Lors de sa dernière session qui s'est terminée le 20 juillet à Istanbul, en Turquie, le comité de l'Unesco a ajouté 21 nouveaux sites, dont trois en Afrique, sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité. Elle compte désormais 1 052 sites répartis dans 165 pays. L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture a aussi tiré la sonnette d'alarme sur 8 sites, dont 5 en Libye, qui sont ajoutés sur une autre liste, celle du patrimoine en péril. Chacun a gardé en mémoire ce qui s'est passé à Palmyre, en Libye, avec les destructions par le groupe Etat islamique de pans entiers de la cité antique, ou encore la destruction des mausolées de Tombouctou par les jihadistes au Mali, en 2012. L'Unesco redoute que la même chose survienne en Libye. C'est pourquoi, elle vient de placer sur la liste des sites en péril les cités de Cyrène, Leptis Magna qui était considéré comme la Rome africaine, le site archéologique de Sabratha, les sites rupestres du Tadrart Acacus et l'Ancienne ville de Ghadamès, des temples, des cités gréco-romaines de toute beauté qui sont aujourd'hui menacés. Selon Mechtild Rössler, directrice du patrimoine à l'Unesco, il faut agir vite car les pillages ont commencé et d'ajouter : « il y a quelques pillages. Comme on a travaillé sur une liste rouge d'objets potentiels, on a retrouvé quelques objets qui vont être restitués. C'est très important pour éviter pas seulement le pillage, mais aussi le trafic illicite des objets ». «Un cri d'alarme à la communauté internationale» Reste la question si le classement sur la liste des sites en péril est vraiment efficace pour protéger ce patrimoine ? Comment l'Unesco peut-elle empêcher les destructions ? « D'abord, c'est un cri d'alarme à la communauté internationale, répond Mechtild Rössler, mais cela donne aussi des possibilités. L'Unesco peut lever des fonds avec des donateurs comme on l'avait fait avec l'Union européenne pour la Syrie, pour mieux protéger des sites, pour payer des gardiens, etc., et pour effectuer dans le futur une réhabilitation, une restauration des sites. » Les villes anciennes de Djenné (Mali) Outre ces sites libyens, les villes anciennes de Djenné (Mali), un ensemble architectural de cités préislamiques et islamiques sont aussi en péril. Menacées à la fois par les troubles au nord Mali, par le manque d'entretien qui découle de cette situation, par l'érosion, et enfin par l'urbanisation de la ville de Djenné. Le site de Djenné avait été inscrit en 1988 sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Faute de revenus traditionnellement générés par le tourisme, les habitants se sont tournés vers des activités moins rémunératrices, telles que la poterie ou le petit commerce. Et cela ne suffit pas à subvenir à leurs besoins, et encore moins à l'entretien de leurs maisons. Difficile dans de telles conditions de préserver l'architecture d'origine de leurs maisons, pour respecter les contraintes liées au classement de l'Unesco. Au coeur de Djenné, plusieurs maisons sont tombées. Selon plusieurs témoignages, la Grande Mosquée est toujours préservée. Les zones marécageuses et leurs sites archéologiques, qui encerclent Djenné, sont aussi menacés. Pour sauver le patrimoine, des guides touristiques se sont portés volontaires pour faire du porte-à-porte afin de sensibiliser les habitants, sur l'importance de préserver l'architecture de la ville. Le Corbusier Le Corbusier (1887-1965) avait déclaré avoir commencé dans l'esprit nouveau dans les années 1920 en disant qu'il faut faire du foyer le temple de la famille. Et il s'est efforcé pendant une vie entière de loger des gens. Le Corbusier était un génie, un génie parfois incompris et décrié, mais dont l'œuvre est désormais protégée et reconnue comme une contribution majeure au Mouvement moderne. Dix-sept réalisations du Franco-Suisse, dont dix en France, sont classées. Citons la ville de Chandigarh en Inde, ou la Cité radieuse à Marseille. Il a fallu plus de dix ans pour que ce dossier aboutisse. « C'est vraiment une œuvre très spéciale, souligne Mechtild Rössler de l'Unesco, parce que cela représente le mouvement moderne. C'était vraiment un enjeu de renouvellement au cours du XXe siècle. C'était aussi la technique architecturale qui répond aux besoins de la société. Dans ce sens, c'était unique au monde. » Le magnifique massif de l'Ennedi au Tchad Parmi les 21 sites ajoutés sur la liste du patrimoine mondiale, trois se trouvent sur le continent africain : d'abord le magnifique massif de l'Ennedi au Tchad. Un site mixte, à la fois site naturel, avec ces falaises de grès impressionnantes et un site culturel puisqu'il regorge de peintures rupestres multi millénaire. « Nous parlons de présences humaines qui durent au moins près de 7 000 ans, souligne Edmond Moukala, chef de l'unité Afrique au sein du patrimoine mondial de l'Unesco. La majorité des expressions de l'art rupestre décrit les rapports entre l'humain, la faune sauvage et les animaux domestiques. On y voit des vêtements, des bijoux, des armements et l'habitat. » Classer ce site devrait permettre d'attirer l'attention de la communauté des chercheurs intéressés par les origines de l'humanité. Une mission est d'ailleurs prévue en fin d'année afin d'approfondir des projets de recherches déjà entamés sur ces peintures rupestres. Au Soudan, deux parcs marins ont été classés patrimoine mondial de l'Unesco. Il s'agit du parc de Sanganeb, une structure de récifs coralliens isolés au centre de la mer Rouge. Et de la baie du Dungonab, qui abrite des mangroves et sert d'habitat à des populations d'oiseaux de mer et de nombreux mammifères marins. Deux lieux qui répondent aux critères de sites exceptionnels. « L'habitat marin est très riche. Le fait que ce soit le seul atoll de la mer Rouge, c'est exceptionnel. C'est un mélange de facteurs, qui regroupent la beauté d'une part, et la richesse, la biodiversité de l'autre », précise Nada Al Hassan, chef de l'unité Etats arabes au patrimoine mondial de l'Unesco.