barghathi a aussi rallié à lui les Brigades de défense de Benghazi, nouvelle coalition de groupes armés créée par le chef milicien misrati Ismaïl Sallabi, frère du prédicateur Ali Sallabi, poids lourd des Frères musulmans. Ces revirements devraient suivre à empêcher Khalifa Haftar de déclarer la libération totale de la ville et, surtout, d'y installer la Chambre des représentants de Tobrouk, ce qui aurait restitué à cette dernière un semblant de légitimité... A ces avanies s'ajoutent pour Khalifa Haftar celles rencontrées sur le front de Syrte et dans le centre du pays. Son ex allié Ibrahim al-Jadhran lui avait déjà interdit tout accès au croissant pétrolier en opérant, fin mai, un énième changement d'alliance, cette fois en faveur de Fayez Sarraj. Depuis, les hommes de la Petroleum Facilities Guard (PFG), fidèles à al Jadhran, ont progressé en direction de Syrte, empêchant aux forces du général de l'Est de s'approcher de la cité. En conséquence, les forces pro Sarraj (essentiellement misraties), qui s'approchent de Syrte par l'ouest, auront le champ libre pour reprendre la cité des mains de l'organisation Etat islamique (ou Daech). Une perspective qui enchante les appuis internationaux du gouvernement de Fayez Sarraj, qui attendent impatiemment que ce dernier rétablisse un semblant d'ordre dans le pays. Cela dit, le général semble guetté par l'isolation diplomatique. L'envoyé spécial onusien pour la Libye martin Kobler a pris soin de laisser une porte ouverte pour Khalifa Haftar lors de son passage devant le Conseil de sécurité des nations unies (CSNU) le 6 juin. Le diplomate allemand a souligné la nécessité de doter l'armée du «gouvernement d'union nationale» d'une chaîne de commandement militaire «inclusive», c'est-à-dire laissant un rôle de commandement à Khalifa Haftar. Mais cet «arrangement» ne saurait être que provisoire, manière de signifier à ce dernier qu'il n'a que quelques jours pour saisir cette opportunité de ralliement à Fayez Sarraj. Or, le général de l'Est voit son soutien international s'étioler. Son principal sponsor, le président égyptien abdel Fattah al-sissi, n'est plus disposé à le soutenir à n'importe quel prix, comme en témoigne la reconnaissance par la Ligue arabe du gouvernement de Fayez Sarraj comme seule autorité légitime du pays, le 31 mai.