Le 20 août 2014, nous quittait Mohamed Bouslah, le père de Krikèche. Il était l'un des pionniers de la bande dessinée algérienne. Mohamed Bouslah a tiré sa révérence, brutalement, sans crier gare. Une disparition qui avait jeté l'émoi dans le milieu du 9e art dont il était l'un des chefs de file. Celui qui signait ses dessins Mémed ou Mim avait encore, malgré ses 75 ans, une énergie de jeune premier et un génie sans limites. Il travaillait sur différents projets qu'il a, malheureusement, laissés en suspens. Connu pour ses personnages d'anthologie et ses albums qui ont marqué l'histoire de la bande dessinée algérienne, Mohamed Bouslah, malgré une carrière au succès tout en reliefs, n'a jamais voulu de la gloire et du prestige. Il est resté modeste, humble, travailleur et ce, jusqu'à son départ...sur la pointe des pieds. L'aventure débute avec Krikèche Natif d'Alger, Mohamed Bouslah y a vu le jour le 1er juillet 1939. Passionné de dessin, de peinture et de couleurs, il intègre la Société des beaux-arts entre 1962 et 1968. Entre-temps, en 1964, il rejoint l'équipe du quotidien « Alger ce soir » où il publie ses premières planches. Après avoir rallié « Algérie Actualités », il donne naissance à Krikèche, personnage haut en couleurs, au travers duquel il entraine le lecteur dans les aventures rocambolesques et des situations très « Vaudeville ». Face au succès de ces planches, il les réunit dans un recueil intitulé « Les aventures de Krikèche». A partir de 1969, il rejoint d'autres dessinateurs pour vivre l'aventure de M'quidech, cette revue pionnière de la BD algérienne créée par Haroun, éditée par la Sned et à laquelle prendront part plusieurs de grands dessinateurs algériens, à l'image de Aram, Slim, Maz...etc. Bouslah signe ses dessins sous le pseudonyme Mémed et Hbibou ou le professeur Skolli font partie des personnages qui prendront vie sous ses traits avec une personnalité typiquement algérienne. En fait, l'un des objectifs de M'quidech est justement de proposer une alternative aux diverses parutions occidentales très prisées par le lectorat algérien à cette époque, telles que «Zembla», «Akim», «Kiwi», «Blek le Roc», «Le Petit ranger», «Ombrax»... Portant un vif intérêt à l'histoire algérienne, il collaborera de manière effective à la rubrique «De nos montagnes» paraissant dans M'quidech. La revue fait pendant quelques années, le bonheur des passionnés de bande dessinée jusqu'à sa disparition en 1974. Loin d'être découragé par cette fin d'aventure, Bouslah en entame une autre en prenant part au lancement de la bande dessinée « Tarik », née avec le soutien du ministère du moudjahid. C'est aussi, tout logiquement, qu'il participe à la réalisation d'une fresque collective pour le musée de l'armée. Pour son ami Mahfoud Aïder, Mohamed Bouslah avait cette facilité et cette «aisance» de passer d'un dessin humoristique à un dessin réaliste. Bouslah publie deux bandes dessinées durant la décennie 80. La première «Quand résonnent les tam-tam » sort en 1982, un BD d'aventure qui fera date puisque c'est cette même année que Mohamed Bouslah participe à l'exposition des bédéistes algériens au Salon international de Lucca (Italie) et en revient avec le prix collectif Premio Caran d'Arche. L'auteur qui est au faite de son inspiration et sa créativité sort deux autres bandes dessinées qui permettent d'appréhender des faits d'histoire autrement. La première, «La ballade du proscrit» est éditée en 1984. Cinq ans plus tard paraît «Pour que vive l'Algérie » en 1989. Ces trois albums feront l'objet d'une réédition en 2004 sous les tablettes de l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep). Il faut noter toutefois que cette passion pour le neuvième art sera interrompue dans les années 1990, période durant laquelle Mohamed Bouslah décide de se consacrer à la peinture. Adaptation littéraire Après avoir passé quelques années loin de la bande dessinée, Mohamed Bouslah décide d'y revenir en 2008. Outre une collaboration au sein du quotidien national « Liberté » en tant qu'illustrateur et participe même également à l'aventure de l'hebdomadaire satirique « El Manchar», il se lance ensuite dans la voie de l'adaptation littéraire. Dans ce domaine, la baptême du feu se fera par un travail sur le célèbre roman de l'écrivain algérien Yasmina Khadra intitulé « Le dingue au bistouri ». L'album en question sortira aux éditions Lazhari Labter, un autre passionné de 9e art. L'ouvrage est accueilli avec un grand engouement par le public, ce qui l'encouragera à tenter d'autres expériences. Ce sera le cas en 2013 avec la parution de «Terre interdite» aux éditions Sédia, adaptation d'une nouvelle (Au Café) de l'écrivain Mohamed Dib. Mohamed Bouslah qui semblait avoir trouvé une voie qui lui permettait de s'exprimer différemment voulait percer davantage dans ce créneau. Il pensait aussi adapter «La grande maison», un chef d'œuvre de la littérature algérienne, écrit par le même auteur. Par ailleurs, il voulait signer son retour à la bande dessinée en réalisant un album consacré à la grande figure historique Salah Bey. Malheureusement, ce projet qui devait paraître aux éditions Sédia restera inachevé. A noter qu'en parallèle à sa carrière de peintre, bédéiste et caricaturiste, Mohamed Bouslah était employé dans le secteur des postes et télécommunications. Il réalisera pour le compte de son ministère de tutelle quatre timbres poste. Durant sa carrière, il aura, en diverses reprises pris part à des expositions individuelles (Alger 1982 et Sierre 1985) et collectives (Bordj El Kiffan 1986 et Lucca 1982, 1984). Le jour de son décès, ce mercredi 20 août, Mohamed Bouslah rentrait chez-lui avec des fleurs pour fêter ses 45 ans de mariage. Il laisse une veuve, des enfants et des petits enfants éplorés.