La France retient son souffle et rêve de triomphe pour ses Bleus à domicile. Le Portugal, toujours placé, jamais gagnant, veut son premier trophée majeur. Antoine Griezmann et Cristiano Ronaldo ont les reflets du Ballon d'Or dans les yeux. Rendez-vous ce soir au Stade de France (19h GMT). Gagné par la fièvre du ballon rond, le pays-hôte n'imagine pas d'autre issue que le succès après l'exploit majuscule réalisé contre les quadruples champions du monde allemands en demi-finale (2-0). Cette douce euphorie qui les berce depuis quelques jours, les Français aimeraient la prolonger. Meurtrie par les attentats de 2015, plombée par un climat social toujours lourd, la France veut un été en parenthèse enchantée. La tradition nationale serait ainsi respectée avec une nouvelle victoire à domicile après 1984 (Euro) et 1998 (Mondial). Un tel succès s'ajouterait à l'Euro-2000 gagné à Rotterdam dans l'armoire à trophées. La rédemption serait totale, six ans après le fiasco de Knysna et la grève de l'entraînement en pleine Coupe du monde 2010. Sécurité oblige, il n'y aura en revanche pas de parade des joueurs sur les Champs-Elysées en cas de dénouement favorable, contrairement à 1998. Un dispositif exceptionnel est prévu dès aujourd'hui avec 3 400 policiers et gendarmes déployés sur la célèbre avenue parisienne. Le coach Fernando Santos : «Je veux qu'on gagne cette finale» l Les coéquipiers de Cristiano Ronaldo, troisièmes de leur groupe, ont en effet attendu la demi-finale face au pays de Galles pour gagner leur premier match au bout des 90 minutes réglementaires. La Selecçao a essuyé des critiques pour son bloc hermétique, mais son coach Fernando Santos se moque des critiques émanant de la presse française. Il a répondu avec un ton provocateur : «Je veux entendre les critiques, je veux entendre que le Portugal joue mal, et puis je veux qu'on gagne et qu'ils disent que le Portugal a gagné sans le mériter. Je serai très content !». L'ancien entraîneur du FC Porto est apparu très sûr de lui tout au long de la conférence de presse. Interrogé sur le passif du Portugal, qui n'a jamais gagné en compétition officielle face à la France, Santos a assuré que son équipe allait renverser la tendance. «En 1984, 2000 et 2006, nous avons perdu en demi-finale. Nous n'avons jamais rencontré la France en finale. Demain (ndlr, aujourd'hui) nous allons écrire l'histoire», a-t-il martelé. La mesure Les Bleus ne défileront pas sur les Champs-Elysées en cas de victoire l Aucun défilé n'est prévu sur la plus belle avenue du monde, même en cas de victoire des Bleus en finale de l'Euro-2016, a annoncé le préfet de Paris, Michel Cadot. Difficile de croire que la ville n'organisera rien pour célébrer un quatrième titre majeur pour les Bleus, s'ils battent les Portugais, alors que la compétition s'est déroulée pendant un mois en France. Le préfet précise que pour des raisons matérielles, «ce n'est pas possible, on ne peut pas envisager de laisser circuler des masses lundi», le 11 juillet sur les Champ-Elysées. Pourtant, dix-huit ans plus tôt, presque jour pour jour, Didier Deschamps et ses coéquipiers triomphaient lors du Mondial 1998 et célébraient cette victoire sur un bus à impériale, au milieu de 600 000 personnes, la veille du 14 juillet. Ils montraient à la foule, en liesse depuis la veille où un million et demi de personnes étaient venus célébrer la victoire, la coupe au globe doré. A l'époque, les joueurs étaient escortés de quatre véhicules du Raid et de 500 officiers de sécurité, qui tentaient de frayer un chemin au bus à travers la marée humaine. Mais ils n'ont pas pu atteindre l'Arc de Triomphe. Aujourd'hui, le cortège devrait être encore plus renforcé si la préfecture venait à changer d'avis, en raison du dispositif déjà mis en place dimanche soir, mais aussi à cause du plan vigipirate. La colère Le sélectionneur portugais réagit aux critiques l En conférence de presse, le sélectionneur portugais, Fernando Santos, s'est énervé quand un journaliste a suggéré que France-Portugal était une finale au rabais. Les Portugais en ont marre d'entendre que leur qualification en finale n'est pas méritée. Une journaliste qui a interrogé le sélectionneur portugais Fernando Santos, en conférence de presse ce samedi, l'a appris à ses dépens. Elle lui a demandé son avis sur les critiques qui prétendent que France-Portugal n'est pas la meilleure des finales. «Pas la meilleure finale. Mais c'est quoi la meilleure finale alors ?!», a demandé Fernando Santos, énervé. Devant le silence gêné de la journaliste, il a assuré que son équipe méritait d'être là. Nombreux sont en effet ceux qui reprochent à la Selecção son parcours sans éclat dans cette compétition. La similitude Grizou comme Zizou ? l Chaque sacre des Bleus a eu son icône. Il y a 18 ans, le héros se nommait Zinédine Zidane. En 1984, il s'appelait Michel Platini. Ces deux monstres sacrés ont peut-être trouvé leur successeur avec Antoine Griezmann, meilleur buteur de l'Euro avec six réalisations en six rencontres. Le joueur de l'Atlético Madrid, 25 ans, doit éviter de trop penser au Ballon d'Or. «Grizou» doit continuer à faire oublier l'absence de Karim Benzema, écarté pour sa mise en examen dans l'affaire du chantage à la sex-tape. Les Bleus peuvent aussi se réfugier derrière leur éternel porte-bonheur : il n'est pas sur le terrain, mais sur le banc. C'est Didier Deschamps. L'ex-capitaine des champions du monde et d'Europe 1998 et 2000, visage de la gagne en France avec Zinédine Zidane, peut devenir le premier à rafler un Euro en tant que joueur titulaire et technicien. L'Allemand Berti Vogts, sélectionneur vainqueur de l'Euro-1996, était dans le groupe de la RFA, championne d'Europe en 1972, mais n'avait pas joué une seule minute. «C'est un moment exceptionnel, privilégié, une chance unique parce qu'il y a un titre au bout. Mais je n'ai pas de pression, pas de stress mais de l'adrénaline», expose calmement Deschamps. L'arme Dernière chance pour Ronaldo l La grande différence avec l'anti-football de la Grèce championne d'Europe 2004 et le Portugal, c'est Ronaldo : une arme fatale capable de ruiner la soirée sur les Champs-Elysées et de s'adjuger enfin un premier titre majeur. Le crack du Real Madrid a tout gagné en club mais reste bredouille en équipe nationale. A 31 ans, le play-boy multimillionnaire n'a pas le droit de laisser passer une occasion qui ne se représentera peut-être pas. Le triple Ballon d'Or rêve forcément d'un 4e trophée individuel suprême. Sa «Madjer»» au 1er tour face à la Hongrie (3-3) et sa détente verticale phénoménale sur son coup de tête victorieux en demi-finale contre le Pays de Galles de Gareth Bale (2-0) sont déjà parmi les images indélébiles de cet Euro. Autre danger pour les Français : le retour attendu de Pepe. Forfait face aux Gallois à cause d'une blessure musculaire, le rugueux mais si efficace patron de la défense portugaise se dit «prêt à jouer» la finale et pourrait mettre au supplice les attaquants bleus. En 2004, Ronaldo avait 19 ans et avait pleuré après la finale de l'Euro perdue à Lisbonne face aux Grecs. Les Bleus ne veulent pas vivre ça chez eux. Qui sanglotera au coup de sifflet final ? Les racines Le cœur déchiré de Pires avant la finale l L'ancien international français Robert Pires a reconnu que la finale de dimanche entre la France et le Portugal sera très particulière pour sa famille. De tous les anciens Bleus, Robert Pires est peut-être celui qui sera le moins déçu ce soir en cas de défaite de la bande à Deschamps en finale de l'Euro. Et pour cause ; cela voudra dire que c'est le Portugal, le pays dont est originaire son père qui l'aura emporté. En attendant l'heure H, la famille Pires retient son souffle. «Mon père est très tendu, a admis celui qui est officiel aujourd'hui comme consultant de beIn Sports. Il y a l'enjeu, on sait ce que cela se représente pour notre famille. On a vécu ça déjà en 2000». Champion du monde en 98 et vainqueur de l'Euro-2000, Pires a appelé ses successeurs sous le maillot tricolore à se méfier au maximum de Ronaldo et ses partenaires : «Côté portugais, on est assez confiants. L'Allemagne était favorite, mais les Portugais ne le sont pas. Et c'est la différence entre les deux matches.»