Eder, c'est l'attaquant lillois entré en jeu à la 79e minute, auteur de la main imputée à tort à Laurent Koscielny qui à la 109' récupère la balle, résiste à Koscielny et ouvre le score d'une frappe puissante à ras de terre, en plein axe. Il devient ainsi le nouveau héros de la nation portugaise. «Il n'aurait sans doute jamais joué si Ronaldo ne s'était pas blessé.»Depuis cette minute, l'ambiance changea de camp. Les champions d'Europe sont désormais les Portugais. Ce dimanche 10 juillet, ils font éteindre les lumières tricolores de la tour Eiffel pour éclairer leurnation. Longtemps donné favorite, l'équipe de France s'est heurtée à une formation plus technicienne et plus intelligente qu'elle. Le Portugal arrache donc pour la première fois de son histoire ce titre tant convoité. Après coup, les observateurs s'interrogent sur cette très forte poussée médiatique qui aurait mis les Bleus dans la peau des champions avant l'heure. Des joueurs surexcités, classés stars plus que stars, faisant la «une» des journaux de 20h et ce, à chaque victoire ; un sélectionneurconvaincu de son premier titre de champion, et des experts qui taillent leurs analyses, commentaires et calculs dans le sens où seuls les Bleus pouvaient faire la différence dans cet Euro et garder sur leur sol le trophée. Au départ de la compétition, le Portugal avec ses 9 buts inscrits, ses quatre matches nuls et ses trois victoires ne pouvait espérer le titre de champion, font rappeler les observateurs qui soulignent en outre que cette même équipe avait perdu trois fois face aux Bleus en demi-finale s de l'Euro-1984, de l'Euro-2000 et du Mondial 2006. Au coup d'envoi de cette magnifique manifestation sportive, le Portugal était donc fragilisé par ses scores, pour se corriger par la suite grâce à une formidable volonté et intelligence de son sélectionneur, Fernando Santos nommé, il y a un peu moins de deux ans, lui qui avait éliminé la Côte d'Ivoire du Mondial 2014, avec l'équipe de Grèce, avait, contrairement à ses pairs hésité à afficher clairement son ambition de gagner l'Euro -2016. Un confrère écrivait après cette formidable victoire : «Mais qui aurait imaginé cette sélection portugaise, nettement moins talentueuse et beaucoup plus calculatrice que ses devancières, décrocher un titre de championne d'Europe ? Et il en a fallu beaucoup pour supporter le déluge de critiques, après trois matches nuls plutôt poussifs, face à l'Islande (1-1), l'Autriche (0-0) et la Hongrie (3-3), trois adversaires loin d'être redoutables.» Le froid réalisme portugais ne plait pas à tout le monde, mais il fonctionne. Même Cristiano Ronaldo, la superstar du football portugais, s'y plie. «En trois confrontations avec l'équipe de France, Cristiano Ronaldo a toujours perdu et n'a même jamais marqué. Le Portugal a croisé la route de ces Bleus pour la première fois le 5 juillet 2006, en demi-finale de la Coupe du monde en Allemagne. Il avait bien tenté sa chance, mais il n'avait su tromper Fabien Barthez, et la Selecçao fut éliminée sur le plus petit des scores (1-0, but de Zinedine Zidane sur penalty).» Des commentaires qui ne méritent... aucun commentaire. Et d'ajouter : «Outre la France, il n'a jamais marqué contre l'Allemagne (quatre matchs, quatre défaites), contre l'Angleterre (deux matchs, deux victoires aux tirs au but à l'Euro 2004 et au Mondial 2006), contre l'Espagne (quatre matchs, deux victoires, deux défaites) et contre l'Italie (deux matchs, une victoire, une défaite).» Touché au genou lors d'un contact avec Dimitri Payet, il a quitté le terrain sur blessure. Il est sorti sur civière, à la 24e minute de jeu, remplacé par Ricardo Quaresma. Un commentateur d'une chaîne radio disait après le but : «Eder vous connaissez ? C'était un joueur en perdition qui a été relancé par Lille, qui l'a recruté en toute fin de mercato hivernal.» Et on appel çà du journalisme professionnalisme. «Nous sommes une équipe, nous jouons en équipe, lance ce dernier. Je n'ai jamais caché ce que je pensais et j'ai toujours dit à mes joueurs qu'ils avaient de la qualité mais qu'il fallait être une équipe unie, solidaire, organisée, concentrée.» Il conclut : «Si on continue à jouer de cette manière, avec beaucoup d'humilité, on pourra relever d'autres défis.» D'autres intervenants tiraientsur le milieu portugais de 18 ans Renato Sanches, désigné meilleur jeune joueur du tournoi par l'UEFA. «Il y a un an, il n'avait jamais joué un match avec les professionnels. Il devance le Français Kingsley Coman et son compatriote Raphaël Guerreiro.» Enfin, le trophée est au Portugal, le coq français attendra encore pour espérer s'agripper au podium des grandes compétitions. En attendant, il n'y a pas qu'à Paris ou à Lisbonne que les Portugais fêtent la victoire de leur équipe. La BBC publie sur Twitter une vidéo du quartier de South Lambeth, où de nombreux amoureux de la Seleçao s'étaient rassemblés ce soir. «Lorsqu'on se croit Champion d'europe sans avoir joué la finale, on repart les mains vides. On remerciera celui qui a décidé de faire passer l'Euro à 24, sauvant ainsi certains troisièmes de groupe. C'est un héros du foot français, un certain Michel Platini.» Que dire de cette majorité des joueurs qui arrachent la médaille sans attendre la remise autour du cou ? «C'est quoi cette attitude de mépris ? Ils ne sont pas très bons joueurs», faisait remarquer un envoyé spécial.